Alors que les banques se sont enfin lancées dans la guerre des taux sur les comptes d'épargne – BNP Paribas Fortis et KBC ont encore annoncé des relèvements de taux cette semaine –, et que l'inflation tend à diminuer en Belgique, le contexte est-il redevenu favorable pour l'épargnant? En clair, la période pendant laquelle le pouvoir d'achat de son épargne fondait sous l'effet de l'inflation – cela a été le cas jusqu'il y a peu, lorsque les taux d'intérêt plafonnaient à 0,11% –, est-elle terminée?
"Pour mesurer le gain ou la perte de pouvoir d'achat sur l'épargne, il faut comparer le taux d'intérêt obtenu au cours d'une période donnée d'un an avec la hausse des prix au cours de cette même période."
Selon différents angles d'analyse, la réponse est plutôt non. Le premier réflexe serait de comparer le taux moyen d'inflation en Belgique en 2023 au taux moyen de la rémunération de l'épargne sur la même période. L'économiste Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, explique ainsi qu'"entre janvier et août 2023, d'après la BCE, le taux d'intérêt annuel moyen payé par les banques belges sur les dépôts d'épargne réglementée a été de 0,42%, tandis que le taux d'inflation moyen, sur la même période, a été de 5,57%. Il est clair que, sur cette grande partie de l'année, le taux d'intérêt sur l'épargne est très inférieur à l'inflation."
Quelle perte de pouvoir d'achat?
Cependant, il n'est pas mathématiquement correct de conclure que l'épargnant a perdu plus de 5% de pouvoir d'achat (0,42% - 5,57%) s'il a laissé dormir ses économies sur un livret d'épargne.
De fait, "pour mesurer le gain ou la perte de pouvoir d'achat sur l'épargne, il faut comparer le taux d'intérêt obtenu au cours d'une période donnée d'un an avec la hausse des prix au cours de cette même période", poursuit-il.
Par exemple, le taux d'inflation du mois de septembre a été de 2,39% en Belgique. C'est le taux de croissance des prix entre septembre 2022 et septembre 2023. Il est donc à comparer avec le taux moyen offert sur les dépôts d'épargne par les banques belges en septembre 2022, qui était 0,09%. "Donc un épargnant qui a placé 1.000 euros sur un compte d'épargne en septembre 2022 s'est retrouvé avec 1.000,9 euros en septembre 2023. Mais ce qui coûtait 1.000 euros en septembre 2022 coûtait 1.023,9 euros en septembre 2023. Donc l'épargnant a subi une perte de pouvoir d'achat de 23 euros sur 1.000 euros, c'est-à-dire de 2,3%, qui est bien la différence entre le taux nominal de 2,39% et l'inflation de 0,9%. Le taux d'intérêt réel a été de -2,3%", calcule-t-il.
Si l'on fait le même exercice avec l'inflation du mois d'août 2023 (4,09%), le taux d'intérêt réel a été de -4% pour l'épargnant qui a laissé ses économies depuis août 2022 sur un compte d'épargne.
Estimer l'inflation future
Maintenant que la logique est claire, quelles conclusions peut-on tirer avec la hausse des taux qui s'accélère? Le tout est de savoir à quel taux d'inflation comparer les rendements actuels de l'épargne.
Admettons qu'un épargnant ait placé en septembre ses économies sur un compte d'épargne "à haut rendement" qui offre un taux de 2,55% (de plus en plus fréquent). Il laisse ses économies jusqu'au mois de septembre 2024. Il faut comparer ce taux à l'inflation anticipée entre septembre 2023 et septembre 2024 en Belgique.
"Le problème est de l'estimer", prévient cependant Eric Dor. "D'après le FMI, l'inflation moyenne pour 2023, donc la moyenne de tous les taux d'inflation mensuels de l'année, va être de 2,5%. Ce qui implique que les taux d'inflation d'octobre à décembre se réduiraient encore très fortement, à cause de la baisse des prix de l'énergie par rapport à leur niveau d'un an avant. Mais l'inflation moyenne pour 2024 remonterait au-dessus de 4% à cause du retournement à la hausse des prix de l'énergie comparés à 2023."
L'inflation entre septembre 2023 et septembre 2024 serait donc comprise entre 3% et 4% entre septembre 2023 et septembre 2024. L'épargnant aurait donc bien un taux d'intérêt réel négatif en septembre 2023, même s'il bénéficie du meilleur taux du marché: 2,85% chez Santander. Ce taux doit, en effet, être diminué de 3 ou 4% d'inflation, ce qui donne un taux d'intérêt réel (ou une perte de pouvoir d'achat) de -0,15% ou de -1,15%. Un résultat qui se creuse, bien entendu, pour les taux d'intérêt inférieurs.