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Les SOS que nos politiques ignorent

Plus de 520 jours sans gouvernement. Si, dans un premier temps, cette aberration a pu prêter à sourire, les Belges s’inquiètent réellement, désormais. La crise s’invite dorénavant chaque soir à leur table. Experts, économistes, observateurs avisés... : tous y vont de leurs SOS. Aperçu.
©Didier Lebrun

Les effets de cette crise larvée qui a longtemps contourné notre pays sont maintenant palpables, dans la vie quotidienne des ménages belges. Un sentiment exacerbé par les hausses de certains prix "marquants", dont ceux de l’énergie (mazout de chauffage, essence, électricité).

Grogne sociale

Sur le front social aussi, la tension est brutalement montée d’un cran et la menace gronde. Les travailleurs bouillonnent. Les annonces de faillites, de restructurations et autres fermetures d’usines dans un contexte plus global de gel annoncé des salaires et de perte de pouvoir d’achat provoquent des crispations bien compréhensibles. Les syndicats ont déjà annoncé l’organisation d’une manifestation nationale le 2 décembre à Bruxelles, et n’excluent pas de lancer un appel à la grève générale. Partout sur les réseaux sociaux, dans les journaux, les économistes, les journalistes spécialisés dans les affaires politiques, et surtout, l’homme de la rue, s’inquiètent…

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  • José Manuel Barroso, président de la Commission européenne: "la zone euro fait face à une crise systémique."
  • Albert II, Roi des Belges, dans un communiqué: "Le roi souligne à nouveau l'urgence d'aboutir à un accord afin de former un gouvernement et ainsi défendre au mieux le bien-être de tous les citoyens dans l'avenir."
  • Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque Centrale Européenne: "la crise la plus grave depuis la seconde guerre mondiale".
  • Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques: "la Belgique est des Etats membres qui ne semblent pas corriger son déficit excessif de manière structurelle et durable vis-à-vis des échéances prévues".
  • Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques: "L'Europe attend que la Belgique présente pour la mi-décembre une preuve convaincante de mesures budgétaires structurelles suffisantes, et de préférence un budget complet pour 2012".
  • Jean Deboutte, de l’Agence de la dette, à différents médias: "Les marchés ne fonctionnent plus ; la situation est intenable…"
  • Pieter Timmermans, directeur général de la FEB: "Le baromètre de notre compétitivité est sur ‘tempête’. Échapperons-nous aux recettes Dehaene (1993) et Martens (1982)? Non!"
  • Peter Vandermeersch, ancien rédacteur en chef de De Standaard, aujourd’hui dans le NRC Handelsblad, aux Pays-Bas: "Devinette: pourquoi de plus en plus de collègues néerlandais évoquent-ils dans le même élan la Belgique, la Grèce et l’Italie ? Ou parlent de ‘l’euro sans la Belgique’?"
  • Geert Noels, économiste en chef Econopolis, dans De Standaard: "Toutes ces garanties, toutes ces promesses donnent l’impression que nous sommes un pays riche. Mais finalement, nous devons être économes ; en agissant de cette façon, la Belgique fonce droit vers la faillite."
  • Herman Van Rompuy, président de l'UE: "Nous sommes dans une crise de survie. Nous devons tous travailler ensemble afin de survivre à la zone euro, car si nous ne survivons pas à la zone euro, nous ne survivrons pas à l'Union européenne."
  • Béatrice Delvaux,  éditorialiste en chef du Soir: "L’Etat va donc devoir sortir 1,5 milliard pour indemniser les coopérateurs du groupe Arco, qui succombe à son tour à l'affaire Dexia. Il en coûtera en fait à chaque Belge quelque 135 euros pour permettre au coopérateur d'Arco de sauver sa mise. Par les temps budgétaires qui courent, c'est déjà extrêmement choquant. Mais ce deal, par son côté caché, non équitable et politisé, est en plus scandaleux."
  • Rik Van Cauwelaert, directeur de Knack : "La Belgique a besoin d'un gouvernement d'urgence, sans Di Rupo"
  • Marc De Vos, directeur d’Itinera: "Pourquoi la Belgique ressemble à l’Italie? Plus de 20% du PIB doit être refinancé chaque année en raison des dettes."
  • Geert Wellens, économiste (Economedia), sur Twitter: "Phase de déni total: l’Italie à la une de nos journaux ce matin alors que les marchés jugeront tout à l’heure de notre lenteur à établir un budget."
  • Julien Manceaux (économiste ING), à Belga: "Pour l'instant, ce n’est pas catastrophique mais cela risque de devenir de plus en plus difficile si on ne parvient pas à boucler un budget qui permette d'atteindre les objectifs fixés, dont celui d'un retour à l'équilibre en 2015."
  • Frederik Delaplace, directeur des rédactions de Mediafin (L’Echo et De Tijd), sur Twitter: "Les politiques se comportent précisément comme si les marchés financiers, comme l’UE, allaient attendre le 15 décembre. On attend l’accident, autrement dit." #nogov
  • Ivan Van de Cloot, économiste en chef chez Itinera, sur Twitter: "Michel Daerden 'sauve' la pension des fonctionnaires locaux en épuisant les réserves 2015. Les pensions sont donc assurées jusqu’en 2015! Berlusconi en Belgique."
  • Stanley Pignal, correspondant du Financial Times à Bruxelles: "Les investisseurs se sont longtemps inquiétés de l’envergure de la dette nationale, qui atteint presque 100% du PIB, le niveau le plus élevé en dehors des pays PIIGS. Mais l’impasse politique a encore accru le risque de contagion à la Belgique, qui s’apprête à connaître son 20e mois sans gouvernement, le conflit opposant la majorité flamande néerlandophone et les Wallons francophones ayant paralysé le pays pendant l’essentiel de la crise de la zone euro."
  • William Buiter, économiste en chef de Citigroup, sur Bloomberg.TV: “L’Europe doit agir maintenant pour éviter la faillite"
  • Geert Noels, économiste en chef chez Econopolis, sur Twitter: "500 jours de négociations et pas une seule proposition d’économies/d’accroissement de l’efficacité de notre système… Économiser = gérer l’argent de manière plus parcimonieuse."
  • Geert Noels, économiste en chef chez Econopolis, sur Twitter: "Et si aucune pression n’était exercée sur la Belgique pour qu’elle forme un gouvernement, combien de temps ces négociations pourraient-elles encore durer?"
  • Gilles Klaas, spécialiste en ressources humaines, à Mon Argent : " Vu le contexte, demander une augmentation de salaire, c’est chercher de l’eau dans le désert. "
  • Gij Moes, journaliste néerlandais chez Trouw: "Les politiques belges qui négocient en vue de former un nouveau gouvernement sont directement opposés les uns aux autres sur le plan économique. Le Parti Socialiste du formateur Elio Di Rupo ne souhaite pas toucher aux salaires et pensions. Les libéraux flamands essaient d’utiliser l’Europe pour faire passer  de force leur agenda."
Les ci­toyens se ré­voltent...

