C’était déjà vrai en 2020 et même avant. Ce l’est encore plus aujourd’hui: on n’épargne plus, on investit! Facile à dire… Pour certains, placer ses économies en faisant du "hors-piste", c’est stressant. C’est pourtant la seule option à considérer si l’on veut au minimum préserver son pouvoir d’achat et, si possible, obtenir du rendement. Même si la thésaurisation est un réflexe compréhensible par les temps que nous traversons, il faut taper (une fois encore) sur les doigts de ceux qui laissent végéter sur un livret des montants qui vont bien au-delà de l’épargne de précaution.
"Ceux qui ont découvert la Bourse et osé se lancer en choisissant les bons secteurs ont été grassement récompensés. En particulier s’ils ont investi en plein creux, fin mars-début avril 2020."
Avec quels arguments peut-on convaincre ceux qui sont encore réticents, a fortiori dans l’angoissant contexte actuel? Navigue-t-on vraiment à vue? Quelles leçons peut-on déjà tirer de 2020 et de tout ce qui s’est passé depuis l’éclatement de la crise sanitaire?
Taux encore plus bas et pour encore plus longtemps
Adeptes du bon vieux livret, on ne pourra pas dire qu’on ne vous avait pas prévenus. "Les taux d’intérêt que l’on qualifiait déjà depuis des années d’anémiques vont végéter à l'avenir à des niveaux encore plus bas qu’escomptés. On a l’impression que les banques centrales qui ont inondé les marchés de liquidités et continueront à le faire sont devenues des acteurs structurels sur le marché obligataire", observe Wim D’Haese, Head Investment Strategist chez Deutsche Bank. "De leur côté, les États qui se sont massivement endettés pour soutenir l’économie et les citoyens ont tout intérêt à ce que les taux restent faibles, et de préférence dans un contexte de relative inflation, car c’est le meilleur moyen de se désendetter", ajoute-t-il. Tirez-en les conclusions...
Les leçons de 2020
Car vous avez probablement loupé le coche en restant accroché à votre compte d’épargne. Et il n'y a pas de bonne raison de se laisser complètement tétaniser! Ces dernières années, beaucoup de novices ont d'ailleurs fini par se jeter à l’eau. En général, avec un certain succès. Et même en 2020, contrairement à toutes attentes. "Après avoir perdu quelque 30 à 40% en 20 jours en mars, les marchés ont nettement rebondi, grâce aux interventions sans précédent des banques centrales et aux plans de relance nationaux", rappelle Corentin Minne, Founding Partner chez Pareto.
"Ceux qui ont découvert la Bourse et osé se lancer en choisissant les bons secteurs (technologies, biotechs, sécurité, robotique) ont été récompensés. En particulier s’ils ont investi en plein creux, fin mars-début avril", souligne son collègue et associé Geoffroy de Pierpont.
"Les investisseurs au profil dynamique ont in fine engrangé 5, 10 voire 15%... Le danger, c’est précisément de croire à l’issue de cette première expérience que c’est ‘normal’ et de partir du postulat que ce scénario se répétera. Il faut être conscient que c’était exceptionnel. Et que le jour où un événement inattendu ou une crise se produit, la panique s’en mêle. Face à une chute irrationnelle, il faut être capable de garder son calme et de faire le gros dos", met en garde Corentin Minne. Investir, c’est aussi ça!
Les Bourses réagissent toujours anticipativement et en général avec excès, dans un sens comme dans l’autre. "Lorsque les politiques monétaires seront moins accommodantes, les marchés pourraient souffrir alors que l’économie va bien… ", souligne-t-il. Dans ce cas, armez-vous de patience et gardez vos nerfs. Il est essentiel de rester fidèle à son horizon de placement et à ses choix. Le pire, c'est de vendre et de sortir du marché lorsque cela va mal ou de s'emballer et prendre ses bénéfices au moindre mouvement haussier.
Les perspectives pour 2021
En fait, "on est aujourd’hui face à un même cadre et aux mêmes questions, résume Geoffroy de Pierpont. Les politiques monétaires ultra-accommodantes seront maintenues (la Fed a déjà annoncé le maintien d’un taux plancher) malgré la légère reprise de l’inflation. Et les plans de relance massifs seront poursuivis. Il faut donc être conscient que le marché est largement dopé…"
"Habitudes de travail, de consommation, chaînes d’approvisionnement: le monde a changé et est encore en train de changer", souligne pour sa part Wim D'Haese. "S’il reste en grande partie global, on assiste à un repli partiel sur le local - même si c’est plus cher -, pour s’assurer de la disponibilité des produits. Et l’État sera également plus présent et interventionniste qu’avant."
"Lorsqu’on pourra recommencer à vivre normalement, on devrait assister à un effet 'après-guerre': les ménages vont sortir, consommer, se lâcher", estime Geoffroy de Pierpont. La reprise tirée par la consommation sera toutefois plus modérée en Europe où l’épargne de précaution reste ancrée. "Celui qui a épargné 100 dépensera 40 ou 50, alors qu'Outre-Atlantique, c’est nettement plus frénétique."
Et dans ce cadre, gare aux valorisations qui atteignent des sommets aux États-Unis, mettent en garde les spécialistes de Pareto. "Ces dernières années, l’écart avec l'Europe ne fait qu’augmenter! Alors, même si 2021 sera encore plus digitale et technologique, on préférera s’orienter vers des small et mid caps." Voilà le contexte brossé.
