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Les perspectives hypothécaires en 2020

La période des taux toujours plus bas est-elle révolue? Ou au contraire, faut-il s’attendre à voir la baisse se poursuivre l’an prochain? Avec quel impact sur le marché immobilier?
©Photo News

Avec des taux d’intérêt historiquement bas, contracter un emprunt reste hautement attractif pour financer l’achat d’une habitation propre ou d’un immeuble d’investissement. Mais combien de temps cela va-t-il encore durer? Quelles sont les prévisions pour 2020? Réponse en 7 questions.

1. Quel sera l’impact des mesures de la Banque nationale de Belgique sur les taux?

La Banque nationale de Belgique (BNB) va, pour la première fois, fixer des limites pour les quotités des crédits hypothécaires. À partir du 1er janvier 2020, les propriétaires occupants ne pourront plus emprunter que 90% du prix d’achat d’un bien et les investisseurs 80% — avec une légère marge de manœuvre pour les banques commerciales. Cette nouvelle mesure aura-t-elle un impact sur les taux?

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"Le montant emprunté par rapport à la valeur du bien nécessite un matelas de sécurité plus élevé dans le cas d’une quotité supérieure à 80%, selon les dernières recommandations de la BNB, ce qui fait mécaniquement augmenter le taux proposé au client", explique Valéry Halloy, porte-parole de BNP Paribas Fortis, qui rappelle qu’en Belgique, le taux de référence est l’OLO à 10 ans (le taux de rendement du marché obligataire). "Ce taux détermine ce que les banques récupèrent annuellement de l’État lorsqu’elles lui ont acheté des obligations et donc avancé de l’argent. Tous ceux qui souscrivent un emprunt hypothécaire sont dès lors directement concernés par les taux d’emprunts publics belges." Ils servent en effet de référence aux banquiers lorsqu’ils élaborent la grille tarifaire de leurs crédits logement.

"Les mesures de la BNB visent à éliminer les prêts les plus risqués, soit ceux dont les taux sont plus élevés. La moyenne de l’ensemble des taux va donc être tirée vers le bas puisqu’on aura enlevé les plus risqués", indique Julien Manceaux, économiste chez ING. Mais cela ne veut pas dire que les taux accordés seront plus bas pour autant. "Ce sera très différent d’une banque à l’autre en fonction du portefeuille existant et cela dépendra de la manière dont le portefeuille se remplira selon les profils. Une fois que la banque aura atteint le seuil imposé par la BNB, elle ne pourra plus accorder tel ou tel type de crédit selon la quotité", souligne son collègue Philippe Ledent, qui n’anticipe ni une hausse ni une baisse des taux suite à ces mesures.

"On prévoit un fossé entre les bons dossiers et les dossiers moyens. Les banques vont se battre pour les bons dossiers avec de basses quotités, c’est-à-dire les profils moins risqués, pour qui les taux resteront bas", prévoit Patrick Segers, courtier en crédits hypothécaires chez Segers & Associés. "Ce fossé va créer des écarts plus grands entre les taux accordés selon que l’emprunteur a un bon profil ou un profil lambda."

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Brecht Coene, du site guide-épargne.be, spécialisé dans la comparaison des taux hypothécaires, pense aussi que les mesures de la BNB ne devraient pas influencer les taux: "Les dossiers dont la quotité est élevée obtiennent généralement des taux plus élevés que les emprunteurs apportant plus de fonds propres, c’est déjà le cas aujourd’hui."

Réponse: Non, les mesures de la BNB ne devraient pas impacter les taux en tant que tel mais plutôt l’acceptabilité d’une demande de crédit hypothécaire.

2. Les taux poursuivront-ils leur baisse en 2020?

La Banque centrale européenne (BCE) maintient des taux bas et tant que ce sera le cas, les taux resteront au plancher. Mais les banques belges s’attendent à ce que les taux finissent par remonter, comme elles l’avaient déjà prédit l’an dernier. Or, on a pu observer l’effet inverse. La chute des taux semble "no limit".

"Globalement, le taux variable est assez stable depuis avril 2018. Il s’établit en moyenne à 1,5%. Par contre, le taux fixe a continué de descendre depuis lors, il est passé en moyenne de 2% à 1,68% en septembre 2019, chiffre Julien Manceaux qui anticipe une certaine stabilité pour 2020, avec en moyenne des taux autour de 1,8%, soit une très légère remontée". L’économiste voit dans les taux actuels la fin de l’effet de la baisse des taux instaurée par la BNB.

Brecht Coene constate de son côté une certaine stabilité des taux en cette fin d’année: "La situation est plus calme après les baisses successives au début du dernier trimestre." Il lui est difficile d’imaginer que les taux pourront descendre encore plus bas, mais "ce n’est pas impossible".

Le porte-parole de Febelfin, Rodolphe de Pierpont, soutient le fait "qu’une diminution n’est pas à l’ordre du jour. Il ne devrait pas y avoir de gros changements sur le marché du crédit hypothécaire en 2020". Mais le porteparole pense qu’on ne peut exclure une légère remontée des taux. La politique monétaire de la BCE définissant largement les taux actuels, reste à savoir si Christine Lagarde, qui succède à Mario Draghi, restera dans la lignée de son prédécesseur ou non. "Quoi qu’il en soit, si les taux remontent, les autorités feront les choses en douceur. On ne va pas passer du tout au tout", prévient Rodolphe de Pierpont.

