En 2019 déjà, selon le dernier baromètre de BNP Paribas Fortis sur les résidences secondaires, la part des prêts hypothécaires destinés à l’achat de ces biens en Belgique avait augmenté de 5,5% par rapport à 2018. Et au total, 90% des prêts accordés pour l’achat d’une résidence secondaire (1 prêt sur 5) étaient destinés à l’acquisition d’un bien situé en Belgique, les 10% restants concernant des biens situés à l’étranger (Espagne, France, Italie…).
Ça, c’était avant le coronavirus et la crise sanitaire, qui ont redéfini les plans de certains Belges quant à leurs acquisitions et voyages à l’étranger. Marc Delforge, responsable crédits hypothécaires chez BNPPF, anticipe d’ailleurs "une part du financement destiné à l’immobilier secondaire plus importante encore cette année qu’en 2019. Les gens ont appris à redécouvrir la Belgique. Cette hausse ne sera pas uniquement due à la crise sanitaire, mais également au fait que l’année précédente avait été exceptionnelle pour les résidences principales suite à la suppression, en Flandre, du woonbonus."
"On observe globalement une demande plus importante pour les résidences secondaires."
Pour Bernard Keppenne, chief economist chez CBC, "on observe globalement une demande plus importante pour les résidences secondaires". Il l’explique par plusieurs raisons: "L’effet de rattrapage global au marché immobilier, le niveau toujours très bas des taux d’intérêt, l’augmentation de l’épargne importante pour certains ménages (qui avaient déjà une bonne capacité d’épargne avant la crise, généralement) suite au confinement et le détournement de certains investisseurs des marchés actions suite à l’incertitude ambiante." La généralisation du télétravail s’est également répercutée sur le marché des résidences secondaires, explique-t-il. "Les travailleurs se sont rendu compte qu’il était possible de travailler de n’importe où. L’achat d’une résidence secondaire peut aussi avoir comme objectif, à terme, de devenir une résidence principale, notamment pour ceux qui ont mal vécu le confinement dans des espaces étroits en ville."
Ancrage belgo-belge
Les spécialistes s’attendent à constater, dans les chiffres, des destinations moins exotiques, cette année encore plus que les précédentes, pour l’achat d’une seconde résidence. "Les gens ont tendance à rester en Belgique, à y passer leurs congés. Il est également moins facile, cette année, de partir à l’étranger pour y acheter un bien. On estime donc qu’il y aura, en 2020, plus de 90% des prêts accordés destinés à l’achat d’un bien secondaire situé chez nous", détaille Marc Delforge.
"On estime qu’il y aura, en 2020, plus de 90% des prêts accordés destinés à l’achat d’un bien secondaire situé chez nous."
"Avoir une résidence secondaire en Espagne, mais avoir des difficultés à y accéder… c'est problématique. Dans le contexte actuel, si son deuxième toit se trouve en Belgique, c'est nettement plus facile", confirme Bernard Keppenne.
Triple objectif
"On constate, parmi nos clients, que l’achat d’une résidence secondaire a trois objectifs, trois raisons d'être: c’est à la fois une façon de placer son épargne pour les investisseurs frileux de la placer sur les marchés actions dans le contexte actuel, un objectif de plaisir, de villégiature, mais aussi d’investissement en louant le bien de manière saisonnière. Les acquéreurs combinent ces trois intérêts", détaille Marc Delforge.
Les Ardennes ont la cote
En Belgique, l’engouement pour les résidences secondaires concerne plus particulièrement les communes côtières et les Ardennes. "À la Côte, c’est plus général, cela concerne les 10 communes, tandis que pour les Ardennes, cela se concentre sur certaines communes, notamment Durbuy", détaille Bernard Keppenne. Cela explique pourquoi les chiffres sont plus homogènes pour les communes du littoral, permettant de tirer plus facilement des conclusions et des tendances d’ensemble.
Dans les Ardennes, c’est en effet plus disparate. Mais l’effervescence est bien là, selon les notaires locaux et les derniers chiffres relatifs aux prix et transactions. Si l’on compare les 10 principales communes des Ardennes (Durbuy, Bastogne, Malmedy, La Roche-en-Ardenne…) à l’ensemble de la Belgique, on constate que le confinement (du 16/03 au 17/05) a fait reculer le nombre de transactions de la même manière : -28,8% pour ces communes et -26% pour la Belgique par rapport à la même période en 2019, selon les chiffres de la Fédération du Notariat (FedNot). La reprise, par contre, n’a pas été identique. En Belgique, les transactions ont progressé de 7,7% entre le 18 mai et la fin septembre par rapport à la même période l’an dernier. Dans les Ardennes, on constate une reprise nettement plus forte, avec une hausse de 12,4% du nombre de transactions par rapport à 2019. Les prix des biens dans les Ardennes ont également plus ou moins augmenté entre 2019 et 2020 (jusqu’à fin septembre) : +22,3% à Durbuy, + 11,7% à La Roche-en-Ardenne, +15,4% à Houffalize ou encore +9,3% à Bastogne.
