Les manifestations hebdomadaires pour le climat, mais aussi les embouteillages matinaux qui ont tendance à se prolonger jusqu’aux heures de pointe du soir… Toute personne sensée en vient à réfléchir au bien-fondé de sa voiture de société. Mais le succès limité de l’indemnité de mobilité – qui consiste à échanger sa voiture de société contre du cash – indique clairement que peu de travailleurs sont prêts à y renoncer complètement.
Avec le nouveau budget mobilité (entré en vigueur ce vendredi 1er mars), ce choix cornélien n’est est plus un. Le dispositif permet d’échanger sa voiture de société contre un modèle plus écologique et de compléter cet avantage avec, par exemple, un abonnement de train et un vélo. Selon votre situation personnelle, vous choisissez ainsi les moyens de transport les plus "verts" qui vous permettent de rejoindre facilement votre lieu de travail.
1. Qui peut bénéficier d’un budget mobilité?
Seules les personnes qui disposent d’une voiture de société pendant une période minimale, ou qui y ont droit, peuvent prétendre bénéficier d’un budget mobilité. "Aussi bien les travailleurs du secteur privé que les fonctionnaires contractuels et statuaires peuvent entrer dans le système. Les dirigeants d’entreprise indépendants ne peuvent par contre pas en bénéficier", précise Veerle Michiels, experte en mobilité auprès du prestataire de services RH, SD Worx.
Une exception vise cependant certains travailleurs. "La personne qui a échangé une rémunération (NDLR: comme la prime de fin d’année) contre une voiture de société ne peut pas prétendre disposer du budget mobilité, souligne Bart Lombaerts de PwC Tax Consultants. S’agissant des travailleurs qui paient une contribution personnelle pour l’usage privé de leur voiture de société, cette contribution est déduite de leur budget mobilité à allouer."
2. À combien s’élève-t-il?
Le budget est égal au coût réel annuel total pour l’employeur de la voiture de société qu’il met à votre disposition, ce qu’on appelle dans le jargon le "coût total de possession" ("total cost of ownership" en anglais). Ce coût total comprend non seulement les charges de financement de la voiture mais également tous les frais afférents, notamment le carburant, les assurances, la cotisation de solidarité CO2 et la T.V.A. non déductible. "Le coût total de possession doit être calculé pour chaque voiture. Il est très spécifique et peut dépendre des conditions contractuelles que l’employeur a négociées avec la société de leasing", fait observer Bart Lombaerts.
3. À quoi pouvez-vous allouer le budget?
Le budget mobilité peut être investi dans une combinaison de moyens de transport. Les possibilités de choix sont classées dans trois groupes qui sont soumis chacun à un traitement spécifique au niveau du fisc et de la sécurité sociale. "Un travailleur peut choisir librement d’allouer son budget mobilité dans un ou plusieurs groupe(s). À la limite, il peut aussi décider de se faire verser son budget mobilité entièrement en cash mais ce choix est très coûteux", précise Veerle Michiels.
1) Voiture de société
Le budget mobilité permet toujours de choisir une voiture de société. Pour autant qu’elle soit au moins aussi écologique que le modèle restitué et qu’elle respecte la norme minimale. Initialement, on avait fixé une norme d’émission très stricte, de 95 grammes de CO2 par kilomètre. Mais celle-ci ne sera finalement instaurée qu’en plusieurs phases. Pour les personnes qui entrent dans le système en 2019, la voiture peut encore avoir des émissions de CO2 jusqu’à 105 grammes par kilomètre. En 2020, cette norme sera ramenée à 100 grammes par kilomètre. La norme stricte de 95 grammes sera applicable à partir de 2021.
L’échange peut viser tous les types de voitures électriques pures. S’il s’agit un modèle hybride rechargeable, la batterie électrique doit avoir une capacité d’au moins 0,5 kWh par 100 kg de poids de voiture. Il importe par ailleurs que le coût total de la voiture pour l’employeur ne soit pas supérieur à celui du modèle auquel vous renoncez ou aviez droit. La nouvelle voiture choisie est imposée de la même manière qu’une voiture de société "ordinaire", sur la base de l’avantage de toute nature.
2) Mobilité durable
L’objectif du budget mobilité est d’inciter davantage de Belges à opter pour des moyens et des services de transport durables. La partie du budget mobilité qui y est consacrée est entièrement exonérée d’impôts et de cotisations sociales. "Un employeur n’est pas tenu de proposer toutes les solutions durables possibles. Il peut opérer une sélection en fonction de sa politique de mobilité et des besoins de ses travailleurs dans ce domaine", fait remarquer Veerle Michiels. Les possibilités sont les suivantes:
a) Moyens de transport ayant une vitesse maximum de 45 km/h
Citons les vélos (électriques), les speed pedelecs, les triporteurs, les VTT, les vélomoteurs, les steps électriques, les hoverboards et les monowheels. Le budget n’est pas limité à l’achat, à la location ou au leasing. Il couvre également l’entretien et l’équipement obligatoire (notamment le casque).
b) Vélomoteurs purement électriques
c) Transport public
"Le transport public n’est pas limité aux opérateurs officiels tels que la SNCB, la STIB, De Lijn ou les TEC. Il peut s’agir aussi de la navette fluviale (waterbus) à Anvers et à Bruxelles", précise Veerle Michiels. Les abonnements comme les billets séparés entrent en ligne de compte. L’abonnement doit couvrir le trajet domicile-travail et être au nom du travailleur. "Un abonnement scolaire pour un enfant est donc exclu, explique Veerle Michiels. En revanche, les billets séparés peuvent être achetés pour d’autres membres de la famille, et cela pour des voyages dans tout l’Espace économique européen."
