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La BNB veut des banques plus prudentes pour leurs crédits hypothécaires

Les mesures prises par la Banque nationale (en 2013 puis 2018) n'ont pas jusqu'ici calmé le jeu: la faiblesse des taux d'intérêt et la concurrence cumulant leurs effets, les banques sont de plus en souples dans l'octroi de crédits logement. Si cela ne change pas, la BNB "n'exclut pas de prendre des mesures supplémentaires".
Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale.
Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale. ©BELGA

On n’y est toujours pas. Depuis des années, la Banque nationale de Belgique (BNB) observe avec inquiétude le marché hypothécaire belge, qui n’en finit pas de croître. En 2018, comme les années précédentes, la production de crédits logement a encore augmenté, de l’ordre 6%, quand la croissance de l’économie belge était de… 1,4%.

Aujourd’hui, l’encours total des crédits logement dépasse les 200 milliards d’euros. C’est quatre fois plus qu’en 2000. Non seulement, le nombre de crédits a augmenté mais, le montant moyen emprunté par crédit a doublé sur 20 ans, passant de 75.000 à 160.000 euros.

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Attention à l'indiscipline

C’est que le marché belge n’a pas connu de crise immobilière depuis des décennies, contrairement à des pays comme l’Espagne ou l’Irlande ou les Pays-Bas. Même pendant les années compliquées des crises bancaires puis de l’euro, les prix des logements n’ont jamais baissé, ou à peine. En 2018, ils ont encore augmenté de 1,8%, une hausse similaire à celle de 2017. Y a-t-il surchauffe? Pas selon la BNB, qui estime qu’en moyenne l’immobilier résidentiel s’achète 5,9% trop cher.

"Nous n’excluons pas du tout de prendre des mesures supplémentaires."

Pierre Wunsch
Gouverneur de la BNB

Ce n’est pas colossal mais cela n’empêche pas, dit le gendarme financier, de veiller à ce que les banques ne versent pas dans l’indiscipline. La BNB a déjà pris deux mesures en ce sens, en 2013 puis en 2018, relevant ainsi de 10 à 18% les exigences de fonds propres sur leur portefeuille hypothécaire. Le but de la manœuvre est que chaque banque mette plus de côté pour parer un éventuel retournement de marché.

"Conditions très souples"

Seulement voilà, "ces deux mesures macroprudentielles ont eu peu d’effet dans la pratique", admet le gouverneur Pierre Wunsch. Cela n’a pas calmé le jeu. Au contraire, poussées par la faiblesse des taux d’intérêt et par une forte concurrence, "les banques belges octroient des crédits hypothécaires à des conditions très souples et même plus souples qu’avant", lit-on dans le ‘financial stability report’ que la BNB présentait ce lundi.

En 2018, près de 40% des prêts octroyés portaient sur des montants dépassant 90% de la valeur du bien acheté, c’est 10% de plus qu’il y a 5 ans. La durée des prêts s’allonge aussi, à nouveau: 39% portent sur plus de 20 ans, c’est 10% en 5 ans.

Marge commerciale

La marge commerciale des banques s’effritant (ici aussi, les taux bas et la concurrence cumulent leurs effets), elles amassent les crédits peu rentables et de longue durée et, ce faisant, hypothèquent à terme leur rentabilité future. Et si les marges sur les crédits ont eu tendance à se redresser ces derniers mois, la BNB veut vérifier si ce début de mouvement est durable, ou pas.

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En attendant, la BNB "exhorte à nouveau les banques à la prudence dans l’octroi et les conditions des prêts hypothécaires". "La BNB appelle à des pratiques plus saines et plus prudentes et à une tarification économiquement saine." Si elle ne constate pas d’assagissement, "nous n’excluons pas du tout de prendre des mesures supplémentaires", prévient Pierre Wunsch.

Attention à l'illogisme 

Les banques, par l'intermédiaire de la fédération sectorielle, ont réagi aux conclusions du rapport de stabilité financière de la Banque nationale: il faut renforcer les précautions sur le marché du crédit.

Une des méthodes possibles, indique-t-on chez Febelfin, est le recours au coussin contracyclique (une manne de fonds propres constituée pour faire face aux coups durs et ainsi pouvoir continuer à octroyer du crédit). 

"L'introduction d'un tel coussin n'est pas une mesure exceptionnelle: elle a déjà été annoncée ou est devenue applicable dans différents pays." On retiendra notamment la Bulgarie, la France, le Luxembourg... et la semaine dernière, l'Allemagne. Mais en Belgique, ce coussin n'a pas encore été activé. 

Chez Febelfin, on insiste: "Le recours à ce tampon contracyclique n'indique pas de difficultés financières, mais a un effet préventif."

Quoi qu'il en soit, les banques brandissent le panneau "mise en garde". Le recours à ce coussin sous-entend que les banques vont devoir constituer davantage de fonds propres au fur et à mesure que l'octroi des crédits progresse.

Mais elles rappellent le contexte de taux bas dans lequel elles doivent évoluer. Qui dit taux faibles, dit encouragement du consommateur à investir et donc à contracter du crédit. Or l'introduction de ce coussin pourrait rendre les banques plus frileuses dans leur politique "crédits". Les banques préconisent donc une approche plus méthodique avec, en ligne de mire, une priorité à la cybersécurité, un renforcement de la collaboration privé-public ou une lutte accrue contre le blanchiment.

Et que faire contre l'endettement des ménages? "Un octroi de crédit responsable doit demeurer le point de départ absolu: les prêteurs doivent faire preuve de toute la prudence qui s’impose. Cela permettra d’éviter au maximum que des emprunteurs individuels ne contractent des prêts trop importants, cela permettra aussi de préserver à long terme la stabilité financière."

Et Febelfin de conclure que si le coussin contracyclique doit être activé, c'est avant tout la conséquence de la politique de faibles taux. Nos banques, elles, sont plutôt performantes.                                         

D.Li.

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