Il y a un peu plus de deux ans, la crise du fipronil - et par conséquent la hausse du prix des œufs - avait déclenché une véritable razzia sur les poules pondeuses. La crise du coronavirus semblerait provoquer le même engouement pour les gallinacés. À la ferme des "Volailles de Limal", une entreprise familiale créée en 1949, Christophe Denis observe actuellement une véritable "folie" sur la demande de poules pondeuses et de poulaillers. "Je n'ai pas une minute de libre. Les gens n'arrêtent pas de défiler dans le magasin. Mais comme nous ne pouvons accueillir que deux personnes à la fois, les suivants sont priés d'attendre sur le parking".
Comme eux, pourquoi ne sacrifieriez-vous pas une partie de votre jardin, ou même de votre terrasse, pour élever des poules et consommer vos propres œufs? Élever ses propres poules présente en effet de nombreux avantages: bien sûr, elles pondent des œufs, mais elles détruisent une partie de vos déchets organiques ménagers, nettoient votre jardin des petites bestioles indésirables et retournent la terre en la grattant avec leurs pattes. Elles sont en général sympas, les enfants les adorent, elles ne craignent pas le froid et sont relativement silencieuses. Et non, ce ne sont pas des poules de luxe. Le coût total (de l’achat de l’animal et du poulailler à la nourriture et aux soins) reste peu onéreux, en tout cas au regard du prix d’un œuf de bonne qualité dans le commerce (jusqu’à 47 centimes/pièce). Faisons les comptes.
"La poule n’est pas une poubelle. Elle se nourrit essentiellement de grains, et elle mange les restes de table en dessert."
Investissement
1) Un (bon) poulailler
Sachez d’abord que votre poule supporte le froid mais l’humidité la rend malade. Un bon poulailler doit idéalement être construit avec des planches d’au moins 1 cm d’épaisseur. Les poulaillers que vous trouverez dans le commerce n’ont pas toujours cette caractéristique, ce qui explique que l’on en trouve dès 150 euros. Leur durée de vie sera en outre moins longue. Aux "Volailles de Limal", le prix d’un poulailler (1 cm d’épaisseur) qui peut abriter trois à quatre poules varie entre 200 et 220 euros (auxquels il faut ajouter environ 25 euros pour la mangeoire et l’abreuvoir).
pouvez-vous vendre vos oeufs ?
Si vous ne consommez pas tous vos oeufs, vous pourriez avoir envie de vendre les oeufs surnuméraires. Pas forcément pour faire un bénéfice sur le dos de vos amis et de vos voisins, mais pour rentrer un maximum dans vos frais de graines… Permis ou interdit ? Pour le SPF Economie, si cela se produit de manière occasionnelle et que vous n’en tirez pas un revenu régulier, pas de problème. "Par contre, si cela devient une activité régulière et donc commerciale, vous devez alors vous enregistrer auprès de la Banque-Carrefour des entreprises", explique le SPF Eco.
Du côté du fisc, vous ne devez pas déclarer les revenus des oeufs que vous vendez car il s’agit de la gestion normale de votre patrimoine privé. Ces revenus ne sont donc pas taxés.
Quant à l’Afsca (l’agence fédérale de sécurité de la chaîne alimentaire), elle ne voit aucun souci ni pour donner ni pour vendre des oeufs, tant que votre élevage ne dépasse pas 50 poules (ce qui correspond à 15.000 oeufs/an en moyenne…). Cependant, le porte-parole de l’Afsca, Jean-Sépastien Walhin, rappelle que ce n’est pas parce que vous élevez des poules chez vous que vous êtes à l’abri des contaminations. "Des contminations accidentelles peuvent se produire notamment par le sol. Si vous achetez une maison et que de l’huile de moteur a par exemple contaminé le terrain il y a plusieurs années, vos oeufs seront contaminées et vous ne le saurez pas. Ce n’est pas parce qu’on produit à la maison (des oeufs, des fruits ou des légumes) que l’on est 100% à l’abri des contaminations", prévient-il.