Réponse: La tendance sera plutôt stable en 2020 par rapport à 2019, avec une très légère remontée des taux, mais rien de fracassant.

3. Quelle est la "vraie" limite? Peut-on arriver à des taux proches de zéro?

On entend dire depuis des années que les taux ont atteint leur limite, qu’ils ne pourront "techniquement" plus baisser… Mais dans les faits, la réalité est tout autre. Le seuil symbolique de 1% a été franchi en octobre dernier pour le taux fixe à 20 ans. Du jamais vu. Si ce taux a été très bien négocié et que le dossier du client était excellent, ce cap prouve que les taux n’ont pas atteint leur limite. Y en a-t-il seulement une?

"La baisse continue des taux ne peut se répercuter à l’infini sur les taux accordés aux clients, estime Valéry Halloy. Les banques doivent prendre en compte différents coûts qui empêchent les taux de baisser davantage. Elle doit au final pouvoir se rémunérer sur ces produits", détaille le porte-parole de BNP Paribas Fortis. "On est au plancher du plancher, on voit difficilement comment un banquier peut baisser encore ses taux, car il risque de se mettre en danger", appuie Rodolphe de Pierpont.

"Si les réglementations belges devaient changer, il ne serait techniquement plus impossible d’avoir des taux plus bas."

Philippe Ledent
Économiste chez ING

Tout dépend en fait de la politique monétaire définie par la BCE et des réglementations belgo-belges. "Se dire qu’on aura un jour des taux négatifs… c’est une perspective assez lointaine au vu des conditions actuelles car il y a un coût du capital pour les banques. La BCE peut toutefois changer certaines conditions, mais pour cela il faudrait une détérioration de la croissance économique assez forte", explique Julien Manceaux.

"À réglementation fixe, la BCE aurait beau baisser les taux, vu que cette baisse n’est pas transférée auprès de certains clients des banques – par exemple les épargnants pour qui le minimum légal belge applicable est de 0,11% – il est impossible physiquement de transmettre cette baisse des taux sur un crédit. Mais si les réglementations belges (BNB, État) devaient changer, il n’est techniquement plus impossible d’avoir des taux plus bas, même si je ne pense pas que ça aura lieu", détaille l’économiste Philippe Ledent, qui rappelle que ces limites physiques belges ne sont pas liées à la politique de taux de la BCE.

Réponse: Il faudrait que la réglementation belge s’assouplisse pour que les taux puissent encore baisser. C’est cette réglementation qui freine et limite la baisse des taux actuellement.

4. Quels sont les risques pour le marché immobilier si les taux poursuivent leur baisse?

Selon les modèles économiques, une baisse des taux de 1% entraîne une augmentation de la capacité d’emprunt et une hausse du prix de l’immobilier d’environ 10%.

Des taux d’intérêt bas sont en effet le principal facteur de soutien du marché du logement. Il est donc logique de s’attendre à voir les prix de l’immobilier progresser l’année prochaine si la baisse des taux se poursuit. "Des taux plus bas exerceront une pression à la hausse sur les prix de l’immobilier, comme lors des années précédentes", confirme Julien Manceaux.

Si les taux remontent progressivement, l’effet inverse devrait se produire. Les taux exerceront alors une pression à la baisse sur les prix des logements.

En outre, si les taux remontent, "le coût du crédit qui sera également impacté, si au contraire ils baissent – ce qui sera très limité – cela incitera d’autant plus les investisseurs à investir en immobilier", ajoute l’économiste d’ING Philippe Ledent.

Réponse: Les prix de l’immobilier continueront de s’apprécier si les taux poursuivent leur baisse. L’effet inverse se produira si les taux augmentent, mais de manière très progressive.

5. Le taux variable a-t-il encore un intérêt?

Les taux bas incitent traditionnellement à opter pour un taux fixe au moment de contracter un crédit hypothécaire. Si les taux d’intérêt finissent par remonter, vous avez tout intérêt à fixer votre taux pour la durée du crédit. Toutefois, les taux étant la baisse depuis plusieurs années, on peut penser qu’en optant pour un taux variable, on continuera à bénéficier de la baisse des taux, si elle se poursuit. Quelle est finalement la meilleure option?

Tout dépend de la situation personnelle de chacun, explique BNP Paribas Fortis, qui rappelle que pour les taux variables, le conseiller effectue souvent une simulation du "pire scénario et, in fine, c’est le client qui prend la décision". Pour vous situer, 86% des emprunteurs ont choisi un taux d’intérêt fixe au troisième trimestre de 2019, selon les chiffres de l’Union professionnelle du crédit (UPC).

