Les enfants occupent une place spécifique dans le droit successoral. À l’instar de l’époux ou l’épouse, ils sont au sommet des différentes gradations prévues par le législateur. Cela signifie qu’ils ont droit d’office à une partie du patrimoine du défunt: leur part réservataire.
"Si rien n’a été réglé, les enfants d’une personne célibataire héritent de la totalité de son patrimoine."
Les enfants, quel que soit leur nombre ont ainsi droit, ensemble, à la moitié des avoirs composant la succession. Chacun recevra une part égale. "Si rien n’a été prévu, les enfants recevront même l’intégralité du patrimoine", indique Hilde Van den Keybus, associée du cabinet Monard Law.
Héritage: tout pour les enfants
Même si les parents du défunt isolé sont encore en vie, ou s’il a des frères ou des sœurs, aucun d’entre eux n’entrera donc en considération pour la succession. Les enfants du défunt héritent de tout.
Si les enfants sont mineurs au moment du décès du parent célibataire, un tuteur sera désigné. "En principe, le tuteur est le partenaire survivant, mais en l’absence de partenaire, on cherche un tuteur dans l’environnement familial le plus proche", explique Steven Van Geert, associé chez Bannister Avocats. Dans les cas extrêmes où il n’y a pas de proche, un avocat ou un notaire est désigné. C’est lui qui se chargera de la succession, en concertation avec le juge de paix et avec son autorisation. Et cela jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge de la majorité. Il recevra à ce moment-là la part qui lui revient. L’administration de la succession prévoit la conservation du patrimoine dans l’intérêt de l’héritier mineur.
Si l’un des enfants est décédé, le mécanisme de la substitution entre en jeu. "C’est le mécanisme par lequel les enfants héritent à la place de leur parent prédécédé", explique Hilde Van den Keybus. "Ces enfants reçoivent dans ce cas la part qui aurait normalement échu à leur parent prédécéd"».
Quid si vous voulez privilégier un de vos enfants?
Un parent célibataire peut bien entendu prendre des dispositions pour sa succession. Supposons que vous souhaitiez avantager un de vos deux enfants. C’est possible, mais dans le respect des dispositions prévues par le droit successoral. Le législateur considère que l’ensemble de votre patrimoine – que l’on appelle la masse fictive – est composé de deux parties. Une moitié de vos biens est réservée aux héritiers réservataires: votre conjoint (le cas échéant) et de vos enfants. L’autre moitié, c’est la quotité disponible. Comme son nom l’indique, vous pouvez en disposer librement et donc la léguer en tout ou partie à qui bon vous semble. Que ce soit à l’un de vos enfants, à un ami ou à une bonne œuvre.
Vous ne pouvez jamais déshériter complètement un enfant, même si vous n’avez plus entendu parler de lui depuis de nombreuses années.
Vous l’avez compris, vous ne pouvez donc jamais déshériter complètement un enfant. Même si vous n’avez plus de nouvelles de lui depuis des années ou si vous ne vous entendez pas, il aura toujours droit à sa part d’héritage. "Cette réserve se réduit cependant de plus en plus à chaque modification de la loi", note Steven Van Geert. L’objectif est de laisser davantage de liberté aux gens de décider ce qu’il adviendra de leurs biens après leur décès. Autrefois, on considérait que le patrimoine devait rester autant que possible au sein de la famille. Mais cette conception a progressivement évolué, notamment en raison de l’évolution de la société et de la multiplication des familles recomposées. Cela se reflète dans la réforme du droit successoral de 2018.
Supposons que votre patrimoine successoral s’élève à 110.000 euros, vous pouvez disposer librement de la moitié. Cette quotité disponible est donc de 55.000 euros. La part réservataire des enfants, l’autre moitié (55.000 euros) est divisée en parts égales entre tous les enfants.
Quid si vous voulez déshériter un de vos enfants?
Même si vous écrivez explicitement dans votre testament que votre fils Charles ou votre fille Nathalie ne recevra rien à votre décès, ce n’est pas valable. À moins que l’enfant en question décide de ne pas exercer son action en réduction et accepte donc d’être déshérité.