d)Transport collectif organisé
Ce transport peut être organisé par l’employeur du travailleur concerné, un groupe d’employeurs ou des tiers. "Le travailleur peut donc financer également avec son budget mobilité des déplacements en bus d’agence de voyages", précise Veerle Michiels.
e) Transport partagé
"Le travailleur qui échange sa voiture de société contre un modèle plus petit peut financer, avec le solde du budget mobilité, la location d’une voiture sans chauffeur pendant 30 jours par an. C’est bon à savoir. La famille a ainsi la possibilité de partir en vacances avec une grande voiture, fait remarquer Bart Lombaerts. Un trajet en taxi ou la location d’une voiture avec chauffeur, par exemple via Uber, sont possibles également." Enfin, citons encore les moyens de transport partagés (vélo, voiture, scooters et steps) parmi les solutions alternatives.
f) Location ou prêt
Habiter à proximité de son lieu de travail est une solution de mobilité durable par excellence. C’est pour cette raison qu’une personne qui habite dans un rayon de 5 km autour de son lieu de travail peut financer le loyer ou les intérêts d’un prêt hypothécaire (mais pas les amortissements du capital) avec son budget mobilité.
g) Vélo d’entreprise et indemnité vélo
Les entreprises qui ne mettent pas de vélos à disposition et/ou qui n’octroient pas d’indemnité vélo peuvent intégrer ces systèmes dans le budget mobilité. Mais il doit toujours exister un lien avec le trajet domicile-travail et l’indemnité vélo est plafonnée à 24 centimes par kilomètre parcouru.
3) Cash
Le solde du budget mobilité est comptabilisé à la fin de l’année civile et versé au plus tard avec le salaire du mois de janvier de l’année suivante. "Il n’est pas permis d’épargner le budget résiduel ou de le reporter à une année ultérieure", précise Veerle Michiels. Le solde versé est exonéré d’impôts mais le travailleur doit payer une cotisation spéciale de sécurité sociale de 38,07%. "En guide de compensation, le solde sera comptabilisé pour le calcul de l’allocation de maladie et de chômage et pour la constitution de la pension", souligne encore Veerle Michiels.
4. Le budget mobilité est-il un droit?
Non, l’employeur peut décider librement d’instaurer ou non un budget mobilité dans l’entreprise. Les employeurs doivent mener une réflexion approfondie à ce sujet. Ils peuvent lier des conditions au budget mobilité, pour autant qu’elles soient connues lors de l’instauration du plan. "Ainsi, les employeurs peuvent déterminer que l’entrée dans le système n’est autorisée qu’à l’échéance de la période de leasing de la voiture de société à restituer", souligne Bart Lombaerts.
Le travailleur a également une liberté de choix: selon sa situation personnelle, il peut accepter ou refuser la proposition de budget mobilité. En outre, tant l’employeur que le travailleur doivent respecter un délai d’attente. Un employeur ne peut instaurer le budget mobilité qu’après avoir proposé une ou plusieurs voiture(s) de société durant trois ans sans interruption. Cette période minimum ne s’applique pas cependant aux entreprises starters.
Un travailleur ne peut demander le budget mobilité que s’il a disposé d’une voiture de société (ou s’il y avait droit) au moins durant douze mois au cours des trois ans précédant la demande ET depuis au moins trois mois sans interruption au moment de la demande. Cette période minimum ne s’applique toutefois pas aux travailleurs nouvellement engagés.
"Les nouvelles recrues peuvent participer immédiatement au système du budget mobilité à condition que leur fonction donne droit à une voiture de société, précise Veerle Michiels. Les périodes minimales ne s’appliquent pas non plus aux personnes qui ont eu une promotion avant le 1er mars 2019 et qui pouvaient donc prétendre obtenir une voiture de société. En revanche, les délais s’appliquent aux travailleurs qui ont été promus ou qui ont changé de fonction à partir de ce mois de mars."
5. Le budget mobilité reste-t-il inchangé durant toute votre carrière?
Non. Une promotion ou un déclassement – qui vous amène dans une autre catégorie de voiture – augmentera ou réduira votre budget mobilité. Le budget peut même être perdu complètement: dès que vous exercez une fonction pour laquelle la politique salariale ne prévoit pas de voiture de société, que vous recevez une indemnité de mobilité (cash for cars) ou que vous disposez d’une autre voiture de société, moins écologique.
Vous êtes malade pendant une longue période? Vous êtes soumis(e) aux mêmes règles que celles déterminées dans la politique de l’entreprise relative aux voitures de société. Vous conservez en tout cas le budget mobilité durant la période où vous recevez un salaire garanti. Au niveau sectoriel ou de l’entreprise, un système peut prévoir que vous conserviez la voiture de société – et par extension, le budget mobilité – durant de longues périodes d’absence.
Contrairement à votre salaire, un budget mobilité n’est pas adapté automatiquement au coût de la vie. "La loi n’impose pas une telle indexation mais un employeur peut prévoir un tel mécanisme d’indexation. Toutefois, il ne peut pas être plus généreux que le résultat de l’application de l’indexation sectorielle des salaires", fait remarquer Veerle Michiels.
Il était prévu que le budget mobilité entre en vigueur le 1er mars. Théoriquement, c’est le cas, puisque la loi vient d’être votée au Parlement. Techniquement, l’employeur ne peut cependant pas encore proposer de budget mobilité tant que les arrêtés d’exécution ne sont pas publiés.
Il s’agit des modalités pratiques de la mesure qui permettront notamment de calculer la valeur du budget mobilité en fonction de la voiture de société de l’employé.