C’était en mai 2016: la cour d’appel de Bruxelles condamnait douze personnes dans le cadre du procès dit "Cachalot", surnommé ainsi pour la taille gigantesque de la fraude à la sécurité sociale qui le nourrissait.
Il s’agissait d’une arnaque bien connue. Une organisation avait vendu à 2.000 personnes des documents sociaux leur donnant droit à diverses allocations et pécules, au moyen de sociétés fictives. Une énorme fraude qui a perduré de 2001 à 2012 et coûté environ 20 millions d’euros, au préjudice notamment de l’Onem, l’ONSS ou l’Inami.
Si aujourd’hui, de si gros dossiers semblent ne plus persister, ces fraudes continuent d’exister. "Elles existent toujours, tout comme les grosses fraudes aux allocations, de tous types", explique-t-on à l’auditorat du travail du ressort de la cour d’appel de Bruxelles. "L’arnaque au titre-services se base sur la scission de l’État en trois entités, dans laquelle la communication transversale n’est pas bien organisée", pointe-t-on.
"L’âge d’or" de la fraude au titre-services fut probablement la décennie 2000. Jusqu’à une réforme du ministère de l’Économie, en 2013. "À titre personnel, j’observe que le nombre d’affaires baisse à l’ONSS. L’Onem a nettement renforcé les contrôles. De plus, la création de nouvelles sociétés de titres-services devait dorénavant se faire avec un dépôt de garantie de plusieurs milliers d’euros. Cela a découragé les plus petits fraudeurs."
Pasteur brésilien
Ces derniers mois, la Justice a condamné toute une série d’importantes arnaques aux titres-services. La semaine dernière, la Cour d’appel a condamné à 18 mois de prison une Brésilienne de 33 ans, responsable de l’ASBL Qualinet, pour avoir détourné les fonds de la Sécurité sociale dans le cadre de la législation des titres-services.
Plus de 15.000 titres ont été falsifiés, pour des centaines de milliers d’euros de préjudice. À la fin de l’année 2017, un pasteur brésilien, Raniero Petrucci, avait été condamné pour l’escroquerie de 173 travailleurs dans le domaine des titres-services. L’ONSS avait annoncé une perte de 2,5 millions d’euros.
Le principe de l’arnaque est le suivant: l’escroc "récupère" une société, en modifie les statuts et mène les démarches pour obtenir l’agrément auprès de l’Onem. Puis, trois cas se présentent.
→ Le premier: le patron de l’entreprise usurpe les identités des utilisateurs de titres-services et des travailleurs.
→ Le second: le (faux) travailleur est un complice.
→ La troisième méthode – la plus aboutie – prévoit la complicité de l’utilisateur, qui reçoit une déduction fiscale pour un titre non acheté, du travailleur, déclaré à la Sécurité sociale sans travailler, et de la société qui paye l’ONSS mais reçoit des subventions de la Région. "Dans ces cas, l’intervention des services d’inspection de l’Onem est souvent trop tardive car l’argent aura été détourné et les organisateurs auront disparu ou changé de société", ajoute l’inspecteur de l’ONSS.
"J’ai le sentiment que les mesures prises en 2013 ont permis d’éradiquer ceux qui fraudent de manière artisanale. Mais les structures organisées dont les dirigeants ne sont pas trop idiots ne sont pas impactées. Le dossier Cachalot, c’était une industrie. Pour démanteler cela, il faut des enquêtes judiciaires d’ampleur et de longue haleine."