Un enfant peut également renoncer à la succession, ce qui arrive souvent lorsque celle-ci est principalement composée de dettes. La renonciation peut être faite gratuitement chez le notaire. En principe, les petits-enfants sont alors éligibles à la succession, mais peuvent y renoncer à leur tour.
Donation: oui, mais prudence
Car si les enfants ont droit au minimum à la moitié de la succession, celle-ci n’est pas seulement constituée du patrimoine présent au décès. "Il faut en effet tenir compte de toutes les donations qui ont été faites dans le passé et reconstituer une masse fictive", précise Hilde Van den Keybus.
Une succession n’est pas constituée que du patrimoine existant au décès. Elle comprend également toutes les donations qui ont été effectuées dans le passé.
Concrètement, la succession se compose donc non seulement de vos avoirs et dettes au jour du décès, comme un compte d’épargne, une voiture, une maison, mais également de ce qui a composé votre patrimoine durant votre vie. Car si vous décidez de donner une partie de vos biens de votre vivant, les personnes qui ont bénéficié de votre générosité auront déjà reçu une part de la succession "en avance". Et il faudra en tenir compte.
Steven Van Geert: "Toutes les donations doivent être prises en compte dans la succession. Lors du partage, on examine qui a reçu quoi du vivant du défunt, et cela doit être déduit de la part successorale de chacun. Une donation aux enfants est, en effet, toujours considérée par le législateur comme étant une avance sur votre succession. Les donations faites "en avancement d’hoirie" seront donc imputées sur la part successorale des bénéficiaires au jour du décès.
Vous avez donné un petit coup de pouce de 10.000 euros à l’un de vos enfants. À votre décès, s’il y a 100.000 euros sur votre compte, on prendra en considération pour le calcul, des 10.000 euros de la donation faite en avance à cet enfant. Il n’aura donc droit qu’à 45.000 euros et l’autre à 55.000 euros. À moins que vous n’ayez pris d’autres dispositions.
Toutes les donations effectuées de votre vivant relèvent en outre de la quotité disponible. Si vous l’avez dépassée et que vous avez ainsi porté atteinte à la part réservataire de vos héritiers, à votre décès, cela aura inévitablement des répercussions. La personne qui aurait reçu une part trop importante devra la restituer. Il s’agira dans ce cas d’un cadeau empoisonné.
Supposons que la masse fictive soit de 110.000 euros, mais que vous ayez donné 60.000 euros à l’un des enfants dans le passé. S’il y a deux enfants, ils ont droit chacun à 55.000 euros. À cause de cette donation, comme l’un des deux a reçu 5.000 euros de trop, il devra restituer cette somme.
Vous devez également prendre vos précautions lorsque vous envisagez de faire donation d’un bien immobilier. Supposons que vous donniez à votre enfant une maison ou un appartement. Au jour de votre décès, quelques (dizaines d’) années plus tard, compte tenu de la hausse des prix de l’immobilier, ce bien aura souvent pris pas mal de valeur. Comment cette situation sera-t-elle prise en compte?
À la différence des donations de biens meubles qui ne doivent pas toujours être enregistrées (et donc faire l’objet de paiement de droits de donation), les donations de biens immeubles doivent obligatoirement se faire devant notaire et impliquent donc le paiement de droits de donation.
"Si vous avez donné le bien, et que l’enfant peut en faire usage directement, au jour du décès, lorsqu’on fera les comptes, il sera tenu compte de la valeur du bien donné au moment de la donation, indexée jusqu’à la date du décès, selon Steven Van Geert.
Par contre, si vous faites donation d’un immeuble avec réserve d’usufruit – ce qui signifie que vous continuez à l’habiter ou que vous le donnez en location et en percevez les fruits –, le donataire n’en a aucune jouissance immédiate. Dans ce cas, la règle de la valorisation connait une exception importante: elle ne se fait pas au jour de la donation, mais bien au jour où le donataire peut disposer librement du bien donné. Soit, en général au décès, mais il arrive que le donateur renonce à son usufruit avant
- Donation "hors part": gare à la période suspecte de trois ans
Si vous souhaitez privilégier un de vos enfants, il suffit de lui faire une donation avec dispense de rapport, dite "par préciput et hors part". Les 10.000 euros de notre exemple seraient dans ce cas considérés comme un simple extra, sans conséquence. Concrètement, cet enfant recevra ces 10.000 euros en plus de la part qui lui revient en vertu de sa réserve légale. Mais attention, la marge de manœuvre pour favoriser un héritier reste toujours limitée à la quotité disponible. Il ne peut être question d’aller au-delà, et de léser les autres héritiers. Si la donation hors part devait porter atteinte à leur réserve, elle ferait l’objet d’une réduction, ce qui implique que le montant qui dépasse la quotité disponible devrait être restitué.
