La crise sanitaire a poussé certains Belges à redéfinir leurs critères de confort pour leur habitation propre, avec notamment l’envie particulière d’un jardin et de plus d’espace pour ceux qui étaient un peu à l’étroit durant le confinement. Cela a-t-il permis de donner une nouvelle vie aux vieilles villas dont plus personne ne voulait? La réponse est à nuancer.
"Les vieilles maisons des années 60 souffraient avant la crise et continueront à souffrir dans le futur."
"Il y a bien eu un petit engouement pour ces biens, mais rien d’exceptionnel pour autant", tempère le CEO de We Invest, Raphaël Mathieu. "Il ne faut pas tirer des conclusions trop rapides sur la base de quelques mois d’activité", ajoute Eric Verlinden, CEO de Trevi. "Les tendances qu’on enregistrait avant le confinement seront toujours d’application l’an prochain. Ces maisons répondaient aux besoins de l’époque: cuisines fermées, moins de clarté, moins de sanitaires. Il y a une incohérence en termes d’espace et sur le plan énergétique. Les vieilles maisons des années 60 souffraient avant la crise et continueront à souffrir dans le futur."
Jean Corman, à la tête des agences Victoire, n’a pas tout à fait le même discours. "Certaines villas dont les prix étaient sous pression, suite au télétravail et au confinement, reprennent actuellement des couleurs. On a vendu des villas qui étaient sur le marché depuis un an ou deux et qui ne trouvaient pas preneur. Elles retrouvent une nouvelle vie après des travaux de rénovation", explique-t-il.
"On a vendu des villas qui étaient sur le marché depuis un an ou deux et qui ne trouvaient pas preneur."
Et justement, quels travaux faut-il prévoir? À quoi faut-il être attentif si vous désirez acheter ce type de bien?
Les points d’attention
"La première chose à laquelle il faut penser est de savoir si la villa a une valeur patrimoniale ou non. Si c’est le cas, il faudra alors la restaurer à l’identique, ce qui limite les gains en énergie qu’on peut obtenir grâce à une rénovation profonde", indique Fabrizio Trobbiani, architecte au bureau ARQeh.
Ensuite, selon l’époque à laquelle elle a été construite, il faudra envisager certains travaux. "Les maisons des années 60-70 construites avec des doubles murs sont très difficiles à rénover, on préfère généralement les démolir et reconstruire ensuite sur le terrain", explique l’architecte. Autrement dit, lorsque vous achetez ce type de bien, en réalité vous achetez surtout le terrain, c’est donc à sa valeur qu’il faudra être attentif. "Cela coûte souvent plus cher puisqu’il faut compter en plus la démolition", souligne Fabrizio Trobbiani.
"Les maisons des années 60-70 construites avec des doubles murs sont très difficiles à rénover, on préfère généralement les démolir et reconstruire ensuite sur le terrain."
Pour les villas plus récentes, il existe des techniques afin d’améliorer l’isolation directement entre les murs. "Mais c’est vraiment la partie énergétique/isolation d’une rénovation qui est actuellement la plus contraignante", prévient-il.
"C’est la partie énergétique/isolation d’une rénovation qui est la plus contraignante."
En bref, il est donc important de vérifier l’état de l’enveloppe, des murs extérieurs, de la structure, des poutrelles, pour savoir si le bien nécessite de moyens, gros ou très gros travaux de rénovation.
"Il faut aussi regarder à l’état de la toiture. Y a-t-il de l’humidité, de la mérule, des champignons? La maison est-elle saine?" liste l’architecte.
Parmi les autres points importants, on retrouve également l’isolation acoustique, l’électricité, le chauffage, les châssis, la chaudière… autant d'éléments qui peuvent faire grimper énormément la note finale des travaux.
"Il n’y a pas de recette toute faite, chaque bien étant différent. L’idéal est d’être accompagné d’un architecte lors de la visite du bien. Il pourra établir un diagnostic et une estimation des travaux, en donnant une fourchette de prix. C’est également lui qui se renseignera auprès de l’urbanisme", conseille Fabrizio Trobbiani.
