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Les «largesses» des instituts d'émission ne laissent plus les banques indifférentes

De peur de faire aveu de faiblesse et d'inciter les marchés financiers à spéculer davantage sur l'insuffisance potentielle de leurs liquidités et de leur capacité d'emprunt, les grandes banques américaines n'avaient répondu la semaine dernière que du bout des lèvres aux premiers coups de pouce de la Réserve fédérale (Fed).

(l'écho) Mais les incitations monétaires successives de la Fed semblent faire évoluer peu à peu les mentalités! En particulier, l'abaissement vendredi du taux d'escompte de 50 points de base à 5,75% a incité mercredi le quatuor bancaire, constitué par Bank of America, JPMorgan Chase, Wachovia et Citigroup, à emprunter collectivement 2 milliards de USD à l'institut d'émission.

L'ampleur de ce prêt à un jour contraste singulièrement avec les volumes observés la semaine précédente au cours de laquelle le recours journalier des banques à l'escompte avoisinait, en moyenne, les 11 millions de dollars.

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Les banques mettent le pied à l'étrier

Si les quatre institutions financières ont finalement répondu aux appels du pied plus qu'insistants de la Fed, c'est bel et bien pour prêter main forte à la Fed. Elles n'ont, en effet, pas fait mystère de leur objectif: «contribuer aux efforts de la banque centrale pour ramener des liquidités dans le système monétaire.» Bien qu'ayant «des liquidités importantes et la capacité d'emprunter de l'argent ailleurs dans des conditions plus favorables», les banquiers «jugent important en cette période» de démontrer la «valeur potentielle» de cette facilité de crédit et «d'encourager son usage par d'autres institutions financières». Il en va de la stabilité du système financier, qui reste à la merci de l'effet boule de neige induit par la crise des prêts hypothécaires à risque sur l'ensemble du marché du crédit.

Même combat en Europe où 146 banques ont largement participé jeudi à l'appel d'offres de la BCE. L'opération de refinancement à long terme exceptionnelle, qui a été plus de trois fois sursouscrite, a permis à la Banque centrale européenne (BCE) de prêter 40 milliards d'euros à un taux moyen de 4,61% (soit 0,61% de plus que le taux directeur de la BCE) sur une période de 91 jours.

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Bank of America montre l'exemple

La Fed est même disposée à «aller encore plus loin» puisqu'elle a élargi la gamme des garanties que les banques peuvent apporter pour lui emprunter, afin d'y inclure les titres adossés à des prêts hypothécaires (lire «L'Echo» du 23 août).

Ce qui a sans doute contribué à inciter Bank of America à investir 2 milliards de dollars dans Countrywide Financial, le leader américain des prêts hypothécaires, qui avait déjà dû emprunter la semaine dernière 11,5 milliards de dollars auprès de 40 banques différentes pour renflouer sa trésorerie. Et Bank of America de préciser:«Nous espérons que cet investissement sera une étape vers un retour à plus de normalité dans les liquidités sur les marchés hypothécaires.»

Réamorcer la pompe à liquidités

En faisant preuve d'un tel activisme, les banquiers centraux tentent de réamorcer la pompe à crédit en incitant les prêteurs à retrouver une «grille de lecture» plus rationnelle.

Leurs craintes à l'égard des dettes à risques ou adossées à des actifs à risques sont telles que, sans discernement, ils ne veulent plus prêter aux entreprises ne pouvant montrer patte blanche, c'est-à-dire ne disposant pas d'une qualité crédit irréprochable (rating «AAA»).

Qu'elles soient financières ou non, ces entreprises éprouvent les pires difficultés à se financer sur le marché du crédit.

Marché des «commercial papers» asséché

Le marché des «commercial papers» (CP), qui pèse près de 1.100 milliards de USD aux Etats-Unis et constitue l'une des voies les plus courantes pour lever des fonds à court terme (moins d'un an), s'est ainsi sensiblement asséché. En l'absence de demande pour ces dettes CP, qui prennent la forme de prêts à la consommation, de prêts voiture, de prêts hypothécaires..., ou même de prêts adossés à des commercial papers (ABCP), les taux d'intérêt, qui leur sont associés, ont brutalement explosé la semaine dernière.

Selon les indices de la Fed, les taux moyens à 90 jours des CP financiers et non financiers ont bondi de près de 5,2% à des sommets de 5,39% et 5,41%.

Tandis que, jouant à fond les valeurs refuges, les dettes de la Fed voyaient leur rendement se tasser à un plancher de 2,51% pour les bons du Trésor à 3 mois. La Fed ne pouvait donc rester impassible. C'est pourquoi elle a décidé de diminuer mardi de 1% à 0,5% le le taux au jour le jour auquel la Fed prête des emprunts d'Etat (lire «L'Echo du 23 août).

La fed n'a pas encore course gagnée

Si ce geste a permis au rendement du bon du Trésor à 3 mois de revenir à 3,65% et à celui des CP de même maturité de retomber à hauteur de 5,3%, la Fed n'a pas pour autant course gagnée.

Il ne faut pas perdre de vue que plus de la moitié des CP en circulation tomberont à échéance dans un horizon à 90 jours. Autrement dit, «à moins que leurs émetteurs ne trouvent d'ici là de nouveaux acheteurs, des centaines de hedge funds et d'institutions financières spécialisées dans les prêts immobiliers devront, selon UBS, vendre près de 75 milliards de dettes adossées à des emprunts hypothécaires.» Ce qui ne manquera pas de faire rebondir les rendements sur le marché des dérivés de crédits hypothécaires où les investisseurs ont, d'après Merrill Lynch, déjà perdu près de 44 milliards de USD. Avec, in fine, des répercussions négatives sur les 38,4 millions d'investisseurs présents dans les fonds monétaires, qui sont les principaux détenteurs de CP.

On l'aura compris, tout l'enjeu consiste pour la Fed et l'ensemble des banques centrales à enrayer ce cercle vicieux où la défaillance de certains actifs utilisés comme «collateral» dans différents véhicules financiers parvient à contaminer l'ensemble du marché du crédit.

Pour y parvenir, elles devront donc continuer à ajuster le tir (les liquidités) sur le marché monétaire avec l'appui des banques commerciales. Une perspective qui ne semble pas effrayer les marchés financiers qui, à tort ou à raison, ont regagné un peu moins d'un tiers de leurs récentes pertes.

Luc Charlier

Photo Bloomberg

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