C’est devenu une petite chanson entêtante depuis plusieurs années: les taux hypothécaires sont au plancher, ils ne peuvent "que" remonter. Et pourtant, en 2017, la moyenne des 10 meilleurs taux officiels fixe à 20 ans a encore baissé, selon les données agrégées par le site guide-épargne.be. Elle s’est établie à 2,38%, contre 2,41% en 2016. La différence est minuscule, concédons-le. Nous pouvons même parler de stabilité, plutôt que de réelle baisse. Mais ce qui est certain, c’est que la hausse (même modérée) anticipée par la plupart des observateurs ne s’est une fois encore pas produite.
Va-t-elle se produire en 2018? De nouveau, la théorie semble implacable. Techniquement, les taux sont tellement bas – 2,16% en moyenne pour un 20 ans fixe cette semaine, et même 1,72% pour les taux négociés – qu’ils ne peuvent plus baisser, ou bien vraiment à la marge. Les taux offerts par les banques ne sont plus constitués que de la prime de risque associée à l’emprunteur, et celle-ci est incompressible. Deux éléments sont plutôt de nature à soutenir une hausse des taux cette année: la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et un règlement prudentiel plus strict pour les institutions de crédit.
Si ce n’est que… ce n’est pas une science exacte. Et c’est sans compter la nature très concurrentielle du marché hypothécaire. A l’été 2017, l’arrivée de Keytrade Bank sur le marché hypothécaire avait exercé une pression à la baisse sur les taux. La banque en ligne — qui a accordé en six mois un montant de 200 millions d’euros de crédits hypothécaires — venait marcher sur les plates-bandes de Hello bank! avec le meilleur taux officiel du marché. La filiale de BNP Paribas Fortis n’avait pas attendu longtemps avant de réagir. Actuellement, c’est Hello bank! qui est d’ailleurs la championne des taux, avec un 20 ans fixe à partir de 1,65%. Ceci dit, un emprunteur qui présente un dossier solide (en termes de revenus, de garanties, d’apport de départ) pourra presque toujours trouver un meilleur taux auprès d’une banque traditionnelle après avoir mis plusieurs banques en concurrence. Ainsi, selon guide-épargne.be, KBC a offert fin décembre un taux de 1,44% fixe sur 20 ans à un client qui a emprunté 220.000 euros.
Impact limité de la BCE…
Mais revenons à 2018. Les banques tablent en général sur une petite hausse des taux longs obligataires en raison de l’amélioration de l’économie, de l’anticipation de la fin de l’assouplissement quantitatif de la BCE fin 2018 suivie d’une première remontée des taux en 2019.
Ainsi, comme l’explique Philippe Ledent, économiste chez ING, "il semble que le point bas ait été dépassé. Même si les taux restent globalement historiquement bas, on peut observer un léger frémissement sur les plus longues échéances qui, selon nous, ne devrait plus s’inverser. Dès lors, le facteur macroéconomique (en ce compris les banques centrales) devrait plutôt être un facteur de léger soutien pour les taux".
"Sur le marché obligataire, on peut observer un léger frémissement sur les plus longues échéances qui ne devrait plus s’inverser."
Mais on parle ici d’une légère hausse des taux longs européens cette année, de l’ordre de 30 points de base. BNP Paribas Fortis table pour sa part sur une progression de 50 points de base pour les taux belges à 10 ans et étalée sur les douze prochains mois. Pas de quoi affoler les candidats à l’acquisition donc…
Par ailleurs, étant donné que les taux courts ne devraient, eux, pas bouger durant la majeure partie de 2018, les taux fixes devraient remonter davantage que les taux variables. Pour rappel, même dans un contexte de taux très bas, un taux variable reste une option intéressante dans certains cas. Par exemple, un emprunteur qui sait déjà qu’il revendra son bien à relativement court terme (bien avant le terme de son emprunt en tout cas) n’a pas intérêt à payer le surcoût d’un taux fixe à 20 ans. Il remboursera en outre davantage de capital au cours des premières années d’un crédit à taux variable qu’au cours des premières années d’un crédit à taux fixe.
Ceci dit, comme prévient Philippe Ledent, la manière dont les banques vont adapter leur politique de taux quand les taux du marché vont remonter dépend aussi du positionnement de marché de chaque banque et des règles en matière de crédit hypothécaire. "Par exemple, un taux variable ne peut pas faire plus que doubler sur la durée de vie du prêt. Dès lors, les tarifs des prêts à taux variable se situent actuellement à des niveaux bien plus élevés que leur référence de marché, souvent négative d’ailleurs. Quel comportement adopteront les banques lorsque les taux de marché vont commencer à monter (suivre le mouvement ou normaliser l’écart entre le tarif et la référence)? Cela dépendra probablement de la concurrence sur le marché du crédit", explique-t-il.
…et des règles prudentielles
On sait que la Banque nationale de Belgique (BNB) veut par ailleurs tout faire pour que les banques ne soient pas trop exposées à des crédits hypothécaires considérés comme plus risqués, c’est-à-dire aux quotités d’emprunt supérieures à 80% (quand l’emprunteur dispose donc d’un apport de départ inférieur à 20% de la valeur de l’habitation). Elle avait recommandé au gouvernement d’imposer aux banques qu’elles disposent de fonds propres supplémentaires pour chaque emprunt de ce type accordé.
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Le gouvernement n’a pas suivi cet avis et a opté, aux dernières nouvelles, pour un règlement plus global. Si le portefeuille hypothécaire de la banque représente une quotité moyenne supérieure à un certain pourcentage, la banque devra renforcer ses fonds propres. On peut donc craindre que les crédits deviennent dans ce cas plus chers pour le consommateur final. Mais selon Rodolphe de Pierpont, porte-parole de Febelfin, "cela n’aura pas spécialement d’impact pour le consommateur final. Le renforcement des fonds propres dépendra de chaque institution, selon sa situation. A priori, pour la plupart d’entre elles, ce nouveau règlement sera un non-event". Le texte est actuellement dans les mains des autorités européennes. Il pourrait entrer en vigueur dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
Un exemple pour relativiser
Si les prévisions des banques sur une remontée, doucement mais sûrement, des taux hypothécaires devaient se concrétiser, quel serait l’impact sur les finances de l’emprunteur?
Pour un montant de 200.000 euros au taux actuel de 2,16%, la charge d’intérêts s’élèverait à 45.994 euros sur la durée de l’emprunt, avec un remboursement mensuel de 1.024 euros.
Si ce taux devait passer à 2,66% (+ 50 points de base), la charge totale de l’emprunt grimperait à 57.359 euros, avec un remboursement mensuel de 1.072 euros par mois. Ces 11.000 euros sont beaucoup mieux dans votre poche que dans celle de la banque, c’est évident. Mais ne cédez pas trop à la pression du timing, étant donné que les prévisions de hausse des taux restent très prudentes. L’idée étant, avant tout, d’acheter un bien immobilier qui vous plaît et au prix juste…
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