Outre l’argent, vous pouvez également faire donation d’autres biens meubles, tels que des tableaux, bijoux et autres objets de valeur, sans payer de droits de donation. Toutefois, si vous n’enregistrez pas la donation, vous devrez tenir compte de la période suspecte de 3 ans (5 ans en Wallonie). "Si le donateur décède dans ce délai, la donation sera réintégrée à la succession et des droits de succession (bien plus élevés que les droits de donation évités, NDLR) seront dus", prévient Hilde Van den Keybus.
2. Établissez un pacte successoral après la donation
Une piste intéressante pour éviter de nombreux désagréments liés à la donation est le pacte successoral.
Une piste intéressante pour éviter des désagréments liés à la donation est le pacte successoral. Vous tirez un trait sur le passé: les donations concernées ne sont pas intégrées dans la succession.
"Si, par exemple, vous avez fait plusieurs donations, mais que vous n’êtes pas sûr qu’elles aient été réparties équitablement, vous pouvez choisir de conclure un pacte successoral avec vos enfants devant un notaire", souligne Steven Van Geert.
"Dans ce document, les parties acceptent de remettre le compteur à zéro en tirant un trait sur le passé. Les donations concernées ne seront alors plus prises en compte dans la succession".
Cela ne vous dispense toutefois pas de l’obligation de déclarer, aux fins des droits de succession, toutes les donations faites dans la période de 3 ans (5 ans dans la seule Région wallonne) avant le décès.
Supposons que vous ayez une réserve d’argent noir avec laquelle vous effectuez des achats pour vos parents âgés. S’ils vous remboursent par virements bancaires, ces transferts seront considérés par le législateur comme des donations, c’est-à-dire une avance sur la succession. Ils sont également traçables via les relevés bancaires, à la différence des paiements en cash.
Le testament reste utile, y compris pour les célibataires
Il est évidemment préférable de planifier sa succession et de prendre des dispositions en temps utile. Vous pouvez rédiger vous-même votre testament, sans passer par un notaire. Dans ce cas, il s’agira d’un testament olographe. Il doit être écrit à la main, sur papier, daté et signé. Un document sur PC et imprimé ne sera pas valable.
- Un testament offre la sécurité
Il est néanmoins plus prudent de prévoir un testament notarié, surtout si vous souhaitez prévoir des conditions et inclure des clauses spécifiques.
Le coût d’un testament notarié se situe entre 200 euros et 400 euros, en fonction du degré de difficulté et des spécifications. Un testament notarié est signé en présence de témoins. Le notaire conservera également votre testament et l’enregistrera dans le registre central des testaments. De cette façon, vous pouvez être sûr qu’après votre décès, votre testament sera retrouvé et exécuté, ce qui ne sera pas forcément le cas si vous laissez un testament olographe dans le tiroir de votre bureau. Un testament notarié est également moins susceptible d’être contesté qu’un testament olographe.
2. Un testament vous permet de conditionner votre héritage
Une série de conditions peuvent être prévues pour vos enfants. Hilde Van den Keybus: "Par exemple, vous pouvez prévoir, dans votre testament, que les biens seront administrés par un tiers jusqu’à ce que les enfants - y compris lorsqu’ils sont devenus adultes - atteignent un certain âge. Vous pouvez également constituer, de votre vivant, une structure juridique adaptée à vos souhaits, comme une société simple. Il s’agit d’une société dépourvue de la personnalité juridique dans laquelle vous transférez votre patrimoine. Lorsque vous décédez et si l’ensemble de votre patrimoine se trouve dans la société simple, les enfants n’héritent que des parts de la société, pas du patrimoine en tant que tel. Un gérant désigné par le parent exerce alors le contrôle effectif sur la société."
- Tout ce que vous pouvez prévoir pour sortir du cadre légal
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