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Quelles données le fisc a-t-il en sa possession?

L'exploitation des données informatiques par l'administration fiscale ("datamining") ne doit servir, en principe, qu'à traiter des données collectives et anonymes. Mais jusqu'à quand?
©Photo News

(mon argent) - Le 1er juillet prochain, le secret bancaire connaîtra un nouveau coup de boutoir, avec l’entrée en vigueur d’une législation facilitant l’accès du fisc à nos comptes en banque. Ce sera le cas lors de soupçon de fraude, mais aussi pour déterminer la base imposable en cas de ‘signe extérieur de richesse’ (taxation indiciaire)... De là à renforcer l’idée selon laquelle le fisc belge se mue de plus en plus en ‘Big Brother’ de notre patrimoine, il n’y a qu’un pas.

Data mining, source de données pertinentes

Fantasme ou réalité? Si, pour des raisons budgétaires, la décision politique devait être prise un jour d’instaurer un impôt sur la fortune – ou de revoir la fiscalité en tenant davantage compte du patrimoine de chacun -, celle-ci devrait en tout cas s’appuyer sur des éléments concrets. Dans ce contexte, le développement du " datamining " par l’administration fiscale interpelle.

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Cette technique, qui s’appuie sur les outils informatiques, consiste à extraire, d’une masse de données brutes, une information significative. Ce processus s’avère une aide précieuse dans bien des domaines, économiques, scientifiques …et fiscaux. Car le fisc dispose de très nombreux fichiers, classables en deux catégories : les données signalétiques, qui reprennent nombre de renseignements (état civil, sécurité sociale, TVA, etc.), et les données déclaratives, qui émanent des contribuables, privés ou entreprises.

Rien que dans le cadre du datamining relatif à la TVA, par exemple, l'Administration générale de la Fiscalité utilise actuellement la signalétique (numéro TVA, nom, adresse...), les déclarations TVA, les listings clients, les listings d’opérations sortantes, le VIES (validation du numéro de TVA pour les opérations belges), le compte courant TVA, les ordres de recouvrements (contrôles productifs) et les bulletins d'informations sur les contrôles improductifs… Excusez du peu.

Anonymat garanti

Pas de raison de s’en faire, a priori. Le porte-parole de l’administration fiscale nous rappelle à ce propos, avec insistance, que "le "datamining" a pour objectif essentiel de cerner la réalité objective d’une situation. En théorie, toutes les données informatiques peuvent être croisées, mais cela se fait toujours de manière strictement anonyme. Il n’y a jamais aucune identification individuelle."

De plus, il existe en Belgique une loi de 1992 sur la protection de la vie privée, qui encadre l’utilisation des données à caractère personnel. Sa modernisation est cependant en rade suite à l’absence de gouvernement.

Il n’empêche que la multiplication des fichiers commence à poser question. Un exemple anecdotique, mais symbolique: l’obligation de désormais enregistrer tout bail à loyer permet à l‘administration fiscale de connaître le loyer réellement perçu par un bailleur, alors que celui-ci n’est toujours tenu de déclarer que le revenu cadastral. "Mauvais exemple", rétorque-t-on au cabinet de Bernard Clerfayt, secrétaire d’Etat à la lutte contre la fraude fiscale. "L’objectif est de renforcer la protection juridique, pas de dresser l’état des revenus des contribuables. Ce serait d’ailleurs illégal. Cela entrainerait la nullité des ‘poursuites’ et nous aurions de plus perdu la confiance des citoyens."

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Pensions : exemple frappant

Soit. Prenons alors un autre exemple : celui du cadastre des pensions complémentaires mis en place il y a quelques années. Une analyse menée par l’Université de Louvain (KUL; Atlas des Pensions 2010) a ainsi, pour la première fois, croisé les données des pensions légales (1er pilier) et complémentaires (2è pilier). Le directeur général Appui stratégique du SPF Sécurité sociale, commanditaire de cette étude par ailleurs remarquable, s’est félicité d’enfin disposer d’une "image fiable des pensions des premier et deuxième piliers ainsi que de leur répartition au sein de la population." Avant d’ajouter: "C’est sur la base de ces informations que doit être repensée la politique à suivre dans le domaine des pensions et qu’il devient possible de prendre les décisions les mieux adaptées."

Oui, mais lesquelles? Relever les petites pensions? Ou rogner celles de ceux qui ont du patrimoine par ailleurs? Cette analyse des données a en effet permis de calculer pour la première fois le montant des pensions perçues par un même ménage. Un certain nombre de femmes aux retraites minuscules – car elles n’avaient travaillé que peu d’années avant de devenir ‘femmes au foyer’ – vivent en fait dans un ménage aux revenus "acceptables" en raison des pensions du conjoint…

Moment charnière

Si le datamining mis au service de la chasse à la fraude fiscale ne doit émouvoir que ceux qui la pratiquent, l’établissement progressif d’un cadastre patrimonial pose donc bel et bien question en l’absence d’un cadre politique clair. "Nous sommes à un moment charnière", confirme Jean-Pierre Bours, avocat fiscaliste et professeur à l’université de Liège." D’une part, l’administration fiscale possède de plus en plus de possibilités d’investigation pour cerner la réalité patrimoniale de chaque citoyen. Elle peut constituer des banques de données internes et elle ne s’en prive pas, comme le prouve le cadastre des pensons complémentaires, fichier qui n’est pas accessible au particulier. D’autre part, il existe un droit à la protection de la vie privée, qui interdit à l’administration de consulter des banques de données externes...".

Un conflit d’intérêts qui fait vaciller les principes. Et Jean-Pierre Bours de citer un exemple qui en dit long: "Il y a quelques années, le fisc a voulu obtenir les fichiers clients des grands magasins, afin de vérifier si certains montants de dépenses ne permettaient pas de déceler des trains de vie anormaux au vu des déclarations fiscales. Le fisc n’a pas obtenu gain de cause. Mais il avait essayé…"

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