Fin septembre, le décompte du nombre de licenciements collectifs a atteint son plus haut niveau sur les dix dernières années.
Audi Brussels pèse évidemment lourd dans ce total, qui atteint près de 9.000 emplois répartis sur 68 entreprises, d'après les chiffres du SPF Emploi pour les trois premiers trimestres.
Depuis lors, le compteur continue hélas de tourner. Cisco, Tupperware, Agfa, Yara Tertre ou les Petits Riens, pour citer les cas les plus récents.
Que s'apprêtent à vivre les travailleurs qui font face à un licenciement? Quel sera l'impact sur leurs revenus? Sur quelle aide peuvent-ils compter? Comment peuvent-ils espérer rebondir?
Si votre contrat a pris cours avant le 1er janvier 2014, votre employeur procèdera à un double calcul pour établir votre délai de préavis: il tiendra compte de la partie verouillée au 31/12/2013 et de l’ancienneté acquise à partir du 1er janvier 2014.
1/ Quelle est la durée du préavis?
C’est l’ancienneté ininterrompue acquise par le travailleur dans l'entreprise qui permet de calculer la durée du préavis.
On tient compte de l'ancienneté du travailleur au moment où le délai de préavis prend cours (toujours un lundi, même s'il est férié, suivant la date de réception de la lettre de préavis). Mais il y a des subtilités.
A/ Délai de préavis pour un contrat à durée déterminée (CDD)
Dans le cas d'un CDD, l'employeur doit tenir compte du fait que le contrat de travail expire automatiquement à sa date de fin.
Depuis le 1er janvier 2014, les modalités ont changé: si l'employeur souhaite licencier un travailleur avant cette date, cela au cours de la première moitié de la durée du contrat (maximum 6 mois), il peut le licencier avec un préavis à prester.
Si l'employeur souhaite mettre un terme à la collaboration après la première moitié de la durée du contrat, il ne peut le faire que moyennant le paiement d'une indemnité de rupture qui correspond au salaire dû jusqu'au terme du contrat. L'indemnité ne peut toutefois être supérieure au double de ce qu'il aurait dû verser dans le cas d'un contrat à durée indéterminée.
B/ Délai de préavis pour un contrat à durée indéterminée (CDI)
Dans le cas d'un CDI, l'employeur doit respecter un préavis. Celui-ci doit être presté/travaillé ou versé sous la forme d'une indemnité de rupture.
Si l'employeur met fin à la collaboration avec un préavis, le travailleur continue à travailler durant toute la période couverte par son délai de préavis.
Si votre contrat a pris cours avant le 1er janvier 2014, dans ce cas, votre employeur procèdera à un calcul double pour établir le délai de votre préavis: la partie du délai verouillée au 31/12/2013 ainsi que l'ancienneté acquise à partir du 1er janvier 2014.
> Votre contrat a pris cours avant le 1er janvier 2014?
Dans ce cas, on procède à un double calcul. "Le préavis doit être notifié par l'employeur et comprend deux parties dont la somme est égale à la durée totale du préavis", explique Marta Sequeira Pereira, Legal advisor chez Securex.
Pour la partie du délai de préavis verrouillée au 31/12/2013, la durée du préavis est calculée sur la base des anciennes règles de licenciement qui tiennent compte de l'ancienneté du travailleur dans l'entreprise au 31/12/2013:
- Pour les ouvriers, le préavis est calculé en jours, sur la base des délais de préavis prévus dans les conventions sectorielles de la commission paritaire à laquelle appartient le travailleur. Cette première partie du délai de préavis est toujours plus courte que pour les employés. C'est pourquoi les ouvriers ont droit, sous certaines conditions, au versement d'une indemnité compensatoire par l'Onem.
- Pour les salariés, le préavis est calculé en mois, en fonction de l'ancienneté acquise au 31/12/2013 et de sa rémunération annuelle à cette date.
"Le travailleur a le droit de s’absenter durant son préavis pour chercher un nouvel emploi, tout en conservant sa rémunération."
