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Les nouvelles règles en matière de donation

Il sera toujours possible de faire une donation après le 1er septembre 2018. Mais les règles du jeu vont profondément changer.
©Bloomberg

Un des changements les plus importants dans le nouveau droit successoral concerne ce qui ne se trouve plus dans votre patrimoine lors de votre décès. À savoir tout ce que vous avez donné de votre vivant. Bizarre, dites-vous? Loin de là. "Le législateur veut empêcher que vous ne vous débarrassiez de tout ce que vous avez pour déshériter vos héritiers", explique Alain Verbeke, du bureau d’avocats Greenille by Laga.

Pourquoi tient-on compte des donations?

Vous pouvez donner tout ce que vous voulez et à qui vous voulez de votre vivant. Il n’y a aucune limite légale. En pratique, vous devrez naturellement veiller à vous garder une poire pour la soif, afin de faire face à vos dépenses, prévues ou non. Car le principe de base de la donation est: donné, c’est donné. Vous n’avez donc plus aucune prise sur ce dont vous vous êtes défait.

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La terminologie des successions

Au jour du décès, le patrimoine du défunt est reconstitué comme s’il n’y avait jamais eu de donations. Sur cette base, on calcule la part minimale d’héritage des enfants et du conjoint, appelée aussi réserve ou part réservataire.

La réserve des enfants doit être répartie entre eux de manière égale. À cet effet, on applique les règles du rapport: la prise en compte ou l’imputation des donations entre les héritiers qui ont droit à une part égale de la succession.

La quotité disponible de la succession est ce qui reste après l’attribution de la réserve. Autrement dit, c’est la partie de vos biens dont vous pouvez disposer librement: vous pouvez donner cette quotité à qui bon vous semble. Toutefois, s’il apparaît à votre décès que vous avez été trop généreux et que vous avez donné plus que la quotité disponible, le bénéficiaire peut subir une réduction: les donations faites sont alors annulées avec effet rétroactif. Un héritier peut en effet réclamer les biens donnés ou légués en méconnaissance de sa part légitime.

Le jour de votre décès, on va cependant examiner si vous n’avez pas été trop généreux de votre vivant. Comme tout ce que vous avez donné a disparu de votre patrimoine, vos héritiers ne peuvent en effet plus en hériter. Et le législateur estime que certains héritiers, plus précisément votre conjoint et vos enfants, ont toujours droit à une part minimum de votre succession. Cette part minimale est ce qu’on appelle la "réserve".

"Pour fixer la part minimale d’héritage, on part du patrimoine total du défunt. En d’autres termes, le point de départ est la situation où aucune donation n’a encore été faite, poursuit Alain Verbeke. Si l’on ne tenait pas compte de tout ce qui a été donné auparavant, l’objectif même de la part d’héritage minimale perdrait en effet tout son sens."

Comment vérifie-t-on si la part minimale est intacte?

Cela se fait en trois étapes:

  1. On examine ce qui se trouve dans le patrimoine au jour du décès.
  2. On en déduit les dettes existantes.
  3. On vérifie quelles donations ont été faites.
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Quelles donations doivent être rapportées?

Il arrive que des donations doivent être "rapportées" dans la succession. Le rapport est la prise en compte ou l’imputation de donations entre héritiers qui ont droit à une part égale de la succession.

Actuellement, toutes les donations faites à de futurs héritiers entrent en ligne de compte pour le rapport. Peu importe qu’elles aient été faites aux enfants, à un frère, une sœur ou un neveu… pour autant qu’il s’agisse d’héritiers légaux, c’est-à-dire les personnes qui héritent en l’absence d’un testament. C’est le cas d’un frère ou d’une sœur si le défunt n’a pas d’enfant et d’un neveu ou d’une nièce si l’on n’a plus ni frère ni sœur.

La loi part du principe que celui qui donne à un héritier le fait comme une avance sur héritage. Cet héritier reçoit certes un bien ou une somme d’argent avant les autres, mais l’intention du donateur défunt n’est pas de donner plus à cet héritier qu’aux autres.

Nouveau

Le nouveau droit successoral modifie cette règle.

