Le volet financier d’un divorce ou d’une séparation est toujours particulièrement sensible et compliqué. La loi détermine quel parent doit supporter la pension alimentaire pour un enfant en fonction des moyens de chacun. La répartition des frais et le paiement de la pension sont des questions qui peuvent évidemment être tranchées entre ex-conjoints, mais également, au besoin, avec l’aide d’un médiateur ou par procédure judiciaire. "En théorie, si l’un gagne 3.000 euros et l’autre 2.000, le premier devra prendre en charge 3/5e des coûts, explique Yves Coemans, du service d’études du Gezinsbond (équivalent flamand de la Ligue des Familles). Mais en pratique, il n’est pas toujours aisé de savoir si certains frais sont ou non inclus dans le ‘deal’."
Une liste des frais extraordinaires…
Même lorsque les parents ont réussi à s’accorder sur le montant d’une pension alimentaire pour les enfants, il y a toujours des imprévus qui sont alors à l’origine de palabres ou d’incessantes disputes. Ce sont ce que l’on appelle les "frais extraordinaires" dont l’opportunité et le montant sont dans certains cas discutables ou subjectifs.
"Avait-elle vraiment besoin d’un nouveau PC, et surtout à ce prix, à son âge!? OK pour un stage de langue, mais pourquoi à l’étranger où c’est beaucoup plus cher? Un cours particulier de piano? Du rattrapage scolaire? Son appareil dentaire? Il me semble que tu peux bien payer tout cela, vu la généreuse pension alimentaire que je paie! Etc." Scènes ordinaires de la vie de parents séparés. Classique dialogue de sourds avec étripages assurés à la clé.
C’est pour couper court à ce type de scénario que le ministre de la Justice, Koen Geens (CD & V) a déposé un projet de loi qui liste les frais extraordinaires et contraint le débiteur de la pension alimentaire à répondre à la sollicitation du parent qui engage la dépense. Les nouvelles règles devraient entrer en vigueur au 1er janvier 2019.
On peut répartir les coûts liés à un enfant en trois catégories:
- les frais de séjour (alimentation, logement, électricité, eau);
- les dépenses de soins de santé, pour l’enseignement et les vêtements;
- les frais extraordinaires: coûts médicaux (optique, suivi thérapeutique, orthodontie, opération), en lien avec des activités scolaires (achat d’un PC, voyage scolaire, kot étudiant) ou autre (leçons de conduite et permis de conduire,…).
En général, les deux premières catégories de frais sont incluses dans la pension alimentaire. Dans certains cas, celle-ci comprend aussi une provision destinée à faire face à une série de frais exceptionnels, qui sont alors spécifiés dans la convention de divorce/séparation. Mais ce n’est pas la norme.
… et une procédure pour les avaliser et les partager
Sauf situation d’extrême urgence et de nécessité absolue, les parents seront désormais tenus de discuter des dépenses extraordinaires et du montant de celles-ci avant de les faire.
Chaque achat ou dépense extraordinaire devra ainsi faire l’objet d’une demande formelle à l’autre parent par e-mail ou lettre recommandée. Ce courrier contiendra la proposition de dépense, le motif ainsi que le budget à y consacrer. Le parent sollicité disposera d’un délai de 8 jours (30 jours durant les vacances) pour contester la nature et/ou le montant des frais envisagés. Faute de réaction, on considérera qu’il s’agit d’un accord tacite et le parent sera tenu d’assumer sa part. Dans les trois mois suivant la dépense, le parent qui l’a consentie devra fournir une copie de la pièce justificative (facture, décompte, extrait de compte). L’autre parent devra payer sa part dans un délai de deux semaines.
En cas de désaccord, les parents devront tenter de trouver un compromis, au besoin en faisant appel à un médiateur ou devront en dernier ressort s’en remettre à une procédure judiciaire.
Notons également que le parent qui reçoit une bourse d’études ou un remboursement (mutuelle, assurance hospitalisation, assurance complémentaire, etc.) sera tenu d’en avertir l’autre parent dès que le montant est disponible ou au moins une fois par an au mois de septembre.
Cette nouvelle loi ne mettra probablement pas un terme à toute discussion mais elle aura au moins le mérite de fournir un cadre de référence aux parents, ce qui limitera la méfiance et la suspicion réciproques. "On saura déjà plus clairement qui doit payer quoi", indique-t-on au cabinet de Koen Geens.
Si les parents ont convenu à l’amiable d’une liste de frais extraordinaires ou si certains frais extraordinaires sont déjà inclus dans un jugement, rien ne change pour eux, bien évidemment. Tout le monde doit faire comme il le sent. La liste officielle des frais extraordinaires sera surtout une référence utile pour tous mais surtout pour les cas où rien n’a été prévu.