Les notaires locaux le confirment, l’achat de résidences secondaires s’est emballé et cela continue encore aujourd’hui. Les maisons et gîtes trouvent facilement acquéreur, au point qu’il ne reste plus grand-chose sur le marché. Selon le dernier baromètre BNPPF, la plupart des prêts accordés pour l’achat d’une résidence secondaire dans les Ardennes concernaient déjà, en 2019, des maisons (75% des crédits). Près d’une résidence secondaire sur deux est en outre destinée à la location dans les Ardennes, note encore la banque.
Quelles perspectives pour ce marché?
Le responsable crédits hypothécaires chez BNPPF estime qu’il est "difficile de donner des perspectives concrètes à ce stade. On ne sait pas s’il y aura d’autres confinements, comment la situation va évoluer avec le virus qui court toujours. Il faudra également voir comment se portera l’économie".
En outre, les normes de la Banque nationale de Belgique (BNB) instaurées début 2020 concernant les quotités auront également un impact sur les acquéreurs, qu’ils soient primo-accédants ou bien investisseurs, ces derniers devant désormais apporter minimum 20% de la somme du bien convoité. "Les banques ont commencé à rapporter leurs chiffres relatifs aux quotas à la BNB sur la base de ces dernières normes, mais il est trop tôt pour en mesurer l’impact, on l’observera plus en 2021. On pourrait d’ailleurs constater un ralentissement du nombre de crédits accordés et donc de l’achat de résidences secondaires dû à ces quotas", prévient Marc Delforge.
"On pourrait constater un ralentissement du nombre de crédits accordés pour les résidences secondaires dû aux quotas de la BNB."
Là où le spécialiste se montre plus rassurant, c’est du côté des taux: "La Banque centrale européenne (BCE) fait tout pour maintenir sa politique de taux bas, et il est certain qu’elle va continuer."
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Bernard Keppenne de CBC ajoute que, dans les prochaines années, "le Belge ne va pas être enclin à voyager beaucoup et/ou très loin. Les locations saisonnières à la Côte ou dans les Ardennes ont de beaux jours devant elles, surtout à court terme, tant qu’on n’a pas de vaccin et qu’il est difficile de réserver des vacances ‘fiables’ à l’étranger. Cela va soutenir le marché". Un autre élément de soutien du marché, selon lui, est la perspective de taux zéro voire négatifs sur les comptes d’épargne. "Si cette tendance se confirme, les gros patrimoines disposant d’une grosse épargne pourraient plus facilement passer à l’achat et s’offrir une (nouvelle) résidence secondaire."
"Les locations saisonnières à la Côte ou dans les Ardennes ont de beaux jours devant elles."
Le mouvement de rattrapage à la Côte a été encore plus marqué que dans le reste du pays, selon les derniers chiffres des notaires. Au cours du mois de juin et pendant la première quinzaine de juillet, le nombre de transactions a augmenté respectivement de 18% et 24% par rapport à la même période de l’an dernier. Sur l’ensemble des trois premiers trimestres de 2020, soit du 1er janvier au 30 septembre, le nombre de transactions a augmenté, malgré le confinement, de 5,5% pour l’ensemble des dix communes par rapport à la même période en 2019. Certaines ont connu une hausse plus marquée que d’autres, notamment à Heist-aan-Zee, qui jouxte Knokke, où l’augmentation du nombre de transactions frôle les 30%. Toutefois, le mois d’octobre a été moins bon que les derniers mois, FedNot constate un recul de 1,5% du nombre de transactions à la Côte par rapport à octobre 2019. Reste encore à observer l’effet du deuxième confinement sur les derniers mois de 2020.
Le segment du luxe a particulièrement bien performé, tout comme les maisons clés-sur-porte et les biens neufs, ont constaté nos confrères du Tijd à l'issue de leur enquête. Quelle que soit la fourchette de prix d’un projet, ce sont les appartements les plus chers qui trouvent le plus vite acquéreur.
Les prix des biens dans les 10 communes côtières ont également plus ou moins augmenté entre le 1er janvier et le 30 septembre 2020 par rapport à 2019. La hausse des prix la plus marquée concerne Knokke, où le prix des maisons a grimpé de 18,1%. Le prix des appartements a également augmenté, de l’ordre de 7,4%. La Panne enregistre également une hausse du prix des maisons de 11,3% et de 13,4% pour les appartements. Toutefois, certaines communes ont vu les prix des maisons et/ou des appartements reculer. C’est le cas du Coq notamment, où le prix des maisons a diminué de 0,5% et celui des appartements de 3,3%.