Sur Twit­ter au­jourd’hui, sous le ha­sh­tag "#nogov", les mes­sages af­fluent de la part de tous ceux qui ne com­prennent tout sim­ple­ment plus la si­tua­tion. Sou­vent des per­sonnes ac­tives et in­quiètes... sou­vent aussi celles-là même qui paie­ront les pots cas­sés de tant d’im­mo­bi­lisme. Entre les lignes, un mes­sage com­mun se dis­tingue clai­re­ment: les po­li­tiques doivent mettre leur or­gueil de côté et faire ce pour quoi ils sont payés: gou­ver­ner.

Le coût de la dette flambe

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Ce qui, il y a quelques mois n’était encore qu’une menace lointaine, s’est brutalement précisé ces derniers jours: la Belgique est véritablement confrontée à la crise de la dette. On peut se cacher derrière les assauts des marchés, qui touchent dorénavant la plupart des pays européens, un fait demeure: la Belgique n’a pas de gouvernement. Et la facture pour le contribuable ne cesse entre-temps de s’alourdir. Dernier fait d’arme en date: la faillite de l’un des principaux actionnaires de Dexia, qui plombera probablement les comptes de l’Etat d’un milliards d’euros supplémentaires. La hausse des taux obligataires au-delà des 5% coûtera aussi cher, autant en termes financiers que de crédibilité. Il y a quelques mois, Alexandre de Groote, spécialiste du marché obligataire chez Petercam, assurait que la Belgique "jouerait avec le feu" si l’écart avec les taux allemands – le fameux spread, dépassait les 200 points de base. Or, ce spread avoisine aujourd’hui les 300 points de base. Même le directeur de l’agence de la dette, Jean Deboutte, d’ordinaire très diplomate, s’inquiétait il y a deux jours dans nos colonnes et dans les journaux télévisés de l’absence de budget pour 2012.

Budget très peu ambitieux

Plus globalement, la facture pour les Belges s’est brutalement alourdie ces dernières semaines. Alors qu’on cherchait 6 milliards début septembre, la quête porte aujourd’hui sur 12 milliards d’euros hors affaire "Arco". Au-delà des chiffres, la responsabilité des politiques est clairement à mettre dans la balance. Alors que la situation urge,  nos politiciens peinent à décider. On pourrait aisément comprendre une pareille prudence s’il était question de réformes structurelles importantes - sur le marché de l’emploi et en matière de pensions, notamment -. Mais il s’agit en l’occurrence de déplacer une série de curseurs sur des mesures qui, pour la plupart, existent déjà: un peu moins d’avantages sur les intérêt notionnels, sur les voitures de sociétés, un peu plus sur les quotités exonérées d’impôts pour favoriser les salaires plus modestes, un peu plus de précompte mobilier sur les revenus de l’épargne, un peu plus de taxation sur la plupart des forme de placements boursiers. On peut difficilement parler de budget 2012 ambitieux.

L'austérité... mais pas à n'importe quel prix

Les Belges sont conscients qu’il faut "faire quelque chose". Ils n’ont d’ailleurs jamais ils n’ont été aussi bien préparés à vivre cette nécessaire période d’austérité. En revanche, ils ne sont pas prêts à accepter que l’on se borne à déplacer les curseurs, sans avancer de réponse digne de ce nom aux défis qu’il s’agit de relever pour assurer leur confort à plus long terme.

Ce serait une erreur de s’en remettre aux marchés, de céder à la pression, mais la situation est grave, désormais. Il faut un budget. Et des réformes dignes de ce nom. Nous ne sommes pas les seuls à appeler au sens des responsabilités de nos politiques.

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