Depuis le confinement, les terrasses, les jardins, les grands espaces et les coins aérés ont la cote. L’occasion pour les heureux propriétaires d’une seconde résidence de reconsidérer leurs choix de vie et d’envisager, pourquoi pas, de s’y domicilier. Un choix qui, souvent, combine aspirations personnelles et motivations fiscales, mais dont l’impact successoral ne doit pas être négligé.
RC, précompte immobilier et centimes additionnels
Sur le plan fiscal, Gilles Tijtgat, expert et conseiller en droit immobilier, souligne que le propriétaire d'un immeuble qui est son habitation principale est exonéré du revenu cadastral (RC). Dès lors explique-t-il, si vous vous domiciliez dans votre appartement sur la digue en vue d’en faire votre habitation principale, vous serez exonéré de son RC élevé (mettons 2.000 euros). Cela peut être avantageux si le RC de votre maison située dans le Hainaut, qui était jusqu’ici votre domicile fiscal, a un RC beaucoup moins élevé…
"C'est sans doute en matière de droits de succession que la Région flamande fait vraiment la différence."
Grégory Homans, avocat associé au cabinet Dekeyser & Associés, observe que "l’une des motivations fiscales des personnes envisageant de se domicilier dans leur résidence secondaire est le faible niveau des additionnels communaux (voire parfois l’absence d’additionnels). Ce faible niveau est généralement compensé par un précompte immobilier plus élevé. Des calculs sont ainsi recommandés avant de sauter le pas.
Dans la plupart des communes belges, les centimes additionnels tournent autour de 6 ou 7% en moyenne, mais sur la Côte, certaines dont La Panne, Coxyde ou Knokke sont connues pour leur tarif 0%, ce qui est très attractif, en particulier pour les revenus élevés.
"La commune compétente pour prélever les additionnels communaux pour l’année X est celle où réside la personne au 1er janvier de l’année X+1", précise l’avocat. L’inscription au registre de la population d’une commune ne crée toutefois qu’une présomption de domicile fiscal, qui peut être réfutée s’il s’avère que vous vivez en fait ailleurs ! Pour déterminer votre lieu de résidence réel, le fisc se base sur un faisceau d’indices convergents: lieu de scolarisation des enfants, lieu d’exercice de votre activité professionnelle, magasins où vous faites vos courses, adresse de votre médecin de famille, clubs de sport auxquels vous êtes affilié, garage où vous faites faire les entretiens auto, restaurants que vous fréquentez, etc.
Vous avez élu domicile dans votre appart à la mer mais vous avez horreur de la cohue de l’été et vous souhaitez le donner en location en juillet août?
"C’est évidemment possible mais moins évident, répond Gilles Tijtgat. On tombe dans ce cas dans le cadre de la formule Airbnb ou d’un bail de droit commun".
Impact sur votre succession
C’est la Région dans laquelle le défunt a résidé le plus longtemps dans les 5 années précédant son décès qui est compétente pour le prélèvement des droits de donation et de succession. "Il est donc prudent de réaliser un audit des conséquences d’un passage d’une Région à l’autre sur sa stratégie patrimoniale", indique Me Homans.
Le fait que votre résidence secondaire devienne votre résidence principale et vice-versa, n’est pas anecdotique! L’habitation familiale jouit en effet d’une protection particulière en raison de la place qu’elle occupe dans le patrimoine: elle est ainsi totalement exonérée de droits de succession pour le conjoint survivant. Se domicilier dans un appartement de 200.000 euros à la Côte ou dans un chalet ardennais de 150.000 euros plutôt que dans sa maison de maître de 550.000 euros en bord de Meuse peut donc avoir une incidence significative, puisqu’un bien nettement plus cher sera dans ce cas soumis aux droits de succession. À moins d’envisager une donation ou une autre solution de planification qui permettra de limiter les frais.
Me Homans a sélectionné quelques points d’attention à l’adresse de ceux qui envisagent de ‘délocaliser’ leur domicile en Flandre.
- Les tarifs des donations mobilières sont de 3% en ligne directe et de 7% pour tous les autres en Flandre et à Bruxelles, mais respectivement de 3,3% et 5,5% en Wallonie.
- Dans les familles recomposées, dans le cadre d’une donation, en Flandre, les beaux-enfants sont assimilés, sous certaines conditions, aux enfants et bénéficient dès lors des mêmes tarifs (en ligne directe) que les enfants.
- En Flandre, on ne tiendra compte de la donation d’une assurance-vie que si elle a été enregistrée.
- Le conjoint survivant sera redevable de l’impôt successoral sur l’usufruit continué dont il bénéficiera, alors que ce ne sera pas le cas à Bruxelles ou en Wallonie.
- En Flandre, les cohabitants de fait bénéficient, moyennant certaines conditions, des tarifs en ligne directe.
Droits de succession
C’est sans doute en matière de droits de succession que la Flandre fait réellement la différence. "L’impôt successoral flamand est calculé séparément, sur le patrimoine mobilier d’une part, et sur le patrimoine immobilier de l’autre. Ce qui, en dépit d’une progression plus rapide des taux, limite généralement significativement l’impôt successoral. Lequel plafonne à 27%, contre 30% en Région bruxelloise et en Région wallonne (en ligne directe)", rappelle Grégory Homans.
Autre spécificité flamande: l’exonération de liquidités à concurrence de 50.000 euros pour le conjoint survivant. Une proposition d’exonération intégrale du conjoint survivant avait même circulé l’été dernier lors de la formation du gouvernement flamand. Refera-t-elle un jour surface?