Dans son rapport sur la stabilité financière publié cette semaine, la Banque nationale de Belgique (BNB) pointe le fait que les banques accordent encore trop de crédits destinés à la location et ne respectent donc pas toujours les seuils établis depuis un peu plus d’un an concernant les quotités (lire plus bas).
Les critères d’octroi de crédit sont en effet généralement plus stricts pour les investisseurs que pour l’habitation propre. Dans le cadre d’un crédit "buy-to-let", l’organisme prêteur, votre banque, doit regarder si l’investisseur répond à plusieurs critères, certains semblables à ceux pour l’achat d’une habitation propre et d’autres bien spécifiques à ce segment de crédits en particulier. "L’approche est en effet différente entre un achat-logement et un achat d’investissement immobilier", affirme Patrick Segers, courtier en crédits hypothécaires chez Segers & Associés. Quels sont ces critères?
1. Vos revenus
Votre banque devra d’abord déterminer votre capacité d’emprunt, qui est fonction notamment de vos revenus et de votre apport en fonds propres (lire ci-dessous). Il faut en effet que vous puissiez rembourser votre crédit - voire plusieurs si vous en avez encore un pour votre habitation propre - de façon confortable sans trop vous serrer la ceinture.
"Plusieurs facteurs sont analysés: la quotité, la capacité de remboursement, la sécurité des revenus, les autres charges fixes, etc."
"Chaque dossier de crédit est toujours examiné dans son intégralité avant de procéder à une attribution. Plusieurs facteurs sont analysés: la quotité (montant du crédit/valeur du bien immobilier), la capacité de remboursement de l'emprunteur (rapport charges/revenus, revenu disponible après charges), la sécurité des revenus, les autres charges fixes, les garanties, l'historique de crédit, la marge de sécurité financière, etc. C'est la combinaison de tous ces facteurs qui permet d'accorder un crédit", détaille Ulrike Pommée, porte-parole de la banque Belfius.
Patrick Segers ajoute: "L’emprunteur doit présenter des revenus stables (CDI, CDD ou indépendant). On va surtout regarder le ratio de solvabilité de l’emprunteur. On estime qu’il ne faut pas dépasser 50% d’endettement (par rapport à ses revenus), tous crédits confondus." En général, les banques considèrent que l’emprunteur doit consacrer en moyenne un tiers de ses revenus au remboursement de son emprunt, 50% maximum.
"On estime qu’il ne faut pas dépasser 50% d’endettement (par rapport à ses revenus), tous crédits confondus."
Mais en réalité, cette règle dépend des revenus nets de l’emprunteur/du ménage. "Si les revenus du ménage sont supérieurs à 5.000 euros, on peut dépasser les tranches d’endettement. Par exemple, pour un couple avec 6.000 euros de rentrées nettes par mois, on peut aller jusqu’à 60% d’endettement, car on garde alors 2.400 euros pour vivre. À cela, on ajoute les futurs revenus locatifs, ce qui permet également un endettement plus élevé", explique le courtier en crédits hypothécaires.
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2. Votre apport personnel
Les banques sont plus exigeantes en matière d’injection de fonds propres pour ce type d’achat. "Lors d’un crédit logement, il faut pouvoir apporter au minimum les frais de notaires. Pour un investissement, il faut les frais de notaires et 20% du prix d’achat en fonds propres", détaille le courtier.
En effet, depuis janvier 2020, la Banque nationale de Belgique (BNB) demande aux banques de respecter certains seuils et certains quotas concernant les quotités des crédits hypothécaires. Pour les propriétaires occupants, la quotité est limitée à 90%. Mais elle laisse une plus large marge de manœuvre aux établissements financiers concernant les primo-acquéreurs. 35% des crédits qui leur sont accordés peuvent dépasser la quotité de 90%. 5% de ces crédits peuvent même dépasser la quotité de 100%. Pour les achats à but locatif, le "buy-to-let", la BNB se montre plus exigeante: ces crédits ne peuvent pas afficher une quotité supérieure à 80%. Elle tolère une marge de 10% de la production annuelle, avec une limite fixée à 90% de quotité.
"En principe, nous attendons un apport d’au moins 20% (soit une quotité maximale de 80%) pour l'acquisition d'un bien d’investissement. Si possible, des garanties supplémentaires peuvent être ajoutées (comme un portefeuille de titres en guise de sûreté) pour améliorer la quotité", confirme Ulrike Pommée.
"Certaines banques acceptent le principe de l’hypothèque en deuxième rang sur un autre bien pour compenser le manque de fonds propres."
Si vous n’avez pas, au total, environ 35% (20% du prix d’achat + 15% de frais annexes) à apporter sur la table, "certaines banques acceptent toutefois le principe de l’hypothèque en deuxième rang sur un autre bien pour compenser le manque de fonds propres", ajoute Patrick Segers. Alors, en hypothéquant deux biens, la quotité peut être plus élevée. "Mais les banques qui acceptent cela sont très rares", souligne-t-il.
3. Les rentrées locatives
Si les revenus du ménage sont un critère important dans la constitution d'un dossier de demande de crédit-investissement, les organismes financiers, pour la plupart, tiennent aussi compte des futures rentrées locatives.
"On prend en considération les revenus locatifs actuels et futurs, pondérés à 80% afin de prévenir du risque de vide locatif."
"On prend en considération, dans le calcul pour déterminer la capacité d’emprunt, les revenus locatifs actuels et futurs, pondérés à 80% afin de prévenir du risque de vide locatif", explique Patrick Segers.
Chez Belfius, par contre, "ce n'est que si les futurs revenus locatifs sont récurrents et avérés qu'ils peuvent être pris en compte pour le calcul de la capacité de remboursement. Il faut noter que le dossier de crédit a plus de chances d'aboutir si l'emprunteur n'est pas tributaire des (futurs) revenus locatifs pour le remboursement de son crédit", prévient Ulrike Pommée.
Toute épargne, actuelle ou future, peut également vous aider dans votre dossier, puisqu’elle peut conditionner le type de crédit que l’institution financière sera apte à vous prêter. En effet, si vous devez, par exemple, percevoir le montant d’une assurance-groupe dans les prochaines années, ou un héritage dans le cadre d’une succession, un crédit bullet (crédit à terme fixe) peut alors être une option pour financer votre acquisition. Ce crédit, qui est très rarement utilisé pour l’achat d’une habitation propre, mais plutôt pour un achat locatif, consiste à payer d’abord les intérêts et le capital selon un terme fixe.
"On peut même faire un crédit sur mesure en faisant un mélange de deux formules de crédit: une partie en crédit classique sur 20 ou 25 ans et une partie en crédit bullet où l’on paie les intérêts. Soit 40% dans un crédit classique sur 20-25 ans et 40% dans un crédit bullet sur 15 ans (pour une quotité de 80%, NDLR). À l’issue des 15 premières années, il faut rembourser le crédit bullet, en revendant l’immeuble ou via un héritage, une assurance-groupe. Ou alors, on transforme le crédit bullet en crédit classique après quelques années", propose Patrick Segers.
Autre option, si vous arrivez au terme de votre crédit pour habitation propre: "Souvent, une résidence secondaire ou une propriété de rapport est financée par une reprise d’encours sur un crédit existant sur le logement familial, c'est-à-dire par une réutilisation de la garantie existante sur le logement familial", ajoute Ulrike Pommée.