Conformément aux règles inhérentes à leur statut, les sociétés immobilières réglementées (SIR) doivent chaque année distribuer 80% de leurs bénéfices courants. Cette obligation est une lame à double tranchant. D’une part, elle garantit le paiement de dividendes élevés, mais d’autre part, elle limite les possibilités d’investissement des entreprises. C’est pourquoi l’an dernier, près de la moitié des SIR ont laissé à leurs actionnaires le choix entre un dividende en cash ou sous forme d’actions. De manière générale, cette dernière option permet aux actionnaires de bénéficier d’une décote par rapport au cours de bourse.
Dividende en espèces ou en actions?
Plus les investisseurs optent pour des actions, plus l’entreprise conserve des liquidités, ce qui lui permet de disposer de davantage de moyens financiers pour se développer, réduire son endettement ou diminuer sa charge d’intérêts. Selon nos calculs, les neuf SIR ayant proposé ce choix l’an dernier ont pu dégager plus de 150 millions d’euros supplémentaires. La part des dividendes perçus sous forme d’actions varie entre 78% chez le spécialiste en espaces commerciaux Wereldhave Belgium et 43% chez Montea (location d’entrepôts).
Concrètement, une SIR a le choix entre trois stratégies en matière de distribution du dividende. Une entreprise en croissance comme WDP essaie chaque année de conserver une capacité d’investissement maximale, contrairement à Leasinvest Real Estate, qui ne le fait jamais. On peut supposer que la maison mère (Ackermans & van Haaren) compte sur ces liquidités pour financer le paiement de son propre dividende. Enfin, certaines SIR évaluent chaque année les différentes options. "Le dividende optionnel fait partie de notre boîte à outils pour gérer notre endettement. En 2018 et 2019, notre taux d’endettement étant relativement bas – respectivement 41 et 42% – nous avons estimé qu’il n’était pas nécessaire de proposer un dividende en actions", explique Lynn Nachtergaele, Investor Relations Officer chez Cofinimmo.
Quelle fiscalité?
Que le dividende d’une SIR soit payé en espèces ou en actions ne change rien à sa fiscalité, qui se monte à 30%, comme pour les autres actions. Aedifica et Care Property Invest font cependant exception: leurs actionnaires bénéficient d’un précompte mobilier réduit de 15% vu que 60% de leur portefeuille sont investis en immobilier de soins. Chez Cofinimmo également, ce seuil devrait être bientôt franchi. L’entreprise affichait déjà un taux de 56% fin septembre. "Nous pensons que Cofinimmo ne tardera pas à franchir le cap des 60%", estime l’analyste Jonathan Mertens, de Dierickx Leys.
Pourquoi une prime de risque?
Ceux qui investissent aujourd’hui 100 euros dans une SIR peuvent compter chaque année sur 3,2 euros net en moyenne, sous forme de dividende. Le rendement net du dividende oscille ainsi entre 1,8% (Xior) et 4,4% (Befimmo). Plus le risque de suppression du dividende est élevé, plus la "prime de risque" – sous forme de généreux dividende – exigée par les investisseurs est importante.
Exemple. Pour un acteur de l’immobilier résidentiel, Home Invest Belgium offre actuellement un rendement net du dividende (3%) qui peut être considéré comme élevé. Les investisseurs disposent ainsi d’une marge de sécurité. Le groupe distribue d’ailleurs 100% de ses bénéfices courants, y compris les plus-values réalisées sur les ventes d’immeubles. De nombreux analystes estiment dès lors que le dividende de Home Invest n’est pas tenable à terme.
Quelles catégories d’acteurs?
Selon le segment, le rendement du dividende peut être grosso modo réparti en trois catégories:
1. Dividende net de 2%: logistique, immobilier de soins et résidences pour étudiants
Les cinq SIR investies à 100% dans le secteur de la logistique (WDP, Montea), de l’immobilier de soins (Aedifica, Care Property) ou des résidences pour étudiants (Xior) offrent un rendement net du dividende d’environ 2%, en raison notamment de leur profil spécifique. "Ce type d’acteurs est quasi unique en Europe", explique l’analyste Herman van der Loos, de Degroof Petercam. Soulignons également qu’ils se situent dans un secteur en plein essor.
