La vie sous le même toit non-stop sans possibilité de s’isoler a exacerbé les tensions au sein des couples et précipité les décisions de séparation parfois trop longtemps refoulées. Vous n’en pouvez plus. La coupe est pleine.
Vous n’êtes pas seuls. Durant la deuxième quinzaine de mai, les notaires ont enregistré une hausse de 25% de divorces par consentement mutuel par rapport à la période correspondante de 2019. Pour les trois premières semaines de juin, la hausse est de 14,1%. "C’est une augmentation sérieuse, même si elle inclut un effet de rattrapage post-confinement", commente le notaire Sylvain Bavier. "Les motifs sont de trois ordres: on ne se supporte plus, on a constaté une infidélité, on s’est rendu compte que l’on n’a plus grand-chose à se dire ni à partager". Le confinement a parfois eu l’effet inverse. "Des couples qui ont enfin eu l’occasion de passer plus de temps ensemble ont apprécié et renoncé à divorcer."
"Il faut en tout cas éviter d’agir dans la précipitation car le confinement a exacerbé beaucoup de choses que la reprise d’une vie plus normale devrait aplanir", tempère le notaire, soulignant l’importance du dialogue, tant qu’il est possible.
"On assiste effectivement pour le moment à des séparations précipitées, sous le coup de la colère et de l’émotion. Les partenaires ne peuvent plus s’encadrer et veulent aller au plus vite. Dans la conscience collective, il existe en outre une idée préconçue selon laquelle, quand on se sépare, c'est une semaine sur deux pour les enfants chez l'un et chez l'autre, et le partage moitié-moitié pour tous les frais. Beaucoup se laissent enfermer dans des schémas alors qu'en réalité on peut modaliser en fonction de l'âge des enfants, de la disponibilité des parents et des ressources financières", souligne l'avocate Delphine Lamarque, avocate spécialiste en droit familial, qui s'apprête à rejoindre le cabinet Massager.
Votre décision est prise: quelles sont les options?
Vous en êtes au stade du "vivement qu’on en finisse, et vite"… Alors oui, mais à condition de faire les choses dans les règles et en connaissance de cause. D’autant que, si les couples en fin de parcours ont plutôt tendance à reprendre leur sort en main et à prendre des décisions radicales lorsque la conjoncture est favorable, c’est loin d’être le cas actuellement.
1. Le divorce par consentement mutuel se résume désormais à une procédure écrite, sans audience ni comparution. Les conventions - rédigées de préférence avec l’aide d’un avocat ou d'un notaire - sont déposées, et les parties reçoivent ensuite leur jugement sans devoir passer par la case tribunal.
Si cette forme de divorce est "attrayante" aux yeux de nombreux justiciables qui y voient un divorce 'à l’amiable', facile et rapide, Delphine Lamarque pointe "le risque de se laisser enfermer dans une convention qui sera quasiment indéboulonnable par la suite. Certains acceptent en effet, sans s’en rendre compte ou sans réfléchir, des conditions totalement déséquilibrées au regard de la situation réelle des parties. Et vu qu’il n’y a plus de comparution, le juge n’a pas l’occasion de constater et de relever le problème", met-elle en garde. "Des modifications ultérieures qui seraient souhaitées par l'une des parties sont quasiment impossibles sans l’accord de l’autre. Il faut alors démontrer un élément neuf susceptible de modifier la donne."
La durée de la procédure est fonction de la longueur des négociations, de ce qui doit être réglé et des éventuelles formalités fiscales et hypothécaires, explique Sylvain Bavien. Comptez environ 5 mois pour une procédure complètement aboutie."
Le coût de la procédure dépend de ce qui doit être prévu et des formalités nécessaires (qui sont plus lourdes si le sort d’un bien immobilier doit être réglé). En moyenne, 1.000 à 2.000 euros.
2. Le divorce pour séparation de plus de 6 mois ou désunion irrémédiable. Dans ce cas, on passe en général par des avocats. La procédure est plus conflictuelle, risque de ce fait de durer plus longtemps et de coûter plus cher. "C'est seulement dans un second temps qu'un notaire est nommé pour liquider le régime matrimonial (faire les comptes)", explique Sylvain Bavier.
3. À côté de ces procédures classiques, Me Lamarque souligne l’intérêt des formes alternatives de résolution des litiges, comme la médiation. "La médiation permet par exemple aux parties de restaurer une communication et d’élaborer, avec l’aide d’un professionnel, la solution qui sera la plus adaptée à leurs besoins personnels, à ceux de leurs enfants, etc.".
Quels sont les points d’attention immédiats?
Toute procédure, qu’elle soit amiable ou non, judiciaire ou dans le cadre d’une forme de règlement alternatif, prendra du temps. Il est donc impératif de discuter et de décider une série de points à titre provisoire, insistent les professionnels qui citent :
Les modalités d'hébergement des enfants. "Il est préférable de définir un cadre clair, les moments passés avec chacun (jour, heure, trajets) plutôt qu’un hébergement à la carte qui a tendance à angoisser les enfants", conseille Me Lamarque. "Il est également possible d'alimenter un compte commun, duquel seront débitées les dépenses des enfants", suggère-t-elle.
