Les banques se plaignent depuis des années que leurs marges sur les crédits hypothécaires sont extrêmement faibles, en raison des taux bas persistants qui résultent de la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne. Qui plus est, les banques évoluent en Belgique dans un secteur hyper concurrentiel... Ce qui implique qu'aucune d'elle n'a envie d'être la première à donner le signal d'une remontée des taux hypothécaires.
Les banques se plaignent déjà depuis plusieurs années des faibles marges et des taux bas, mais entre-temps, rien n'a changé. A mon avis, il est probable que rien ne change.
Mais cet été, la banque KBC a de nouveau prévenu que les faibles marges sur les taux hypothécaires n'étaient pas tenables à long terme. ING a affirmé de son côté que les prix des crédits immobiliers devaient augmenter en Belgique. Est-ce suffisant pour prédire une prochaine hausse des taux ? Pas réellement. Selon Kristof de Paepe, qui suit les taux hypothécaires de très près avec son site guide-épargne.be, "les banques se plaignent déjà depuis plusieurs années des faibles marges et des taux bas, mais entre-temps, rien n'a changé. A mon avis, il est probable que rien ne change".
Et de fait, les taux continuent de rester collés au plancher depuis des années. En réalité, si l'on regarde la moyenne des dix meilleurs taux hypothécaires à 20 ans fixe accordés par les banques, ils continuent même à baisser : de 2,4% en mars 2016, ils sont aujourd'hui tombés à 2%, selon guide-épargne.be. Et le leader du marché hypothécaire en Belgique qui donne en général le ton, BNP Paribas Fortis, reste stoïque depuis janvier 2017, avec des taux officiels à 20 ans fixe bloqués à 3,20% (négociable, bien entendu).
Concurrence
En réalité, les taux bas représentent un problème pour les banques à partir du moment où ils s'installent pour une longue période (ce qui est le cas). Mais ce n'est pas pour cela que les banques vont toutes se mettre à remonter leurs taux au même moment. Comme l'explique Julien Manceaux, économiste chez ING, "au début, les anciens prêts à long terme qui sont toujours sur le bilan permettent toujours des marges confortables, même si les nouveaux sont accordés à des taux très réduits. Après plusieurs années, le phénomène s’inverse : les anciens prêts à taux élevés qui procuraient des revenus confortables sont soit arrivés à échéance, soit ont été renégociés, et s’accumulent sur le bilan des banques des prêts à taux réduits".
Cette accumulation pourrait devenir préoccupante en cas de remontée des taux d'intérêt sur les dépôts. "Cette accumulation n’est pas un trop gros problème tant que les taux sur les dépôts sont nuls, mais si les taux augmentent sur les dépôts fin 2019, les banques devront sans doute compenser la faiblesse des taux sur les prêts accordés ces dernières années en augmentant plus rapidement les taux sur les nouveaux prêts", poursuit-il.
La vitesse de la remontée des taux dépendra de la concurrence ainsi que de la situation de chaque banque. "Comme toujours en Belgique où elle est intense, c’est la concurrence entre les banques qui va dicter la rapidité du processus : les banques qui n’ont pas pu diversifier leurs sources de revenus ces dernières années et ont des bilans très chargés en prêts à taux fixes et bas, seront sans doute obligées de remonter les taux plus rapidement sur les nouveaux prêts et retarder le plus possible la remontée des taux sur les livrets".
Ceci étant dit, l'économiste prédit que la pression vers le bas risque de se maintenir (tant du fait de la concurrence que de la BCE). "Nous n’attendons pas de remontée très rapide des taux : 80 à 100 points de base tout au plus d’ici la fin 2020, sur les taux hypothécaires, on sera sans doute encore sous la barre des 3,5% pour le taux fixe (supérieur à 10 ans) à la fin 2020", conclut-il.