Depuis son départ de GSK au printemps 2012, Jean Stephenne n’a pas disparu des radars. Au contraire, il s’est consacré à plein-temps à l’investissement à titre privé dans des sociétés de biotechnologie belges. Il fait figure de business angel dans ce segment très risqué, mais le risque ne lui fait pas peur, car son expérience dans le secteur pharmaceutique lui a permis d’appréhender les aléas de celui-ci. Il sera présent ce samedi comme orateur du grand débat sur les biotechnologies au salon Finance Avenue. Nous lui avons posé quelques questions en marge du débat.
Depuis quand avez-vous commencé à investir dans les biotechnologies?
J’ai quitté ma fonction (NDLR: de PDG) chez GSK à la mi-2012, mais j’ai déjà commencé à investir dans quelques sociétés deux ans auparavant. Depuis 2012, j’investis dans beaucoup plus de sociétés car il faut du temps pour pouvoir s’en occuper.
À quoi veillez-vous lorsque vous décidez d’investir dans une société de biotechnologie?
Je regarde à la technologie, si celle-ci est protégée par un brevet. Je juge aussi la qualité scientifique de l’équipe qui met en place la recherche. À la mi-2012, j’ai lancé ma propre entreprise avec mon fils, nommée BePhareBel, dont l’objectif est de trouver des remèdes et de vendre la production sur le marché belge. Nous avons déjà acquis trois sociétés qui dégagent un chiffre d’affaires.
Dans combien de sociétés avez-vous investi jusqu’à présent?
"Je fais très attention à la valeur des technologies développées. Même si la technologie est bonne, il peut arriver que le marché ne se développe pas aussi rapidement."
J’ai investi dans une dizaine de sociétés. Parfois, les plans ne se déroulent pas aussi rapidement que l’on avait espéré. Mais jusqu’à présent, je n’ai pas connu d’échec. Je fais très attention à la valeur des technologies développées. Toutefois, même si la technologie est bonne, il peut arriver que le marché ne se développe pas aussi rapidement.
Beaucoup de sociétés de biotechnologies ne génèrent pas de bénéfices, est-ce que cela vous gêne?
Avec Jean Stéphenne, président deTiGenix, Patrick Jeanmart, CFO de Celyad et Marc Engels, gestionnaire de fonds chez Puilaetco Dewaay.
> Finance Avenue, 14/11 de 9h45 à 10h30 Mon Argent Corner
Dans mon portefeuille de titres, sur une dizaine de sociétés, trois dégagent déjà un ebitda (bénéfice avant intérêts, taxes et amortissements), et les sept autres sont dans une phase de développement où elles investissent à risque pour développer de nouveaux produits. Durant toute ma carrière, j’ai été habitué à ces investissements de recherche et développement sur des cycles de dix à quinze ans. Aussi, ces délais ne m’effraient pas. Mais je le répète: la qualité des brevets est essentielle.
OncoDNA est la dernière société de biotechnologie dans laquelle vous avez investi, à titre privé. Pourquoi avoir choisi cette société?
OncoDNA développe le concept de médecine personnalisée. Beaucoup de médicaments sont dispensés aux patients, mais leur efficacité n’est pas observable. Ici, cette société permet de détecter si un traitement fonctionne ou pas. On développe la connaissance sur les traitements, par l’emploi du Big Data (NDLR: analyse de gros volumes de données à temps réel). On regarde comme le patient a répondu au questionnaire, pour cibler son traitement. Ce genre de médecine va se développer face aux maladies chroniques. Elle va permettre d’économiser sur la sécurité sociale, et donne plus de chance au patient de guérir. On parvient ainsi à trouver un coût plus optimal par patient.
Vous êtes administrateur de TiGenix, qui développe un traitement contre le sepsis sévère (grave infection). Cette société n’exclut pas de se faire coter à Wall Street, où d’autres biotechs belges (comme Celyad et Galapagos) sont déjà cotées. Pourquoi envisagez-vous le marché américain?
"Lorsque vous cherchez à lever des fonds, en Europe, il faut du temps pour collecter 10 millions d’euros alors qu’aux Etats-Unis, la barre des 50 millions d’euros est franchie plus rapidement."
L’Europe, comme les Etats-Unis, sont deux marchés importants. Le marché américain présente des difficultés, car il faut se faire connaître auprès des investisseurs qui sont exigeants sur le risque d’endettement, notamment, contrairement aux marchés européens. Mais lorsque vous parvenez à convaincre les investisseurs américains, ils peuvent vous aider à trouver des partenariats aux Etats-Unis. Lorsque vous cherchez à lever des fonds, en Europe, il faut du temps pour collecter 10 millions d’euros, alors qu’aux Etats-Unis, la barre des 50 millions d’euros est franchie plus rapidement. Le capital-risque est beaucoup plus développé aux Etats-Unis.
Comment expliquez-vous l’engouement des investisseurs belges pour le secteur biotechnologique?
"Il y a un consensus mondial sur la qualité des médicaments produits en Belgique. Aussi, je crois qu’il est normal qu’en Belgique, le secteur biotechnologique intéresse autant."
La Belgique est le pays qui compte le plus d’employés dans le secteur pharmaceutique par habitant. Le savoir-faire est historique. Le pays compte aussi le plus de personnes qui ont fait des études en chimie par habitant. La recherche académique dans nos universités s’avère d’une excellente qualité. La réputation des médicaments développés en Belgique s’est répandue à travers le monde. Il y a un consensus mondial sur la qualité des médicaments produits en Belgique, meilleurs que ceux fabriqués en Chine et en Inde. Aussi, je crois qu’il est normal qu’en Belgique, le secteur intéresse autant. De plus, notre pays favorise depuis des années la recherche en médicaments. Les incitants à la recherche scientifique sont nombreux. Pour un brevet belge, le taux de prestation est réduit par produit. Ces incitants, qui ont été lancés sous Guy Verhofstadt et qui ont été repris par tous les autres ministres depuis lors, ont favorisé les entreprises innovantes et en particulier les sociétés pharmaceutiques.
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