Si l’emprunteur pense que les taux ne pourront vraisemblablement que remonter, il a sans doute "davantage intérêt à fixer son taux que l’an dernier", indique Julien Manceaux. Si au contraire il estime que la baisse des taux va se prolonger, le taux variable répondra plus à ses attentes. "Tout dépend de ce que chacun pense de l’avenir", relève l’économiste, qui pointe le fait que la différence entre taux fixe et taux variable est actuellement très faible. "À réglementation inchangée, j’ai du mal à considérer de nouvelles baisses de taux. Et s’ils ne peuvent plus trop descendre, j’aurais tendance à dire qu’il faut fixer son taux. Mais dans un scénario de déflation, la donne serait différente", explique Philippe Ledent, qui indique qu’il existe toujours en Belgique la possibilité de refinancer son emprunt.

Rappelons au passage que la variabilité d’un taux est plafonnée: la variation maximum est un doublement du taux. Concrètement, si vous obtenez aujourd’hui un excellent taux variable de 1%, il ne pourra jamais excéder 2% en cas de remontée des taux.

Réponse: Il n’y a pas de bonne réponse, le taux fixe permettra d’être plus tranquille en cas de remontée des taux, mais la variation maximum d’un taux étant de 1%, le risque encouru pour un variable n’est pas très/trop élevé.

6. Les banques en ligne peuvent-elles rester concurrentielles dans ce contexte?

Le bureau d’études Profacts a mené une enquête sur le crédit hypothécaire en ligne auprès de 1.253 Belges entre le 14 et 28 septembre 2018. Deux Belges sur cinq sont prêts à souscrire un emprunt en ligne. Cette proportion s’élève à deux Belges sur trois si les taux en ligne sont plus avantageux. "Cette enquête confirme une tendance qui va devenir de plus en plus grande dans notre pays", indique Valéry Halloy, qui met en avant le côté "facile et rapide" de la souscription d’un crédit hypothécaire en ligne via Hello Bank, la marque "web only" de BNP Paribas Fortis, et estime que les taux proposés par la banque en ligne restent compétitifs.

Ces banques n’ayant pas d’agence physique, leurs charges de fonctionnement sont moindres par rapport aux grandes institutions bancaires. "Ils peuvent donc se contenter d’une marge moins élevée, souligne Patrick Segers, mais ils n’offrent pas de service sur mesure comme le ferait un courtier ou un banquier".

Réponse: Oui, elles restent assez concurrentielles, mais parfois au détriment du conseil "sur mesure" pour l’emprunteur, qui reste très important puisqu’un profil n’est pas l’autre.

7. Quels sont les autres critères qui peuvent influencer le montant de votre emprunt?

La différence entre un taux à 1,22% et un taux à 1,32% n’impacte finalement que très peu votre portefeuille. Il s’agit désormais de considérer les frais annexes lorsque vous contractez un emprunt auprès d’une banque. C’est-à-dire les frais de dossier, l’assurance solde restant dû (ASRD), les frais d’estimation, la commission de réservation, etc. "Les banques n’ayant que très peu de marge sur les taux, elles vont imposer progressivement des produits annexes dérivés – parfois à coût élevé – comme une ASRD, un compte avec domiciliation des revenus, etc. et augmenter leurs frais dans les années à venir afin de compenser ce qu’ils ne gagnent plus sur les taux des prêts hypothécaires", prévient le courtier Patrick Segers.

Les frais de dossier liés à un crédit hypothécaire facturés par la banque sont plafonnés depuis le 1er avril 2017 à 500 euros. La banque qui accorde un crédit veut aussi des garanties quant à son remboursement, ce qui est possible en prenant une hypothèque. Pour cela, la banque fait d’abord estimer le bien immobilier par un expert indépendant.

Le montant varie d’une banque à l’autre: chez ING, le montant est de 180 euros, chez KBC, le prix est dépendant de la valeur du bien (entre 225 et 675 euros). Chez BNP Paribas Fortis, c’est la superficie du bien qui joue: les frais d’estimation s’élèvent à quelque 300 euros pour une habitation jusqu’à 200 m2 et peuvent aller jusqu’à 665,50 euros pour les biens jusqu’à 2.000 m2.

Dans le cas où vous empruntez pour construire votre habitation, vous n’avez pas besoin de la totalité du montant emprunté immédiatement. Vous le retirerez au fur et à mesure des factures à payer. La banque peut donc vous facturer une commission de réservation, puisqu’elle doit toujours tenir l’argent à disposition. Chez BNP Paribas Fortis par exemple, cette commission s’élève à 0,15% par mois (1,81% annuel) sur les montants qui n’ont pas encore été retirés.

"Un élément important pour l’emprunteur est le TAEG (taux annuel effectif global, NDLR). Ce taux représente la quasi-totalité des coûts d’un crédit sur un an, résume Valéry Halloy, qui ajoute qu’il devient très facile de comparer les différentes offres de crédit entre elles". "En outre, afin que le consommateur puisse comparer les différentes offres de crédit, les prêteurs doivent fournir sur une fiche d’information standardisée européenne (FISE) toutes les informations personnalisées liées à son projet. Ce document reprend ainsi tous les frais liés et apporte une plus grande transparence qui permet une comparabilité des offres et simulations", conclut-il.

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