Les professionnels de l’immobilier sont unanimes: le télétravail, qui s’est généralisé lors du confinement et qui est voué à perdurer, a profondément modifié le marché en l’espace de quelques mois seulement.
«Au printemps, durant le premier confinement, alors qu’il faisait particulièrement beau et que beaucoup de gens ne travaillaient plus, l’attrait s’est naturellement porté sur les espaces extérieurs (terrasses et jardin)», rappelle Emmanuel Deboulle, Business Development Manager Bruxelles Wallonie chez ERA.
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Le lockdown actuel a lieu dans un contexte très différent. «Nous sommes en hiver, la plupart des gens télétravaillent plusieurs jours par semaine, et souvent aussi leurs enfants», lorsqu’ils ne suivent qu’une partie des cours en présentiel à l’école et ont cours en ligne le reste du temps.» Difficile de trouver son espace à soi et un coin tranquille quand on est tous à la maison...
"Aujourd'hui, on n’imagine plus construire un immeuble sans terrasse ni bureau."
Aujourd’hui, l’utilité de disposer d’un espace de bureau indépendant (pour bien faire) n’est plus à démontrer. C’est déjà devenu un must. Ce critère va gagner en importance et accroître la plus-value des biens qui disposent d’un bureau, prédisent en chœur tous les agents que nous avons contactés.
"La problématique du télétravail est clairement prise en considération par les acquéreurs. Nous prévoyons que la majorité des Belges travailleront à raison de deux jours par semaine à la maison dans les 4 à 5 ans. Dans cette logique, l’espace de bureau sera apprécié et valorisé", assure Eric Verlinden, CEO de Trevi, avant de préciser l’enjeu.
"L’espace de bureau représente au minimum 6 à 10 m². Sur la seule Région bruxelloise, dont le prix moyen tourne aux alentours de 3.000 euros/m², le budget dédié au bureau représente donc 18.000 à 30.000 euros, soit quelque 10% du budget total de l’acquisition. Une contrainte budgétaire qui risque quand même de refroidir ceux pour lesquels l’accès à la propriété est déjà problématique", souligne-t-il.
"Je ne compte plus les aménagements – souvent de menuiserie intérieure – que j'ai demandés aux propriétaires. C’était souvent une condition d’emménagement sine qua non posée par les locataires."
"Nous constatons une demande pour, au minimum, un bureau dans un hall d’entrée par exemple. Et de façon générale, les clients sont beaucoup plus regardants sur la présence d’une seconde chambre qui peut éventuellement faire office de bureau", rapporte Emmanuel Deboulle.
"Les candidats acquéreurs sont de plus en plus souvent demandeurs d’un espace bureau. Pour les biens qui en disposent, cet espace est d’autant mieux valorisé s’il est séparé ou s’il dispose d’un accès particulier", déclare Aymeric Francqui, administrateur de L&P. "Et dans les projets de rénovation des acheteurs, lorsqu’un espace de travail est aménagé, il est systématiquement prévu", complète-t-il.
Une "exigence" des locataires
Chez Latour et Petit, la tendance est à un stade déjà très abouti. Jugez-en. Pour la location, la demande de bureau est claire et insistante. "On ne compte plus les demandes d’aménagement – la plupart du temps de la menuiserie intérieure – qu’on a dû répercuter aux propriétaires. C’était même souvent une condition d’emménagement sine qua non posée par les locataires", confie Inès Fonsny, responsable des locations.
"Des solutions d’aménagement sont possibles pour moins de 1.000 euros", explique-t-elle. "Il suffit par exemple de modifier des placards, d’enlever une partie d’un dressing pour y insérer un bureau. Ou encore d’aménager un espace de bureau avec un meuble bas sur mesure dans un hall ou un couloir, si celui-ci est suffisamment large."