Ensuite, pour l’ancienneté acquise à partir du 1er janvier 2014, le calcul de la durée du préavis est identique, quel que soit le statut du travailleur: il se compte en semaines. Ce délai comprend quatre phases:
- Une constitution progressive pendant les cinq premières années d’emploi;
- Trois semaines par année d’ancienneté commencée à partir de la cinquième année d’ancienneté;
- Deux semaines par année d’ancienneté commencée (année charnière) à partir de 20 ans d’ancienneté:
- Une semaine par année d’ancienneté commencée à partir de 21 ans d’ancienneté;
On additionne ensuite les deux parties pour obtenir la durée de préavis globale.
> Votre contrat a pris cours après le 1er janvier 2014?
Le calcul s'effectuera comme expliqué ci-dessus.
2/ Vous avez droit à un congé de sollicitation: de quoi s'agit-il?
"Le travailleur a le droit de s’absenter durant son préavis pour chercher un nouvel emploi, tout en conservant sa rémunération", souligne Marta Sequeira Pereira. La durée de ce congé de sollicitation dépend de la situation du travailleur:
- Pendant les 26 dernières semaines de son préavis: un jour complet ou deux demi-jours par semaine;
- Pour la période antérieure: un demi-jour de congé par semaine;
- Si le délai de préavis est de 26 semaines maximum: un jour ou deux demi-jours de congé par semaine pendant toute la durée du préavis;
- Si le travailleur bénéficie d’un outplacement: un à deux demi-jours de congé par semaine (maximum 1 jour/semaine);
- L'outplacement doit être suivi pendant les jours de congé de sollicitation.
Si l’employeur ne précise pas le motif concret et précis de la rupture du contrat, le travailleur peut le demander par lettre recommandée dans un délai de deux mois après la fin du contrat de travail.
L’employeur est tenu de répondre par lettre recommandée, dans un délai de deux mois à dater de la réception de la demande, faute de quoi il sera redevable d’une amende équivalente à deux semaines de rémunération.
3/ Comment calcule-t-on l'indemnité de licenciement?
Le calcul de l’indemnité de rupture est fonction de la durée du préavis (ci-dessus) et de la rémunération du travailleur au moment de la rupture de son contrat.
Concrètement, "on tient compte de la rémunération fixe, d’une moyenne mensuelle des rémunérations variables qui ont été gagnées durant les douze mois qui précèdent la date de la rupture du contrat, ainsi que des avantages acquis en vertu de celui-ci (voiture de société, usage d’un smartphone, PC, quote-part patronale dans les titres-repas, allocations familiales extralégales).
On multiplie la durée du préavis par la rémunération en cours qui reprend tous les éléments précités", détaille Martha Sequeira Pereira.
"En cas de licenciement, l'employeur d'un travailleur âgé de 59 ans ou plus, qui a 40 de carrière en tant que salarié, sera certainement tenu de lui verser un complément d'entreprise (autrefois prépension) en plus de ses allocations de chômage, et ce jusqu'au dernier jour du mois de ses 65 ans. La plupart des conventions sectorielles prévoient cette possibilité", explique l'experte de Securex.
4/ Quid en cas de licenciement collectif?
Si un travailleur est victime d'un licenciement collectif dans le cadre de la loi Renault, l’employeur devra respecter des procédures d’information et de consultation.
"En plus de ses allocations de chômage, le travailleur aura droit à une indemnité due en cas de licenciement collectif, à charge de l’employeur", ajoute Marta Sequeira Pereira.
"Le montant de l'indemnité due en cas de licenciement collectif st égal à la moitié de la différence entre la rémunération nette de référence et les allocations de chômage auxquelles les travailleurs concernés peuvent prétendre."
Le montant de cette indemnité est égal à la moitié de la différence entre la rémunération nette de référence, et les allocations de chômage auxquelles les travailleurs concernés peuvent prétendre.
5/ Qui a droit à l'outplacement? Comment cela se passe-t-il?