Les fonds mixtes flexibles, l’alternative n°1
En général, le premier réflexe de l’épargnant en quête d’alternatives au livret consiste à se tourner vers les obligations qui offrent théoriquement un capital et un coupon garantis. "Sauf que les coupons des obligations d’États solides sont négatifs et que, du côté des entreprises, il faut viser le high-yield (obligations émises par des entreprises dont le rating est inférieur à Triple B). Dans ce cas, on prend un risque sur l’émetteur (capital et coupon)", cadre Marc Dhondt, spécialiste en gestion patrimoniale et Consultant Belgique OneLife (assurance Branche 23). Un constat qui l’amène tout naturellement à conseiller d’investir dans des fonds flexibles qui rassemblent des actions et obligations de qualité.
"Aujourd’hui, le moteur de la performance, ce sont les actifs risqués", souligne Wim D’Haese. "Mais passer de l’épargne aux actions, c’est un pas de géant, car la volatilité et les pertes potentielles sont considérables", reconnaît-il. Deutsche Bank propose donc aux novices de "commencer par construire via des fonds mixtes flexibles un portefeuille de base robuste investi pour partie en actions, afin de profiter des hausses du marché, et pour partie en obligations, pour effacer la majeure partie de la volatilité." Grâce à leur flexibilité, les gestionnaires de ces fonds vont prendre plus ou moins de risques, en fonction des conditions du marché.
L’épargne progressive en fonds reste très populaire. Accessible à partir de quelques dizaines d’euros par mois, elle constitue une alternative intéressante pour le petit épargnant qui ne dispose pas d'un capital de départ et souhaite rester prudent. Attention: le choix est souvent limité aux seuls fonds proposés par sa banque, à moins que celle-ci ne pratique l’architecture ouverte.
"Cette technique permet d’étaler les moments où on entre sur le marché, alors qu’il est relativement cher, comme c’est le cas actuellement", note Wim D'Haese.
"Si vous avez un horizon de 3 à 5 ans minimum, un fonds mixte flexible adapté à votre profil d’investisseur (comprenez au niveau de risque que vous êtes prêt à prendre) constitue la meilleure alternative au livret." Dans ce cas, le risque que vous prenez est lié à la qualité du gestionnaire. La meilleure stratégie consiste donc à opter pour les fonds de 5 ou 6 gestionnaires qui ont fait leurs preuves et passé toutes les épreuves sur une dizaine d’années. Sans négliger la diversification ’temporelle': étaler ses investissements dans le temps", précise Marc Dhondt.
"Les fonds à gestion active sont en général positionnés sur des secteurs très peu dépendants du Covid", ajoute-t-il. "Ils ne sont évidemment pas à l’abri de tous les scénarios, mais permettent de protéger une grande partie de ses avoirs et d’espérer un rendement en fonction de son profil (prudent: 3 à 4%, balancé: 4 à 5% ou dynamique: bien au-delà de 5%, en moyenne, sur 4 à 5 ans) et de son horizon d’investissement."
Il est important de déterminer le véhicule juridique via lequel il est le plus judicieux d’investir, du point de vue fiscal. "Si c’est à court terme, il est préférable d’opter pour un compte-titres bancaire. À long terme, on privilégiera plutôt une branche 23 car, dans ce cas, on paie uniquement la taxe de 2% à l’entrée. On évite le précompte mobilier, la TOB, les frais d’arbitrage, etc.", conseille Marc Dhondt.
Les thématiques fortes
L’investisseur qui souhaite passer à la vitesse supérieure peut compléter son portefeuille de base par des investissements thématiques. "Les technologies et les soins de santé, secteurs que nous avions privilégiés en 2020, restent nos favoris pour cette année. S’y ajoutent les infrastructures (ponts, routes, bâtiment, mais surtout réseaux) et la durabilité qui gagne en importance chaque année. À un moment donné, si un investissement n’est pas durable, il sera difficile de le justifier", prédit le responsable Investissements de Deutsche Bank.
"La durabilité gagne en importance chaque année. À un moment donné, si un investissement n’est pas durable, il sera difficile de le justifier."
De nombreux gestionnaires de fonds flexibles ont un label éthique qui séduit plus particulièrement les jeunes, observent les professionnels. "Choisir un fonds climatique, d’agriculture raisonnée, etc. permet d’avoir un impact sur l’évolution de la planète et les choix de société. Refuser de donner du capital à des secteurs très polluants, c’est le meilleur moyen de les forcer à évoluer", explique Marc Dhondt. Ça aussi, c'est évidemment un plus par rapport au compte d'épargne.
Les jeunes, très à l’aise avec les nouvelles technologies, sont aussi les plus actifs sur les plateformes d’investissement en ligne qui leur permettent de faire du day trading. "Ils investissent de petits montants et font pas mal de transactions. Les outils robotiques sophistiqués augmentent la réactivité", note Geoffroy de Pierpont.
Et comme l’univers de l’investissement évolue et que la seule façon de dégager un rendement, c’est de prendre des risques, plus que jamais, l’accès (des novices) à l’information est essentiel. C’est dans cette optique que Marc Dhondt a développé le réseau YouInvestYou.com. "Une communauté au sein de laquelle, notaires, avocats, conseillers financiers, investisseurs échangent, dialoguent et s’informent de façon ludique et informelle sur l’investissement financier, immobilier, le crédit hypothécaire, les aspects juridiques et fiscaux des investissements", explique-t-il.