Mais si vous recherchez un modèle plus exclusif qui s’intégrera à votre jardin ou votre terrasse, vous pouvez faire appel à un concepteur sur mesure… C’est le métier de Bernard De Jonghe (Kot Kot In The City). "En fonction du type de bois et de la complexité du projet, le prix varie fortement. Je fais des petits projets à partir de 800 euros. Ce prix peut aussi varier en fonction de différentes caractéristiques, comme la présence ou non d’un enclos, sécurisé ou non pour les renards et les fouines", explique-t-il.
2) Un système de sécurité
Vos poules restent les proies favorites des renards, surtout dans les quartiers proches des bois et des forêts. Après avoir gambadé dans votre jardin toute la journée, il faudra donc que les poules rentrent au poulailler avant la nuit. Pour qu’elles ne soient pas ennuyées, la base est une bonne fixation du poulailler sur une dalle et un grillage enterré d’au moins 30 cm pour la volière. Mais certains systèmes viennent ajouter une couche de sécurité supplémentaire.
Ainsi, si vous n’avez pas envie/pas toujours le temps d’ouvrir la porte de votre poulailler pour faire sortir et rentrer les poules matin et soir, vous pouvez opter pour une porte sécurisée qui s’ouvre et se ferme en fonction de la lumière ou à l’aide d’un timer. Cela coûte entre 150 et 200 euros.
Selon Didier Denis, ce système n’est pas nécessaire. Il peut tomber en panne et la porte peut se fermer alors que des poules se trouvent encore dehors. "Je conseille davantage un appareil qui émet des ultrasons et envoie un flash de lumière à l’approche d’un intrus, de la même manière qu’une alarme", explique-t-il. Cela coûte environ 50 euros.
3) Des poules
Si vous êtes exigeant sur le fait de connaître la provenance de votre poule et vous assurer qu’elle n’a pas été élevée en batterie, mieux vaut vous diriger vers un élevage de volailles que vous avez pu visiter plutôt que dans une animalerie ou un magasin de jardinage. Dans ces enseignes, vous pouvez trouver des poules pour environ 5 euros, mais elles seront en général assez jeunes et ne pondront pas avant quelques mois. Par ailleurs, il faudra les vacciner. Du coup, acheter des poules dans un élevage vous reviendra plus cher (environ 15 euros/animal) mais vous pourrez plus rapidement déguster une omelette et vous pourrez vous passer de la visite chez le vétérinaire. En outre, "les poules industrielles ont une période de ponte intense pendant une année. Elles donnent jusqu’à 250 œufs entre leurs 5 et leurs 18 mois, mais ensuite, elles pondent de manière plus irrégulière. Une poule de race va donner moins d’œufs, entre 100 et 150 par an, mais de manière plus régulière, pendant 3 à 6 ans", explique Florent Delarbre, qui gère l’élevage avicole familial WaliGali.
Rappelons — au cas où — qu’une poule n’a pas besoin de coq pour pondre des œufs. "En revanche, si le coq féconde les œufs, ils contiendront plus de vitamines", explique Denis Didier.
4) Des grains
Non, votre poule n’est pas votre poubelle de table. Elle peut vous aider à terminer les restes, mais elle n’avalera pas tout et n’importe quoi. "La base de l’alimentation des poules, c’est le grain. C’est leur ‘steak frites’tandis que les épluchures, les déchets organiques sont leur petit dessert", prévient Denis Didier.
Nourrir vos poules n’est donc pas gratuit. Un sac de 25 kg d’un mélange de grains complets (maïs, froment, tournesol, petit pois, colza) coûte entre 8 et 13 euros, voire un peu plus en bio. Mais le coût total en nourriture variera en fonction de la taille des individus et de la présence ou non de rongeurs qui peuvent manger une partie de la ration que vous distribuez à vos poules. Ainsi, certains éleveurs comptent 100 grammes par jour et par poule, tandis que d’autres comptent le double. En fonction du prix du sac de grains et de l’appétit de vos volatiles, le coût mensuel de l’alimentation d’une poule peut ainsi varier entre 1 et plus de 4 euros par mois.