• À partir du 1er septembre 2018, seuls les descendants devront rapporter leurs donations. Il s’agit en premier lieu des enfants, mais aussi, le cas échéant, des petits-enfants. La loi part toujours du principe que vous voulez traiter vos enfants sur un pied d’égalité, même si vous avez donné un coup de pouce à l’un d’entre eux de votre vivant. Si vous avez malgré tout l’intention de favoriser un enfant, vous devez préciser que vous faites une donation “hors part d’héritage.”

• Les autres héritiers, comme le conjoint, les frères et sœurs et les autres membres de la famille, ne devront plus rapporter leurs donations. Dans leur cas, le nouveau droit successoral suppose que vous aviez bien l’intention de donner ce supplément à cet héritier. Si telle n’est pas votre intention, vous devrez préciser au moment de la donation que celle-ci devra malgré tout être rapportée.

Comment rapporter une donation?

"Le nouveau droit successoral simplifie drastiquement la façon de faire", explique Hélène Casman de Greenille by Laga.

→ Actuellement

Ce que vous devez rapporter dépend du type de bien donné.

• Les biens mobiliers doivent être rapportés en valeur, plus particulièrement à la valeur qu’ils avaient à la date de la donation.

Exemple

Il y a 10 ans, Stéphane a reçu la somme de 100.000 euros de son père. Celui-ci est aujourd’hui décédé. Stéphane doit à présent rapporter un montant de 100.000 euros. Son frère Pierre, lui, a reçu une œuvre d’art il y a 10 ans. Comme le rapport doit se faire en valeur, il ne doit pas rapporter cette œuvre d’art telle quelle, mais bien sa valeur au moment de la donation et pas au moment du décès de son père.

• Les biens immobiliers doivent être rapportés en nature, ce qui veut dire qu’un immeuble doit être rapporté tel qu’il est au moment du décès.

Exemple

Il y a 20 ans, Marie-France a reçu un vieil appartement mansardé, qu’elle a complètement rénové pour en faire un luxueux penthouse. Vu que les biens immobiliers doivent être rapportés en nature, c’est son penthouse qu’elle devra donc rapporter. Elle aura certes droit à une indemnisation pour les travaux d’amélioration effectués, mais ce n’est évidemment qu’une maigre consolation face à l’obligation de rapporter l’appartement lui-même.

À partir du 1er septembre 2018

Il y aura une seule règle uniforme, quelle que soit la nature du bien donné.

À partir du mois de septembre prochain, il n’y aura plus qu’une seule règle, quel que soit le type de bien donné: le rapport se fera toujours en valeur, plus précisément à la valeur au jour de la donation"Ce n’est plus ce que vous avez donné qui comptera, mais quand vous l’avez donné", précise Hélène Casman. Toutefois, comme recevoir un bien à l’avance est considéré comme un avantage, la valeur de celui-ci sera indexée au jour du décès. Cette indexation se fera sur la base de l’inflation et vaudra donc aussi bien pour les biens mobiliers que pour les biens immobiliers donnés.

Attention!

Il y a une exception de taille à cette indexation à partir du jour de la donation. "La règle de l’indexation se fonde sur l’idée que le donataire est lui-même responsable de ce qui a été donné", indique Hélène Casman. Par conséquent, l’indexation ne commence à courir qu’à partir du jour où il a la pleine maîtrise du bien. Ce qui n’est donc pas le cas lorsque des parents donnent un immeuble à leurs enfants sous réserve d’usufruit.

Guide Succession

Préparez-vous au nouveau droit successoral

Le 'Guide Succession' est paru le 25/11. Cliquez ici pour le lire au format PDF.

En conclusion, c’est surtout pour les biens immobiliers que la nouvelle règle introduit une sacrée différence. Non seulement ils ne doivent plus être rapportés en nature, mais en outre, on ne prendra plus en considération la valeur au jour du décès. "On ne regardera plus que le montant dont le donateur s’est appauvri, explique Hélène Casman. L’augmentation ou la diminution de valeur depuis la donation est pour le compte du donataire. Ce qu’il fait avec les biens donnés relève donc entièrement de sa responsabilité." Concrètement, si la valeur du bien a doublé ou a été divisée par deux, le profit ou la perte revient intégralement au donataire.