"La procédure par consentement mutuel est séduisante. Beaucoup y voient un divorce à l'amiable, mais risquent de se laisser enfermer dans une convention qui sera quasiment indéboulonnable par la suite."
Le sort de la résidence conjugale. Dans un premier temps du moins, la plupart des couples préservent le logement familial pour que les enfants gardent leurs repères et pour des raisons pratiques (école, activités sportives, amis, etc.). Si l’un des partenaires reste y habiter provisoirement, il faut fixer certaines conditions. "Assumera-t-il le remboursement du crédit hypothécaire (donc le couple reste coresponsable, même s’il est divorcé), le paiement des assurances, des factures? Ou paiera-t-il une indemnité d’occupation?", résume le notaire Bavier. "Certains parents vivent sur place de façon alternée. Un hébergement temporaire est moins coûteux et plus facile à trouver pour une personne seule, ajoute Delphine Lamarque. Si le couple est locataire, le propriétaire doit être informé de la situation.
Quel est l’impact du contrat de mariage?
"À défaut de contrat de mariage, les époux sont soumis au régime légal qui est fondé sur l’existence de 3 patrimoines: le patrimoine propre de chaque époux et le patrimoine commun", rappelle Me Lamarque. "Si un contrat de mariage a été signé chez le notaire - cas le plus fréquent - il faudra s’y référer pour qualifier le bien de propre ou de commun."
"Lors du divorce, on procédera à la liquidation de ces patrimoines, actif et passif. À cette occasion, il faudra retracer l’historique des différents investissements et financements pendant la vie commune." Pas simple, puisqu’une vie de couple entraîne inexorablement des transferts et un enchevêtrement de certains pans du patrimoine...
"La détermination de biens à partager consiste à identifier, le jour de la dissolution du régime matrimonial (introduction de la demande en divorce), l’ensemble des biens et des dettes communs (régime légal) ou indivis (régime de la séparation de biens). Leur évaluation se fait au moment du partage", explique l’avocate spécialisée. Si la procédure s’éternise, un certain laps de temps peut s’être écoulé…
- L’ex d’un salarié ou d’un indépendant a droit à une pension de conjoint divorcé. Pour toutes les années qu’a duré le mariage, la pension de conjoint divorcé est calculée comme si l’ex travaillait lui-même et se constituait donc des droits à la pension. L'ex-conjoint sur la carrière duquel la pension est calculée n’y perd rien.
- Il est essentiel de vérifier régulièrement – et tout particulièrement en cas de divorce - que les bénéficiaires désignés dans vos contrats (d’assurances notamment) correspondent toujours à votre situation de vie. Surtout en cas de divorce !
- Tant que le divorce n’est pas prononcé, même si les partenaires sont séparés de fait et quel que soit leur régime matrimonial ( !), ils restent solidaires des dettes du ménage et de celles liées à l’éducation des enfants.
J’ai mis ma carrière entre parenthèses durant le mariage...
"L’époux qui subit une dégradation significative de son train de vie en raison de son mariage (parce qu’il/elle arrête de travailler pour s’occuper des enfants au bénéfice de la carrière de l’autre) ou du divorce peut solliciter une compensation financière. Cette rente alimentaire tiendra compte des revenus et ressources respectives. Le critère de référence sera le maintien du train de vie pendant l’instance en divorce, puis l’état de besoin pour la pension après divorce", explique Delphine Lamarque.
Lire aussi → Qui a intérêt à se marier et pourquoi?
Quid des enfants et de la pension alimentaire?
Si l’hébergement égalitaire est privilégié par le législateur, ce n’est pas pour autant la norme. Le critère clé est l’intérêt de l’enfant, qui sera apprécié par le juge en fonction de la situation (âge de l’enfant, disponibilité des parents). Il y aura alors moyen de modaliser.
"De la même manière, les frais des enfants ne doivent pas d'office être partagés en deux, insiste Me Lamarque. Légalement, le partage se fait proportionnellement aux revenus, mais le calcul a été objectivé récemment", explique-t-elle. On tient compte:
- des capacités financières de chaque parent;
- du budget/coût des enfants;
- on déduit les allocations pour obtenir le coût net;
- du temps d’hébergement respectif chez chacun. Moins ce temps est important, plus le parent devra compenser financièrement.
Fiscalité
Si vous vous êtes séparés de fait cette année, vous devez théoriquement encore souscrire une déclaration commune en 2021. Mais pour des raisons pratiques, l'administration fiscale permet des déclarations séparées. Elle réunit les données des deux déclarations pour établir une imposition commune.
Si vous avez divorcé en 2020 (date de la transcription dans les registres de l’état civil), vous remplirez une déclaration séparée l’an prochain. Le receveur pourra toutefois toujours vous réclamer le paiement des impôts dus pour la période du mariage.
Prendre des enfants à charge permet de bénéficier d’une majoration de la quotité de revenu exemptée d’impôt. En principe, cet avantage n’est accordé qu’au parent chez qui l’enfant a son domicile fiscal, mais, sous certaines conditions, il peut être réparti pour moitié entre les parents dans le cadre du régime de coparentalité fiscale. Cette formule n'est pas possible si un parent déduit des rentes alimentaires pour cet enfant.