La vente aux enchères en immobilier, qui concerne les ventes dites "publiques", est et reste une pratique propre aux notaires. Lors de ces ventes, traditionnellement, un prix à partir duquel les enchères grimpent est fixé. La vente publique se déroule sur un laps de temps défini et le plus offrant l’emporte. Un agent immobilier ne peut légalement pas vendre un bien "aux enchères", comme le font les notaires.
"Un agent immobilier conclut un contrat de courtage avec un propriétaire, sa mission est donc de vendre le bien au meilleur prix. Le contrat qui se noue vise à créer une relation de confiance entre agent et vendeur pour que le prix soit le plus intéressant possible pour le vendeur. L’agent va donc commercialiser le bien, le mettre en évidence. Il dépense de l’argent, de l’énergie, du temps pour que la vente se fasse au meilleur prix et le plus rapidement possible", explique l’avocat en droit immobilier Sadri Ellouze, qui rappelle à l’occasion le rôle et la mission des agents immobiliers. "Vis-à-vis des tiers, il ne peut pas faire n’importe quoi, il est soumis au code de droit économique, à la déontologie et à son contrat. Il ne peut pas outrepasser ses compétences et marcher sur les plates-bandes des notaires."
"L'agent immobilier ne peut pas marcher sur les plates-bandes des notaires."
Mais une pratique légale, qui se rapproche de la vente aux enchères, a le vent en poupe. Certains agents l’utilisent notamment pour les biens qui s’arrachent sur le marché immobilier. Explications.
Le procédé
Un vendeur met en vente son bien dans une agence et donne (ou non) un prix de vente, décidé en concertation avec l’agent immobilier. Puisqu’il s’agit d’un bien pour lequel l’intérêt des acquéreurs est vif et que les demandes de visites vont "pleuvoir", l’agent propose de procéder de telle sorte que les visites se déroulent par exemple sur deux jours et, une fois celles-ci effectuées, les intéressés ont 48 heures pour remettre une offre d’achat. Le bien partira dès lors au plus offrant.
"Cette technique de vente tendance s’est renforcée avec la crise du coronavirus."
"Cette technique tendance s’est renforcée avec la crise du coronavirus. Pour les biens très prisés dans des quartiers prisés, nous recevons beaucoup d’offres. Nous décidons alors que tout le monde puisse visiter le bien, puis le propriétaire permet aux potentiels acquéreurs de remettre leur offre d’ici à une date ou un jour fixe et il décidera ensuite. Soit il refuse toutes les offres, ou en accepte une et entre en négociations avec le candidat", explique Aymeric Francqui, directeur chez Latour & Petit.
Sa légalité
"L’article 52 du code de déontologie indique que l’agent est tenu de communiquer toutes les propositions adressées par un amateur, toutes les offres, même si elles sont en deçà du prix, au commettant (le vendeur, NDLR). On peut donc considérer qu’objectivement, cette manière de faire respecte les principes déontologiques", indique Sadri Ellouze.
"L’agent est tenu de communiquer toutes les offres au vendeur."
L’agent doit également respecter les instructions du commettant, notamment en ce qui concerne le prix de vente de l’habitation et la façon de proposer son bien à la vente. "In fine, que l’offre soit faite en dessous, au prix ou au-dessus du prix, c’est le propriétaire qui choisira l’offre qui lui convient le mieux", ajoute Aymeric Francqui.
Une technique "borderline"
Là où ça se complique, c’est concernant la communication ou non aux offrants des autres offres reçues.
Aymeric Francqui et Raphaël Mathieu expliquent qu’il est légalement possible d’afficher un bien à un certain prix et d’indiquer "faire offre à partir de". "On récolte alors toutes les offres, mais on ne peut pas communiquer les montants aux autres offrants, pour ne pas les faire surenchérir", explique le CEO de We Invest. Et Aymeric Francqui d’ajouter: "On ne peut pas communiquer les offres aux autres candidats pour faire monter les enchères, cela est en effet interdit."
L’avocat en droit immobilier, de son côté, précise que tout dépend de la demande effectuée par le vendeur à son agent immobilier. "Si le commettant souhaite que les offres reçues soient communiquées aux différents amateurs, je ne suis pas certain que l’agent ne puisse pas les communiquer si la demande vient du commettant, car il est couvert par son commettant. Il ne peut toutefois pas mentir sur le montant des offres", souligne Sadri Ellouze.
Outre ce flou juridique autour de la communication du montant des offres, Raphaël Mathieu pointe le côté frustrant de cette technique de vente. "Une frustration va apparaître chez les potentiels acquéreurs. Ce genre de dynamique fait que les biens partent très vite et mène les gens, au bout de six mois ou un an de recherche, à aller ‘voir ailleurs’ ou à accepter de payer plus par rapport à la valeur vénale du bien", explique le CEO de We Invest. Les primo-acquéreurs ayant un budget plus limité restent souvent sur le carreau dans ce type de vente, puisqu’ils ne peuvent pas s’aligner sur les montants proposés par d’autres acquéreurs aux économies plus fournies.
"Ce système de vente permet d’obtenir le meilleur du marché pour le vendeur."
"Le job de l’agent immobilier étant d’obtenir le maximum d’offres et de vendre au meilleur prix, ce système de vente permet en effet d’obtenir le meilleur du marché pour le vendeur", souligne Aymeric Francqui, qui reconnaît toutefois que cela crée de l’incertitude du côté des acquéreurs. Et il rappelle: "Il faut faire très attention de ne pas tomber dans la vente aux enchères ou à outrepasser nos droits vis-à-vis des propriétaires qui prennent les décisions."
Tant qu’aucune offre n’a été acceptée par le propriétaire, celui-ci est libre de choisir celle qui lui convient le mieux, quels que soient ses intérêts. S’il affiche par exemple son bien à 300.000 euros et qu’il reçoit une offre au prix, puis quelques heures plus tard une offre à 310.000 euros, il n’est pas légalement obligé de choisir la première offre s’il ne l’a pas contresignée.
"Le vendeur a le droit de vendre son bien au deuxième candidat acquéreur. La jurisprudence et la doctrine considèrent en effet que la simple émission d’une offre d’achat par le candidat acquéreur ne permet pas de considérer que la vente de l’immeuble est parfaite (c’est-à-dire conclue)", explique Sadri Ellouze.
C’est donc seulement au moment où l’accord est complet entre les parties que le contrat de vente de l’immeuble se forme. Pour qu’il y ait vente, l’accord du vendeur et de l’acquéreur doit porter sur les éléments essentiels — la chose et le prix — mais également sur les éléments substantiels de la vente, à savoir le statut urbanistique du bien, l’existence d’une condition suspensive d’obtention de prêt hypothécaire par l’acheteur, le montant de l’acompte à payer au jour du compromis de vente, l’occupation du bien, etc. I.D.
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