Face à l’augmentation chronique du coût des soins de santé, un mécanisme a été mis au point pour canaliser les hausses tarifaires pratiquées par les assureurs sur les contrats individuels. Le législateur a instauré un "indice médical" qui balise désormais ces augmentations. Cet indice est calculé annuellement par le SPF Économie, sur la base des données fournies par les assureurs et les sociétés mutualistes d’assurances.
Sur la période 2015-2018, l’indice médical a connu une augmentation de 10% pour l’hospitalisation en chambre particulière (toutes tranches d’âge confondues), de 5% en chambre double ou commune, de 11,5% pour les soins ambulatoires et de 28% pour les soins dentaires.
Le problème, disent les assureurs, c’est que ce mécanisme ne fonctionne pas. "Cet indice médical reflète une hausse moyenne des coûts de soins de santé pour l’ensemble du secteur, fait valoir Philippe Colle, administrateur délégué d’Assuralia, l’union professionnelle. Mais une moyenne ne peut pas convenir à tout le monde. Elle ne tient pas compte des spécificités de tel ou tel assureur."
"Cela ne marche pas"
Du coup, "chaque année, des compagnies se voient contraintes de demander une dérogation à la Banque nationale pour augmenter leurs tarifs au-delà de ce que permet l’indice médical. Cette procédure devait être exceptionnelle, elle devient en fait régulière, insiste Philippe Colle. Cela prend du temps, cela se fait a posteriori, c’est-à-dire trop tard. Bref, cela ne marche pas."
Parfois, c’est le régulateur lui-même qui impose aux assureurs une "mise en équilibre tarifaire" (traduction: une hausse des primes). La BNB l’a exigé pour une série de produits chez DKV et chez Allianz, décisions publiées au Moniteur belge. Du côté mutualiste, le régulateur est l’Office de contrôle des mutualités. Il a pris des décisions similaires pour des produits de la Mutualité neutre, de Solidaris (Mutualité socialiste) ou encore de la Mutualité chrétienne flamande.
Les assureurs ont donc décidé, "ensemble avec les mutuelles" insiste Assuralia, de rendre visite au SPF Économie et au ministre de tutelle (Kris Peeters, CD & V), pour leur demander de revoir la donne. "Nous voulons que la législation soit revue car elle ne fonctionne pas. L’assurance hospitalisation va dans le mur. Si la législation n’est pas modifiée prochainement, le risque est grand que des compagnies se retirent du marché", selon Philippe Colle.
Le marché est largement dominé par DKV, qui s’est fait un nom en pratiquant les remboursements… illimités, loin devant AG Insurance suivi plus loin encore par quelques autres. L’activité est caractérisée par un déficit technique récurrent depuis des années. "Le grand problème en la matière, ce sont les suppléments d’honoraires facturés aux patients qui optent pour une chambre particulière, suppléments que les hôpitaux appliquent pour tenter de compenser leur sous-financement", martèle Philippe Colle.
Suppléments record
Des suppléments d’honoraires qui ne cessent d’augmenter, en moyenne de 3% par an entre 2015 et 2017, selon l’Agence InterMutualiste: "Ce taux de croissance est au moins 2,5 fois supérieur à celui des frais réguliers remboursés par l’assurance soins de santé obligatoire." En 2017, ces suppléments ont atteint un record de 563 millions d’euros.
Les assureurs ne suivent plus et veulent avoir leur mot à dire. "Nous voulons être à la table de l’Inami (Institut national d’assurance maladie-invalidité, NDLR), là où se discute le financement des hôpitaux. Le gouvernement y siège, les hôpitaux et les mutualités aussi, mais pas nous. Ce n’est pas normal alors que nous jouons un rôle non négligeable dans le financement des soins de santé."