Sous la pression de l’Europe, la Belgique doit mettre fin aux différences de traitement fiscal des revenus locatifs belges et étrangers. L’immobilier détenu en Belgique et loué à des particuliers est taxé sur la base du revenu cadastral, tandis que pour l’immobilier détenu à l’étranger, l’impôt est calculé sur la base des revenus locatifs réels. Une des idées avancées consistait à taxer l’immobilier belge sur la base des revenus réels, mais elle n’a pas abouti. Selon la proposition actuellement sur la table, l'administration fiscale devrait attribuer à chaque bien immobilier à l'étranger détenu par un Belge un revenu cadastral similaire aux revenus cadastraux belges remontant à 1975. De la sorte, les propriétés seront taxées sur des bases comparables, que les biens soient situés hors de nos frontières ou sur le territoire national.
"La différence de régime de taxation est la principale raison pour laquelle de nombreux Belges investissent dans l’immobilier en tant que personnes physiques."
« Si les revenus locatifs réels étaient taxés en Belgique, de nombreux investisseurs cesseraient d’investir dans l’immobilier à titre privé et le feraient via une société. La différence de régime de taxation est la principale raison pour laquelle de nombreux Belges investissent dans l’immobilier en tant que personnes physiques », explique Frédéric Vandenhende de la plateforme d’investisseurs Investr. Ces sociétés patrimoniales peuvent prendre différentes formes. « Depuis la réforme de la loi sur les sociétés l’an dernier, il est plus facile de créer une société. Pour une société à responsabilité limitée, aucun capital minimum n’est plus exigé », ajoute Thierry Lauwers du cabinet Lauwers, spécialisé en droit fiscal.
Comment les revenus locatifs sont-ils imposés aujourd’hui? Ceux qui louent une maison ou un appartement à un particulier qui l’utilise uniquement à des fins privées ne sont pas taxés sur les loyers réellement perçus, mais sur la base du revenu cadastral indexé, majoré de 40%. Ce régime fiscal est plus avantageux que si le logement était détenu par une société, car dans ce cas les loyers réels seraient taxés au taux de l’impôt des sociétés, soit 25%.
Usage privé ou professionnel ?
« Si à l’avenir l’État décidait de taxer les revenus locatifs réels perçus par les particuliers, ce serait au taux marginal », poursuit Thierry Lauwers. « Dans l’impôt des personnes physiques, le taux augmente avec les revenus et peut atteindre 50%, ce qui signifie que la pression fiscale serait plus élevée que le taux de 25% de l’impôt des sociétés. Si le bien est loué à une personne qui l’utilise à des fins professionnelles, l’impôt des sociétés est déjà plus avantageux que dans le cas d’un propriétaire particulier. »
En effet, en cas d’usage professionnel du bien, la taxe s’applique sur les revenus locatifs réels, y compris si le propriétaire est un particulier. Les revenus locatifs bruts comprennent non seulement les loyers, mais aussi les avantages locatifs comme les frais d’entretien et de réparation qui sont normalement à charge du bailleur, mais sont facturés aux locataires. Les frais d’entretien et de réparation ne peuvent être déduits des loyers bruts. Le fisc applique automatiquement des coûts fixes de 40%, qui peuvent être limités en fonction du revenu cadastral.
Coûts
« Un atout important d’une société, c’est que tous les frais professionnels peuvent être déduits, ce qui réduit la charge fiscale », explique Frédéric Vandenhende. Les frais que l’on peut déduire dans le cadre de l’impôt des sociétés sont variés. « Vous pouvez par exemple déduire les frais liés à l’achat. Pour les biens existants, les droits d’enregistrement peuvent être déduits », poursuit Vandenhende. « Les amortissements représentent également un poste important. Un immeuble peut généralement être amorti en 20 ans, sauf pour les terrains. Si vous amortissez un bien de 200.000 euros en 20 ans, vous pouvez déduire chaque année 10.000 euros sous forme de coûts. »
"Un atout important d’une société, c’est que tous les frais professionnels peuvent être déduits, ce qui réduit la charge fiscale."
Peuvent également être déduits en tant que coûts les frais de courtage pour la location du bien, les intérêts payés sur l’emprunt, le précompte immobilier, l’assurance incendie, les frais d’entretien et les travaux de rénovation. « Les constructions mixtes – où la société achète l’usufruit et le patron de la société la nue-propriété – doivent être mises en place avec la prudence nécessaire. Sinon, on risque de devoir discuter sans fin avec le fisc concernant la déductibilité des frais », précise Thierry Lauwers.
De plus, étant donné que le transfert vers un patrimoine privé de revenus provenant d’une société coûte cher, les réinvestir dans l'immobilier permet de créer un effet de levier financier. Les entreprises ont aussi plus facilement accès au financement.
A plus long terme
Avant de décider de placer votre patrimoine immobilier dans une société, vous devez bien réfléchir à vos projets à long terme et à votre succession. « Si l’immobilier se trouve dans une société, les actions peuvent facilement être transmises aux enfants et aux petits-enfants. Elles peuvent faire l’objet d’un don avec ou sans acte notarié, et sans paiement de droits de donation », explique Thierry Lauwers. En cas de décès, les actions sont réparties de manière égale entre les enfants.
« La création d’une société n’est pas intéressante si l’objectif est de donner le bien à un enfant ou un petit-enfant. Le bien doit alors être sorti de la société, ce qui coûte cher, d’une part à cause de la taxe sur les plus-values soumises à l’impôt des sociétés (25%) et d’autre part à cause du précompte mobilier de 30% sur le dividende. »
La taxe sur la plus-value doit aussi être payée si le bien est vendu dans le cadre d’une société. La différence entre le prix de vente et la valeur comptable est soumise à l’impôt des sociétés. « C’est un désavantage important par rapport au privé », poursuit Frédéric Vandenhende. « Aucune taxe sur la plus-value n’est due s’il s’agit de particuliers qui détenaient le bien depuis plus de cinq ans. » La seule exception à cette règle concerne ceux qui réalisent régulièrement des transactions immobilières. « Dans ce cas, la plus-value peut être taxée sous la rubrique ‘revenus divers’ de la déclaration fiscale, c’est-à-dire à un taux de 33% », ajoute Lauwers.