Dans le cas d’une rénovation, il faut également prévoir l’imprévu, financièrement parlant. Comptez environ 10% de plus que le budget initial pour les "mauvaises surprises".
TVA à 21% ou à 6%?
Certains travaux de rénovation peuvent bénéficier d’un taux de TVA réduit de 6%, contre 21% en général. Il faut répondre à une série de critères pour pouvoir y prétendre:
- L’immeuble doit être une habitation propre (entendez privée, pas professionnelle);
- Il doit avoir plus de 10 ans (depuis la date de sa première occupation);
- Les travaux doivent être professionnels: le taux de 6% s’applique aussi bien à la main-d’œuvre qu’aux fournitures facturées par des professionnels. Si vous le faites vous-même, vous paierez alors 21% sur le coût des matériaux.
Le nouveau gouvernement fédéral a décidé, dans son accord de gouvernement, d’étendre la TVA à 6% (au lieu de 21%) sur les démolitions-reconstructions à l’ensemble du pays. Ce taux préférentiel est déjà d’application dans 32 centres urbains (Liège, Bruxelles, Charleroi…) et sera dès lors applicable sur tout le territoire. Mais attention, pour en bénéficier, la démolition et la reconstruction doivent avoir lieu de manière conjointe dans le cadre d’une même opération. Après l’exécution des travaux, le nouveau bâtiment doit être affecté principalement à un logement privé.
Permis et revenu cadastral
Selon le type de travaux et la Région dans laquelle se situe le bien à rénover, il sera nécessaire ou non d’obtenir un permis d’urbanisme.
En Wallonie, un permis est nécessaire pour: le changement d’affectation, la modification de la forme du toit, la création d’un appartement dans votre habitation, la construction d’une volière/d’un box pour chevaux/d’un garage, la création d’un mur entre deux propriétés, l’installation d’un tracker solaire (panneaux photovoltaïques orientables) ou d’une éolienne domestique, l’aménagement d’un jardin impliquant d’importants travaux de terrassement ou une modification sensible du relief du sol.
Par contre, pour remplacer un toit (à certaines conditions) ou des châssis, ou encore construire une véranda, un permis n’est pas forcément nécessaire.
En Région bruxelloise, tous les travaux sont soumis à permis, excepté les travaux de minime importance, qui bénéficient d’une dispense ou d’une procédure simplifiée. Parmi ces travaux minimes, on retrouve les travaux de transformation intérieure, la démolition (sans reconstruction) d’une annexe invisible depuis l’espace public, l’aménagement de terrasse, chemin, clôture et piscine, l’installation de panneaux photovoltaïques (pour autant qu’ils ne soient pas visibles depuis l’espace public), etc. Certains travaux peuvent être dispensés d'un avis (certaines transformations intérieures par exemple) et d'autres sont dispensés d'architectes, pour autant qu’ils ne menacent pas la stabilité du bâtiment (piscine, abattage d'arbres, etc.).
Outre les permis, il faudra, selon le type de rénovations apportées à votre habitation, les déclarer au cadastre. Il existe deux types de rénovations qui doivent être déclarées et qui auront alors un impact sur votre revenu cadastral, qui a des chances d’être alors revu à la hausse:
- Les rénovations qui augmentent la surface habitable
- Les rénovations qui augmentent le confort de la maison (par exemple l'installation d'une salle de bains ou du chauffage central).
Par contre, les rénovations qui permettent une économie d’énergie comme une meilleure isolation, le placement du double vitrage ou d’une chaudière à condensation n’ont pas d’influence sur le revenu cadastral.
Financement
Reste encore à financer ces travaux de rénovation. Selon le montant des travaux et vos capacités d’emprunt, plusieurs solutions sont possibles.
