L’écart entre les biens prisés et ceux "délaissés" s’est creusé après le confinement, qui a accéléré certaines tendances sur le marché immobilier. Les premiers s’arrachent et parfois même à un prix plus élevé que celui affiché sur l’annonce. Mais comment cela fonctionne-t-il dans la pratique?
Il existe la traditionnelle vente aux enchères appelée vente publique propre aux notaires, qui permet de remettre des offres, dans un délai précis, de manière transparente et organisée. "Lors d’une vente publique, tout le monde est tenu au même règlement. Il existe un cahier des charges à respecter, des règles strictes", explique le notaire Renaud Grégoire, qui ajoute: "Dans une vente publique, plus contraignante, on sait que chaque offre est valable et il y a une transparence sur chaque offre effectuée." Une mise à prix est donnée et les intéressés enchérissent à partir de ce prix. Chaque enchère est communiquée à tous les candidats.
"Dans une vente publique, plus contraignante, on sait que chaque offre est valable et il y a une transparence sur chaque offre effectuée."
Mais outre ce type de vente, celle de la vente sous pli fermé est devenue tendance depuis quelques mois. Ce sont là les agents immobiliers qui utilisent cette technique de vente, et non plus les notaires. Explications.
L’offre sous pli fermé, comment ça marche?
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Les deux mois perdus lors du confinement ont poussé de nombreux potentiels acquéreurs au même moment sur le marché immobilier. Cet effet de rattrapage s’est senti aussi bien dans le nombre de transactions effectuées depuis la reprise, mais aussi sur les prix, toujours en hausse. Et pour les biens prisés, la concurrence est très rude entre acheteurs. Les agents, face au grand nombre de demandes de visites et aux mesures sanitaires, se retrouvent parfois coincés pour contenter tous les intéressés. Pour ne laisser personne "sur le carreau", certains ont décidé de procéder à des ventes sous pli fermé.
Le vendeur, aidé par l’agent immobilier, met en vente son bien à un prix indicatif, ou bien en mentionnant dans l’annonce: "faire offre à partir de…". Les potentiels acquéreurs peuvent visiter le bien dans un certain délai et ensuite remettre, s’ils le souhaitent, une offre sous pli fermé, elle aussi dans un délai bien défini. Si aucun délai n’est défini, veillez surtout à donner une échéance à votre offre, par exemple en précisant qu’elle est valable 48 heures. Les acheteurs écrivent alors une lettre avec le montant exact qu’ils souhaitent offrir (payer) pour le bien en question. Cette lettre doit ensuite être mise sous enveloppe scellée. Elle sera remise au vendeur, qui est libre de choisir l’offre qu’il souhaite.
"L’agent immobilier ne peut pas outrepasser ses compétences et marcher sur les plates-bandes des notaires."
Ces ventes sous pli fermé sont encadrées: tous les intéressés doivent être mis au courant du procédé de vente et des règles du jeu dès le départ. Mais il faut savoir que l’agent immobilier, via cette technique, ne peut jamais outrepasser ses compétences et marcher sur les plates-bandes des notaires en faisant grimper les enchères. Techniquement, il lui est interdit de communiquer le montant des offres reçues aux acquéreurs afin de les "inciter" à offrir plus pour obtenir le bien. La pratique serait alors illégale et non valable. "Vis-à-vis des tiers, l’agent immobilier ne peut pas faire n’importe quoi, il est soumis au code de droit économique, à la déontologie et à son contrat. Il ne peut pas outrepasser ses compétences et marcher sur les plates-bandes des notaires", confirme l’avocat en droit immobilier Sadri Ellouze.
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Quel est l’intérêt de faire une offre au-dessus du prix?
Avant toute chose, rappelez-vous qu’une offre, qu’elle soit sous pli fermé ou non, est contraignante. Autrement dit, si le vendeur accepte votre offre, celle-ci vaut vente, vous ne pourrez plus faire marche arrière, excepté si vous avez ajouté certaines clauses suspensives, notamment concernant l’octroi d’un crédit. Il ne faut donc pas faire une offre au-dessus du prix, soit enchérir, sur un coup de tête. Vous pouvez toutefois retirer votre offre tant que le vendeur ne l’a pas acceptée et contresignée.
Au cas où vous voudriez à tout prix le bien visité et désireriez, par peur qu’il ne vous passe sous le nez, faire une offre au-dessus du prix, faites attention tout de même à ne pas "payer trop cher" par rapport à la valeur vénale estimée du bien. Renseignez-vous sur les prix du marché et la valeur des biens comparables dans le secteur.
"L’intérêt de faire une offre au-dessus du prix est surtout de s’assurer d’avoir le bien qu’on veut."
"Certaines personnes en ont marre de chercher et de voir des biens leur filer entre les doigts. Au bout de six mois, un an, ils finissent par craquer et offrent plus que le prix demandé, par fatigue et parce qu’il faut bien se loger. L’intérêt de faire une offre au-dessus du prix est surtout de s’assurer d’avoir le bien qu’on veut", explique le CEO de We Invest, Raphaël Mathieu, qui ajoute: "On ne peut toutefois pas considérer qu’on se fait ‘avoir’ en offrant plus que le prix, car finalement, c’est le marché qui le définit. Si le bien est prisé et qu’il part à tel prix, c’est souvent qu’il le vaut. C’est toujours une question d’offre et de demande."
"C'est une pratique très obscure."
Mais pour certains acteurs du marché, la pratique est un peu "borderline". "Cela crée des frustrations et de l’incertitude du côté des acheteurs", souligne Raphaël Mathieu. Quant au notaire Renaud Grégoire, il pointe le côté "très obscur de la pratique": "L’acquéreur n’est pas à l’abri que quelqu’un remette une offre toujours au-dessus de la sienne. Qui plus est, il ne peut jamais être sûr à 100% qu’il y a réellement eu une offre à tel prix, si l’offre est valable, si le candidat est solvable ou non. Il y a beaucoup moins de transparence que lors des ventes publiques qui respectent des règles strictes."