"Si nous pouvons concevoir que disposer d’un bureau séparé des espaces de vie constitue un réel plus si le télétravail reste une réalité pour beaucoup d’employés, à ce stade, selon les échos que nous avons, la plupart de nos clients travaillent dans leur séjour", explique Leslie Maes, conseillère en aménagement chez Berhin, société spécialisée en conception, composition et équipement des espaces de travail professionnels et privés. "Ces personnes ont donc principalement des problèmes d’inconfort: sièges inadéquats, maux de dos… Nous avons constaté une augmentation significative des ventes de sièges de bureau ergonomiques. Comptez un budget moyen de 250 à 500 euros pour un siège correct."
Pour les problèmes d’inconfort liés au bruit et à la vue, la société propose le Buzzitripl Home, sorte de paravent acoustique (triptyque pliable en "U") à déposer sur la table et qui permet de s’isoler un peu. Le modèle bas (H.55 x L.80 x sides 40) revient à 199 euros HTVA.
Aux clients qui ont besoin d’aménagements plus complets, "nous proposons un ensemble comprenant un siège, un bureau et quelques rangements fonctionnels" à des budgets qui varient évidemment en fonction des demandes.
Projets neufs adaptés à la nouvelle donne
«Nous l’avons clairement remarqué depuis plusieurs mois, et la tendance se confirme chez les futurs acquéreurs. On reçoit beaucoup de questions dans ce sens, que ce soit pour de nouvelles constructions ou pour les biens existants», rapporte Raphaël Mathieu, CEO de We Invest.
«La tendance, déjà observée lors du premier confinement, s’affirme. Ceux qui disposaient d’un espace non utilisé le transforment en bureau ou en lieu pour s’isoler au calme et passer des appels. À l’avenir, le bureau sera un élément intégré dans les projets neufs dès leur conception», pronostique-t-on chez Latour & Petit.
En quelques mois, les promoteurs ont effectivement été contraints, eux aussi, de changer radicalement de stratégie pour s’adapter à cette nouvelle demande. Aujourd’hui, on n’imagine plus de construire un immeuble sans terrasse ni bureau», résume Emmanuel Deboulle, caricaturant à peine la situation.
Consulté récemment par un important promoteur immobilier, Tanguy van der Straten, responsable de l’analyse et du développement du neuf chez L&P, déclare effectivement avoir suggéré de prévoir des bureaux pour améliorer l’habitabilité du projet et faciliter sa commercialisation.
«Pour les projets sur lesquels nous sommes consultés, nous recommandons désormais aux promoteurs d’augmenter de 20% le nombre d’appartements “1 chambre + bureau”. Dans le même esprit, nous conseillons de concevoir des espaces plus diversifiés. À savoir plutôt que des “2 chambres” ou des “3 chambres” comme cela se fait encore souvent, de proposer des “2 chambres + bureau” pour satisfaire la clientèle», conclut Eric Verlinden.
Deux hypothèses
1. Le salarié reçoit des indemnités forfaitaires de son employeur pour couvrir les frais de chauffage, du petit matériel de bureau, l’utilisation de son propre PC et sa connexion internet privée, etc. "Dans ce cas, le salarié ne peut évidemment pas, par ailleurs, déduire de frais professionnels puisqu’il y aurait 'double emploi'", explique l'avocat Nicolas Tancredi (Younity).
2. Ces frais ne sont pas compensés d’une manière ou d’une autre par l’employeur. "Dans ce cas, à chacun de faire son calcul. Il faut additionner l’ensemble des frais (y compris les assurances, le précompte immobilier, la taxe sur les immondices...) et calculer vous-même le pourcentage d’utilisation professionnelle de ceux-ci. Concrètement, si le bureau occupe 10% de la superficie totale de l’habitation, vous pourrez déduire des frais professionnels au prorata de 10%", détaille Me Tancredi.
Si l’employeur accorde uniquement une indemnité forfaitaire pour l’usage professionnel de l’internet privé (20 euros/mois), par exemple, le travailleur peut faire l’exercice pour tous les autres frais.