Tous les employeurs peuvent être tenus de respecter les procédures d'outplacement ( voir encadré) mais des mesures spécifiques sont prévues pour les entreprises en restructuration.
Dans le cadre d’un licenciement collectif (> 10% du personnel dans les entreprises d'au moins 100 travailleurs), la loi exige que l'employeur crée une cellule pour l'emploi" et les travailleurs doivent y rester inscrits pendant trois à six mois, accepter l'offre d'outplacement et suivre cet accompagnement:
- Si vous avez au moins 45 ans: vous devez suivre au minimum 60 heures d’accompagnement d’outplacement durant six mois;
- Si vous êtes plus jeune: vous devrez suivre 30 heures d’accompagnement durant trois mois.
Durant ces périodes, les travailleurs reçoivent une indemnité de reclassement.
Dans le cadre du régime général, pour tous les travailleurs dont le délai de préavis est d'au moins 30 semaines, l'employeur doit prévoir 60 heures d'outplacement à imputer sur le congé de sollicitation.
"Le travailleur reste libre d'accepter ou non l'offre de reclassement professionnel. Mais il doit savoir que l'employeur a le droit de déduire quatre semaines de son indemnité de rupture pour l'outplacement", prévient la spécialiste de Securex.
Dans le cadre du régime de la CCT 82 bis, "les travailleurs qui n'ont pas 30 semaines de préavis, mais qui ont au moins 45 ans et minimum un an d’ancienneté sont obligés de suivre un outplacement, sous peine de perdre le bénéfice de leurs allocations de chômage".
Depuis le 1er avril 2024, l'employeur qui invoque unilatéralement la force majeure médicale pour mettre fin au contrat d'un travailleur en incapacité de travail, doit verser une contribution de 1.800 euros au Fonds Retour Au Travail. Le travailleur pourra bénéficier d'accompagnement, de coaching ou d'un outplacement pour 1.800 euros maximum.
Et si votre employeur n’est pas obligé de prévoir un outplacement, rien ne vous empêche de le demander. "D’autant que cette procédure est aussi bénéfique pour les entreprises, qui investissent dans leurs collaborateurs et sont soucieuses de maintenir une bonne relation. Selon une enquête d’Acerta, 25% des travailleurs qui ont été licenciés souhaiteraient pouvoir retourner chez leur ancien employeur. Un pourcentage qui grimpe à 50% dans le cas où l’employeur a gardé contact avec eux!"
Contrairement à ce que l’on pense, "cet accompagnement ne se limite pas à apprendre à rédiger un CV. C’est un support professionnel de A à Z pour retrouver rapidement un emploi en tant que salarié ou indépendant", explique Magda Duerinckx, Manager Outplacement chez Acerta Career Center.
Soutien psychologique à des travailleurs parfois traumatisés, identification de leurs talents, compétences et éventuels points faibles, questionnaires, entretiens, analyse du profil et des objectifs professionnels...
Le travailleur va ensuite recevoir de l'aide pour chercher un emploi de façon efficace: les sites à consulter, utilité du réseautage - un point essentiel pour les travailleurs les plus âgés. Il sera également préparé pour affronter les procédures de sélection (interviews, tests) et suivi lors des sollicitations en cours. Un parcours personnalisé sous la houlette d'un coach, qui fera lui-même appel à des experts en fonction des besoins.
Le taux de réussite de l'outplacement est plutôt convaincant si l'on en croit la spécialiste: il atteint 70% après 12 mois. "Mais si on veut trouver et à condition d'être motivé, on finit toujours par trouver, même si cela prend parfois du temps." Alors, il faut saisir sa chance.
6/ Quel est le montant de l'allocation de chômage?
Le calcul du montant de l’allocation de chômage tient compte de la situation familiale (cohabitant avec/sans charge de famille, isolé), du dernier salaire perçu (plafonné) et du passé professionnel (durée de la carrière).