Les mélanges spéciaux pour les poules pondeuses sont moins chers mais ont le désavantage d’intensifier la ponte sur une courte période. La poule va beaucoup pondre pendant deux ans, et souvent, ne va presque plus rien donner après.
"Rentabilité"
Une fois ces investissements consentis, vous avez sans doute envie de savoir si vous allez pouvoir compter sur vos poules pour nourrir votre famille. Une poule donne donc entre 100 et 250 œufs par an (selon sa race), voire 280 œufs pour les pondeuses les plus actives. Avec quatre poules, vous avez donc a priori de quoi assurer votre consommation d’œufs pour un ménage de quatre personnes (si l’on estime la consommation à 12 œufs par semaine). La somme que vous auriez déboursée pour acheter l’équivalent aurait atteint 250 euros (à 0,40 euro/pièce pour un bon œuf dans le commerce).
"Une poule de race va donner moins d’oeufs qu’une poule industrielle, mais de manière plus régulière."
Avec un investissement de départ de 300 euros, il vous faudra donc quelques années pour commencer à être "rentable", en sachant que vous devrez aussi acheter de nouvelles poules lorsque les plus anciennes ne donneront plus d’œufs. Votre "rentabilité" dépendra aussi beaucoup du coût en nourriture. Si vous tournez autour de 4 euros/mois (un peu moins de 200 euros par an), le gain financier sera minime. Si vos poules sont moins gourmandes, vous serez forcément plus rentable. De fait, si vous dépensez environ 1 euro par poule par mois en grains, vous dépenserez moins de 50 euros de nourriture par an.
Étant donné la variabilité de ces paramètres (nourriture, type de poulailler, race de poule), difficile de dire à l’avance qu’une poule à la maison est un super-plan financier ou pas. Cela tombe bien, car le gain pour votre portefeuille ne doit pas être votre motivation principale.
C’est surtout la qualité de l’œuf qui doit vous convaincre d’adopter une poule, dans le contexte des scandales alimentaires à répétition, des pénuries qui s’ensuivent et de la hausse des prix qui les accompagne. Par ailleurs, le rôle de compost sur pattes que joue la poule est aussi un incitant intéressant, surtout en ville. On estime qu’un ménage de quatre personnes peut réduire son volume de déchets de 30% grâce à une poule.
Législation
En dessous de 30 poules, vous ne devez pas introduire de demande ou de déclaration auprès de votre commune. En revanche, pour les coqs, cela dépend des communes, ils sont interdits dans certaines communes en raison de leur chant matinal.
Dans les trois Régions, on insiste sur le fait qu’il faut respecter les règles en matière de bien-être animal. Cela passe bien sûr par la nourriture et les soins, mais aussi par l’espace vital. Chez Bruxelles Environnement, Lison Hellebaut explique que les poules ne sont pas recommandées sur les terrasses. "Elles ont besoin d’un espace ou gratter la terre et d’une surface conséquente. Elles ont besoin d’un poulailler (surface couverte abritée), d’un perchoir, d’un pondoir et d’un parcours extérieur", précise-t-elle.
À titre d’information, les ateliers "Cultiver en Ville" renseignent trois points de vue pour les superficies, pour montrer la diversité qui existe. Ainsi, la surface minimum conseillée pour un poulailler est de 2 à 4 poules par m² par poule. L’institut OVAM en Flandre recommande 4 poules par m².
Le parcours extérieur (grillagé ou non) doit être de minimum 10 m² pour les poules naines et de 20 m² pour les autres poules. L’OVAM recommande 2 à 5 m² par poule.