1. Le crédit hypothécaire. "Il est souvent recommandé pour les montants plus importants", conseille la porte-parole de Belfius, Ulrike Pommée. Les conditions s’y appliquant sont les mêmes que lorsque vous contractez ce type de crédit en vue d’acheter votre habitation: mêmes taux, assurance solde restant dû, frais d’actes, inscription hypothécaire… "Il faut établir un plan de financement du crédit et le montant sera mis à disposition par tranches, au fur et à mesure de l’avancement des travaux de rénovation", explique encore Ulrike Pommée.
"Le crédit hypothécaire est souvent recommandé pour les montants plus importants."
2. Le prêt rénovation (prêt à tempérament). Il s’agit d’un crédit à la consommation. "Il a une durée plus courte que le crédit hypothécaire", prévient Renaud Dechamps, porte-parole d’ING. Chez Belfius, par exemple, il existe plus précisément le prêt rénovation classique et le prêt rénovation vert, dont le taux est plus avantageux que le premier. Pour pouvoir demander ce prêt, "il faut que minimum 50% du montant du crédit soit destiné à rendre l’habitation plus économe en énergie et/ou à la protéger contre les vols ou incendies", détaille Ulrike Pommée. Si l’on compare les deux taux (d’affiche), celui du prêt rénovation classique s’élève à 2,85% (TAEG) contre 1,40% (TAEG) pour le "vert". La banque BNP Paribas Fortis offre elle aussi un "crédit énergie, au taux de 1,80%, qui permet de rénover complètement l’habitation à partir du moment où 75% des travaux visent à économiser de l’énergie", indique son porte-parole, Valéry Halloy.
"Pour avoir un prêt vert, il faut que minimum 50% du montant du crédit soit destiné à rendre l’habitation plus économe en énergie et/ou à la protéger contre les vols ou incendies."
3. La reprise d’encours. Dans le cas où vous avez déjà un emprunt hypothécaire en cours, vous pouvez demander une reprise d’encours à votre banquier. Autrement dit, il vous reprête un montant que vous avez déjà remboursé. Par exemple, si vous avez déjà remboursé 35.000 euros de capital sur votre emprunt, vous pouvez demander une reprise d’encours de 20.000 euros. L’avantage de ce procédé est qu’il génère peu de frais, en général simplement des frais de dossiers autour de 400 euros, selon les banques. La reprise d’encours se fait aux conditions actuelles du marché, non aux conditions de l’emprunt initial.
Primes
Il existe différentes primes en Wallonie et à Bruxelles lorsque vous rénovez un bien.
La Wallonie subsidie notamment les nouvelles installations comme le poêle biomasse local (pellets) ou la ventilation mécanique (à simple ou double flux). Il s’agit de primes d’habitation. Notez aussi qu’il y a toujours des primes pour d’autres systèmes de chauffage comme le chauffe-eau solaire, la chaudière biomasse, la pompe à chaleur pour le sanitaire, la pompe à chaleur pour le chauffage, la combinaison chaudière biomasse/chauffe-eau solaire. Les montants des subsides sont dégressifs en fonction des revenus des ménages. Il existe aussi une réduction d’impôt pour l’isolation du toit, si les travaux ont été réalisés par un entrepreneur.
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La Région bruxelloise offre trois types de primes : prime à la rénovation, prime énergie et prime à l’embellissement des façades. Toutes ces primes ne s’obtiennent pas aux mêmes conditions. Pour obtenir la première (rénovation), il faut que le logement soit vieux d’au moins 30 ans et ait servi d’habitation familiale depuis au moins 5 ans. Le montant de la prime correspond à un pourcentage (30 à 70%) du montant des travaux acceptés, selon les revenus du demandeur et la localisation du bien. Au total, le montant ne peut pas excéder 35.000 euros. La prime énergie, qui concerne l’isolation du toit, des systèmes de chauffage et d’eau plus performants, concerne, elle, tous les bâtiments du territoire régional. Elle peut être demandée quel que soit le niveau de revenus du ménage, mais sera aussi dégressive selon les revenus. La dernière prime à l’embellissement des façades concerne les biens vieux d’au moins 25 ans et son montant dépend du quartier où se situe le bâtiment et des revenus du ménage.
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