"Au départ, l’allocation de chômage est égale à 65% du dernier salaire brut plafonné à 3.365,15 euros. À partir du quatrième mois et jusqu’au sixième, une dégressivité est appliquée: l'allocation tombera à 60%. La dégressivité s’accentuera encore dès le treizième mois (55% pendant une période qui est fonction de la durée de sa carrière). À partir de la cinquième année, le chômeur n’a droit qu’à une allocation forfaitaire", résume Marta Sequeira Pereira.
En matière de chômage, il n'y a pas de différence entre les couples unis par le mariage, la cohabitation légale et l'union libre (concubinage):
- Votre partenaire n’a aucun revenu… ? Vous avez droit au taux cohabitant avec charge de famille, qui est le plus élevé;
- … et vous vivez également avec d’autres personnes qui, elles, touchent des revenus? Les revenus de ces tiers n’entreront pas en ligne de compte pour le calcul de votre chômage.
- Votre partenaire a des revenus mensuels inférieurs à un plafond (indexé)? Vous avez droit au taux cohabitant avec charge de famille. Attention, le plafond pour les revenus professionnels et pour les revenus de remplacement est différent!
- Votre partenaire a des revenus supérieurs aux plafonds ? Vous avez droit au taux cohabitant sans charge de famille. Si vous cohabitez avec votre partenaire ou si vos revenus augmentent, vous devez le déclarer à l’Onem… sous peine d’être sanctionné.
- Notez que si vous vous installez en colocation et que vous partagez les dépenses avec les autres colocataires, vous n’êtes plus considéré comme isolé, mais comme cohabitant!
7/ Quel est l'impact sur la pension (légale et complémentaire)?
Pension légale: si vous perdez votre emploi suite à un licenciement, cela n'impactera pas directement la constitution de votre pension légale. Le chômage fait partie des "périodes assimilées", des périodes d'inactivité qui sont prises en compte pour le calcul de la pension. Mais lorsqu'on est au chômage depuis plus de douze mois, l’assimilation se fait sur la base d’une rémunération fictive (32.122,360 euros/an max.) et non plus sur la base du dernier salaire.
Si vous perdez votre emploi suite à un licenciement, cela n'impactera pas directement la constitution de votre pension légale.
Pension complémentaire: de très nombreux travailleurs se constituent également une pension complémentaire via leur employeur.
Les fameuses assurances groupe. Si vous êtes licencié, le capital constitué vous reste acquis et il ne sera versé qu’au moment où vous prendrez effectivement votre pension légale.
Lorsque vous quittez l’entreprise, plusieurs options s’offrent à vous:
- Laisser vos réserves auprès de l’organisme de pension de votre ancien employeur;
- Placer vos réserves au sein d’une structure d’accueil;
- Souscrire un contrat d’assurance individuel particulier avec un organisme de pension qui satisfait à certaines conditions;
- Faire transférer le jour venu vos réserves vers l’institution de pension de votre nouvel employeur.
8/ Anticipez la disparition de certains avantages
Vous aviez une voiture de société?
Si le travailleur doit prester un préavis, il peut continuer à utiliser sa voiture de société pendant toute la durée de celui-ci.
Si l’employeur met fin au contrat avec effet immédiat, moyennant le paiement d’une indemnité de rupture (ou pour motif grave), le travailleur doit rendre la voiture directement. En pratique, l’employeur l’autorise souvent à utiliser encore la voiture de société pendant un certain temps. La valeur de cet avantage est soumise aux cotisations sociales et au précompte professionnel et sera retenue lors du décompte de sortie de service avec paiement de l’indemnité de rupture.
Le travailleur peut aussi avoir la possibilité de reprendre la voiture ou le contrat de leasing.
Vous étiez couvert par une assurance hospitalisation collective?
Vous pouvez demander à poursuivre le contrat sur une base individuelle. En général, cela n’occasionne aucune formalité et pas d'exclusion des affections existantes, ce qui est un avantage.
Mais un contrat individuel coûte beaucoup plus cher, surtout si vous êtes âgé. Vous pouvez anticiper en contractant une police continuité. Certains avantages, comme le PC ou le smartphone, devront être restitués.