S’il vend par exemple l’immeuble et investit avantageusement dans autre chose, il peut sans problème en tirer les bénéfices sans devoir assumer quoi que ce soit vis-à-vis de ses frères et sœurs. Mais il supportera aussi seul toute perte, même si les fluctuations de valeur sont indépendantes de sa volonté, par exemple une modification du plan d’urbanisme ou la construction de routes dans le voisinage.

À noter que ces nouvelles règles valent aussi bien pour le rapport (visant un partage égal entre les enfants) que pour la réduction (visant le respect de la réserve des enfants).

En pratique | Comment fixer la valeur d’une donation?

Pour déterminer la valeur d’une donation, on part de la valeur intrinsèque, soit la valeur qui dépend des caractéristiques essentielles du bien donné, même si elles ne sont pas connues ou ont été incorrectement estimées à ce moment. "En principe, c’est la valeur telle que le donateur et le donataire l’ont fixée dans l’acte de donation, précise Hélène Casman, de Greenille by Laga. Sauf si la valeur mentionnée est manifestement inexacte ou déraisonnable."

Exemple

Viviane a reçu un terrain de sa grand-mère. Le jour où celle-ci décède, il apparaît que ce terrain était déjà pollué au jour de la donation. Mais personne ne le savait à l’époque. La valeur prise en compte est donc celle du terrain pollué.

Par contre, si la pollution a eu lieu après la donation, c’est la valeur du terrain avant la pollution qui doit être prise en compte, puisque la pollution n’était pas encore présente au moment de la donation.

En l’absence d’un acte authentique, par exemple parce que la donation a été faite par virement bancaire, il faut prendre la valeur intrinsèque qui ressort des documents établis. Il peut s’agir d’extraits de banque, mais aussi de la composition d’un portefeuille-titres.

Conseil

Verrouillez la valeur d’une donation!

Si vous voulez éviter toute discussion sur la valeur d’un bien donné, verrouillez-la au moyen d’un pacte successoral ponctuel. Chaque héritier qui signe ce pacte est dès lors lié par cette valeur. Des travaux parlementaires en préparation de la nouvelle loi, il ressort que le législateur espère que les donateurs conlueront effectivement de tels pactes successoraux avec leurs héritiers.

En pratique | Donner avec réserve d’usufruit à partir du 1er septembre 2018

  • Hypothèse 1: Vous avez reçu une donation d’un de vos parents

Vous avez reçu une donation d’un de vos parents qui laisse à son décès un conjoint? Jusqu’à présent, une telle donation entraînait l’obligation au décès du parent donateur de, soit subir l’usufruit du conjoint survivant sur les biens donnés, soit payer une rente viagère au conjoint survivant.

À l’avenir, il ne sera plus question de rente viagère. L’usufruit quant à lui, reste possible, mais plus sur tous les biens qui ont été donnés. Deux conditions doivent en effet être remplies pour que le conjoint survivant ait droit à un usufruit:

  1. Le parent donateur doit lui-même s’être réservé l’usufruit du bien lors de la donation.
  2. Le parent donateur devait déjà être marié avec le conjoint en question au moment de la donation.

Exemple Jeanne a reçu des donations de son père après le divorce de ce dernier. Même s’il a fait une réserve d’usufruit sur cette donation et qu’il s’est remarié, la nouvelle épouse ne pourra pas exiger cet usufruit.

En revanche, si son père avait fait cette donation après son remariage et qu’il a maintenu cet usufruit, sa nouvelle épouse pourra exiger cet usufruit. Sauf si elle y a renoncé dans l’acte de donation ou ultérieurement.

  • Hypothèse 2: Vous avez reçu une donation de votre partenaire cohabitant légal

Le nouveau droit successoral prévoit le maintien de l’usufruit pour le/la partenaire cohabitant(e) légal(e). Celui-ci est toutefois limité à la maison familiale qui a été donnée avec réserve d’usufruit. Il faut en outre que la donation ait été effectuée pendant la cohabitation légale. Le cohabitant légal survivant n’a jamais le droit légal à l’usufruit sur un bien autre que la maison familiale (et les meubles qui s’y trouvent).

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