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L’immobilier de soins profite du vieillissement de la population, le secteur de la logistique du développement du commerce en ligne, tandis que Xior surfe sur la vague de la demande des étudiants pour "de meilleures conditions de logement". Pour ces cinq entreprises, le territoire belge est d’ailleurs devenu trop petit. Toutes ont élargi leurs activités aux Pays-Bas. Xior a par ailleurs fait de la péninsule ibérique son deuxième marché domestique et Aedifica est actif au Royaume-Uni depuis 2019. L’entreprise devrait en outre prendre pied sur le marché finlandais au début de cette année avec l’acquisition de Hoivatilat. Preuve de leurs ambitions de croissance: ces cinq entreprises proposent systématiquement le dividende optionnel.
2. Dividende net de 3%: immobilier mixte
Cofinimmo et Leasinvest Real Estate proposent un rendement du dividende de près de 3% net. Ces SIR sont actives dans différents segments immobiliers. Dans le passé, le marché a régulièrement spéculé sur une scission possible de l’immobilier de soins de Cofinimmo, afin de bénéficier du précompte mobilier réduit. Certains investisseurs – en majorité institutionnels – préfèrent cependant investir dans des "pure players", parce qu’ils souhaitent diversifier eux-mêmes leur portefeuille ou miser à fond sur une tendance spécifique. D’autres – généralement des particuliers – apprécient la diversification des portefeuilles d’acteurs comme Cofinimmo, Leasinvest Real Estate ou la petite entreprise Immo Moury. Ceux qui achètent une action de Leasinvest Real Estate acquièrent automatiquement un portefeuille réparti entre immobilier de bureaux, immobilier commercial et immobilier logistique, en Belgique, au Luxembourg et en Autriche.
3. Dividende net de 4% ou plus: bureaux et espaces commerciaux
Les SIR qui affichent aujourd’hui un rendement du dividende de 4% ou plus suscitent plutôt la méfiance du marché. Les investisseurs sont en effet devenus plus prudents envers l’immobilier commercial à cause du succès du commerce en ligne. Le naufrage de Qrf en 2018 – du jamais vu dans le secteur – suite au litige avec son locataire H&M, effraie de nombreux investisseurs. Pour attirer les investisseurs et contrer cette méfiance, le dividende net de Vastned Retail Belgium et de Wereldhave Belgium dépasse largement 4% du cours de bourse. Le scepticisme touche également l’immobilier de bureaux, comme en témoigne le rendement net du dividende de 4,4% de Befimmo, investi à 100% dans les bureaux.
L’histoire nous a appris que le succès du secteur immobilier n’était pas un fait acquis. A la fin des années 1990, le segment logistique n’attirait les investisseurs que grâce à son rendement très élevé par rapport au reste du secteur. L’immobilier résidentiel à Berlin a été "hot" pendant des années, jusqu’au blocage des loyers qui a provoqué une grave crise. Morale de l’histoire: il vaut mieux se constituer un portefeuille de SIR actives dans différents secteurs et offrant différents niveaux de rendements du dividende.
Les SIR et les promoteurs immobiliers sont des sociétés très différentes. Les SIR sont essentiellement des bailleurs de biens immobiliers, tandis que les promoteurs construisent un immeuble dans le but de le vendre en empochant une plus-value. Malgré tout, les différences entre les SIR et les promoteurs semblent s’estomper quelque peu. Par exemple, VGP est de plus en plus actif dans la location de (ses propres) immeubles, grâce à un accord de coopération avec l’assureur allemand Allianz.
Sur le plan juridique, les deux types d’entreprises restent très différents. Les SIR doivent respecter certains critères: par exemple, un bien unique ne pourra jamais dépasser 20% de l’ensemble du portefeuille. Par ailleurs, les SIR ne peuvent s’endetter au-delà de 65% des actifs et doivent distribuer au moins 80% de leurs bénéfices à leurs actionnaires. En contrepartie, elles sont exonérées de l’impôt des sociétés en Belgique.
Un point commun entre les promoteurs immobiliers et les SIR, c’est que tous deux souhaitent attirer des investisseurs grâce au paiement d’un généreux dividende. L’an dernier, VGP a augmenté son dividende de 16%. Pour cette année, les analystes s’attendent à une croissance à deux chiffres du dividende. Immobel promet d’augmenter son dividende de 10% par an, tant que la situation le permet. Chez Atenor aussi, le dividende devrait être en hausse. Comparé aux SIR, les dividendes des promoteurs immobiliers sont historiquement plus volatils. Les trois entreprises citées traversent actuellement une période faste, ce qui se traduit par de généreux dividendes. Mais en cas de tempête, le secteur peut décider de supprimer le dividende, comme ce fut le cas d’Immobel en 2013. Rappelons aussi que suite à des pertes régulières, le promoteur bruxellois Banimmo ne distribue aucun dividende depuis plusieurs années.