Désormais seuls les médecins, les psychologues cliniciens et les orthopédagogues cliniciens pourront proposer des séances de psychothérapie. La psychothérapie n’est donc plus considérée comme une profession mais comme un type de traitement. Pourquoi? Quelle sera l’incidence sur l’éventail, la qualité et la facture des soins?
Anxiété, stress, sentiments dépressifs, soucis relationnels ou familiaux, burnout… Nous traversons tous des moments plus difficiles qui ne relèvent pas pour autant de la psychiatrie. Dans la plupart des cas, une prise en charge "soft" suffirait à éviter que la situation ne dérape. Or actuellement, seules les consultations chez le psychiatre sont remboursées par l’assurance maladie obligatoire (A.O), ce qui constitue un obstacle. Interpellées par l’explosion des besoins en la matière, les mutuelles proposent depuis quelques années le remboursement partiel des séances "psy" via leur assurance complémentaire (A.C).
Les suggestions du KCE
Un Système à 2 niveaux
Invité à plancher sur le sujet, le Centre Fédéral d’Expertise des soins de santé a remis un rapport suggérant le modèle d’organisation et de remboursement suivant:
· Un réseau de première ligne ouvert à tous sans prescription ni critère de diagnostic/de gravité. Le patient serait pris en charge par un psychologue ou un médecin généraliste pour des problèmes courants, pour 5 séances maximum, et une contribution financière modique. Un projet pilote flamand montre que 88% des personnes ont pu être aidées via un tel dispositif.
· Les patients nécessitant une prise en charge plus spécifique et de longue durée auraient accès à des soins spécialisés, sur prescription du psy de première ligne ou du généraliste. Les consultations chez un psychologue dans un SSM (service de santé mentale) ou en privé (mais qui a signé une convention avec un SSM) seraient remboursées par l’assurance maladie obligatoire. Pour toute autre consultation privée, seule l’assurance complémentaire de la mutuelle pourrait alors intervenir, comme actuellement.
· Les pathologies lourdes et complexes resteraient du ressort des psychiatres.
Mais il est apparemment temps de passer à la vitesse supérieure. "Une personne sur trois est confrontée au cours de sa vie à des problèmes mentaux, à des degrés divers. C’est donc un réel problème de santé publique", indique Els Cleemput, porte-parole de la ministre de la Santé, Maggie De Block. Les troubles mentaux sont -avec le cancer- l’une des principales causes des absences de longue durée (plus de 3 mois). Et la probabilité qu’une personne reprenne le travail après une maladie de longue durée diminue à mesure que son absence se prolonge. En 2013, les troubles mentaux étaient ainsi responsables de 33 à 50% des nouvelles demandes d’indemnités d’invalidité (+ 60% en 10 ans), selon les chiffres de l’INAMI.
Face à l’ampleur du problème, une réflexion de fond a été lancée. "L’idée est d’intégrer à terme (d’ici la fin de la législature) le remboursement de la psychologie dans l’assurance obligatoire. Mais cela ne pouvait s’envisager sans une mise en ordre préalable de la législation sur les professions de soins de santé et de la nomenclature", explique Els Cleemput. L’objectif de la loi est double: "apporter des garanties aux patients et réserver le remboursement à des praticiens reconnus".
Quels critères?
Le secteur de la santé mentale est complexe, les intervenants sont nombreux et mal connus. Et certains surfent sur le mal-être en faisant miroiter les bienfaits de disciplines parfois farfelues. "C’est vrai qu’il faut définir un cadre et que des formations sont indispensables, mais ce n’est pas facile de fixer des critères objectifs lorsqu’il s’agit d’évaluer ce qui fait réellement du bien aux gens qui sont en souffrance mentale", nuance Vanessa Van Rillaer, expert aux Mutualités libres. C’est le sens du cri d’alarme lancé à la veille du vote du projet de loi par des professionnels du secteur et des députés de l’opposition pour dénoncer "une vision réductrice de la santé mentale". Au nom de la lutte contre les charlatans, on arrive à une situation où des psychothérapeutes confirmés seront contraints d’exercer sous le contrôle d’un titulaire de diplôme médical et où une série de courants psy qui garantissent une prise en charge répondant à un éventail de besoins spécifiques des patients seront rayées de la carte, ont-ils dénoncé. Sans compter le risque accru de traitement par médication.
Il est tout de même intéressant de noter que selon Ghislain Weets, directeur Assurance complémentaire aux mutualités socialistes, "les conditions et critères de remboursement des séances psy dans le cadre de l’assurance complémentaire correspondent à 95% à ceux fixés aujourd’hui par la ministre De Block. Les soins doivent être prodigués par des psychologues cliniciens et des professionnels ayant une longue expérience…" Aux Mutualités libres aussi, "les interventions en A.C doivent être fondées sur ‘l’evidence-based medicine’et donc limitées aux prestataires reconnus…" Un éventuel remboursement par l’A.O induirait peut-être un repositionnement des mutuelles mais il est prématuré d’en parler avant d’avoir analysé les nuances et conséquences de la loi. En attendant, "rien ne change pour le patient".
Que rembourse l’assurance complémentaire?
Le remboursement des consultations psy par l’assurance complémentaire des mutuelles est soumis à diverses conditions (dont le fait qu’elles soient dispensées par un prestataire agréé). Quelques exemples.
· Partenamut
15€/séance. (max. 8 séances/année civile). Pas de condition d’âge.
· Omnimut (Wallonie)
6,2€/séance. Max. 50 séances à vie. Thérapies individuelles uniquement.
· Solidaris (Brabant wallon)
20€/séance. (max. 8 séances/an)
· MC (Bruxelles)
15€/séance (max.10 séances/an)
· Mutualités libérales (Liège)
120€/an max. pour les jeunes
60€/an max. pour les adultes.