Enfants d’expatriés employés par de grosses multinationales, jeune descendance de familles belges fortunées, fils d’ambassadeurs, filles de CEO… Cachés derrière leur uniforme gris et vert dans la cour de l’école privée super huppée St. John’s, à l’entrée de Waterloo, les enfants jouent au ballon, glissent sur des toboggans, les fillettes jouent à la corde à sauter et les petits crient en cherchant à s’attraper. Vous direz sûrement, "comme dans une école normale, non?". Oui, de fait. À une différence près, et de taille: le montant démentiel des frais d’inscription.
Hors frais d’entrée uniques de 1.500 euros, les parents – ou très souvent leur employeur qui les a expatriés en Belgique — déboursent 10.500 euros pour une année scolaire chez les Timbertots (entre 2 ans et demi et 3 ans). Et chaque année, c’est un peu plus cher. En troisième maternelle, c’est déjà le double. En sixième primaire, 28.750 euros. Pour terminer par des frais annuels de 32.250 euros lors des trois dernières années d’humanités… ou de "high school" pour être précis. Car ici, on étudie, on apprend, on joue et on chahute en anglais.
C’est le principe d’une école internationale. Les élèves viennent de partout. D’abord des Etats-Unis (près d’un élève sur cinq) et ensuite de Belgique (15% des inscrits). Suivent ensuite le Royaume-Uni, la Norvège, la France, l’Espagne, l’Allemagne, la Suède, l’Italie et la Corée du Sud. "Au total, 57 nationalités sont représentées", nous explique une responsable de l’établissement. Tout petits déjà, les enfants sont donc baignés dans un environnement international. Les cours se donnent en anglais, ou en anglais et en français pour ceux qui choisissent l’enseignement bilingue. Les petits qui débarquent en maternelles sans parler un mot d’anglais, sont, paraît-il, tous capables de tenir une conversation à Noël.
L’école "all-in"
Maintenant que l’on connaît le prix d’une année à St. John’s, on peut légitimement se demander en quoi elle diffère d’une école classique. Naturellement, cet établissement 100% privé, qui affiche un taux de réussite de 94% au baccalauréat international, ne reçoit pas le moindre subside. Il doit pourtant payer environ 150 membres de staff, dont une centaine de professeurs anglophones, de musique, d’art, au minimum bilingues. Ajoutons des infirmières, un psychologue, des coaches sportifs, du personnel d’entretien et le personnel administratif pour encadrer les 750 élèves. "Compte tenu du coût du travail en Belgique, cela représente 80% de nos dépenses", poursuit-elle.
Et puis il y a la qualité des infrastructures… Ici, le bâtiment consacré à la musique et au théâtre, avec une vraie salle de spectacle qui peut accueillir 400 spectateurs. Plus loin, le bâtiment des sports, avec son lounge – fauteuils design, écrans plats et feu de cheminée en hiver — où les parents se réunissent pour soutenir les Lions de St. John’s, lorsqu’ils disputent des compétitions de football, d’athlétisme, de cross-country ou encore de base-ball. Il n’est d’ailleurs pas rare que les élèves partent à l’étranger disputer des matches contre d’autres écoles internationales en Allemagne, aux Pays-Bas, en France, en Angleterre ou encore en Egypte.
Le sport tient une place très importante dans la scolarité à St. John’s, tout comme le développement des aptitudes artistiques. Dans la salle d’exposition du bâtiment des arts, on se croirait presque dans un musée… L’éducation vise à développer le potentiel de chacun dans ses domaines de prédilection, tout en ne faisant aucun compromis sur la réussite académique. L’école est fière d’annoncer un score moyen de 33 sur 45 au baccalauréat international en 2014, soit une moyenne de 73 sur 100. La moyenne globale pour cet examen se situe à 29.
"Non, les élèves ne vont pas en avion à Verbier pour leur semaine de ski!"
Par ailleurs, les frais annuels couvrent les voyages scolaires. Chaque année, les classes de primaire partent à la campagne, à la mer ou au ski. En avion à Verbier? Raté. "Ils partent en car pour des destinations classiques!", nous explique la responsable.
Mais les tout petits élèves ne sont pas oubliés. Entre deux ans et demi et six ans, ils vont en classe dans un bâtiment complètement séparé, dans lequel ils sont réellement cocoonés. Ils ont une plaine de jeux, des balançoires, un poulailler dans lequel ils ramassent des œufs, un potager dans lequel ils cultivent divers légumes… À l’intérieur, les classes de maternelles ressemblent à des classes classiques, si ce n’est que les petits sont baignés dans la technologie dès la deuxième maternelle. Un grand tableau tactile trône dans chaque classe, et les jeunes élèves le maîtrisent parfaitement. Ce système est utilisé dans les niveaux supérieurs. En sixième primaire, chaque élève reçoit un lap top.
Et puis, il y a ces petits plus. Avec un supplément annuel de 2.860 euros, luxe suprême: le bus scolaire vient chercher les enfants chez eux, et les ramène également à domicile.
À la cantine aussi, la barre est placée plutôt haut. Pour 5,2 euros supplémentaires par jour, le repas servi aux élèves de primaire – pavé de saumon, riz et petits légumes le jour où nous avons visité l’école – est plutôt alléchant. Dès le passage en "middle school" (notre sixième primaire), les élèves ont le choix. Sandwiches, plats chauds, buffets de salade, plats végétariens, boissons bio… on se croirait dans un resto de lunch healthy! St. John’s a banni le cash. Les élèves paient par carte bancaire ou par carte magnétique de l’école, la note étant envoyée à la fin du mois aux parents.
Networking
Les cours ont lieu tous les jours de 8h30 à 15h30. Mais les élèves rentrent rarement chez eux tout de suite. "Ils se sentent si bien ici, explique notre guide. Il y a toujours quelque chose qui se passe après les cours. Un match, un spectacle, une activité…". Il ne faut pas oublier que les Belges ne représentent que 15% des élèves. Les autres sont expatriés. Alors, pour eux – et pour leurs parents –, l’école est une vraie communauté dans laquelle ils aiment se retrouver. Les parents en profitent pour étoffer leur réseau professionnel, tandis que les enfants commencent très jeunes à tisser le leur.
Les départs d’anciens élèves et les arrivées de nouveaux sont en effet très fréquents, alors qu’ils changent de pays au gré des mutations professionnelles de leurs parents. Clairement privilégiés, les élèves partent avec les meilleures chances pour leurs études et leur vie professionnelle futures. Mais à St. John’s, il doit y en avoir une tonne, des cœurs brisés en amitié…
L’argent, on ne parle que de ça. Il est au cœur de l’actualité économique et financière, forcément, mais aussi des débats politiques, des scandales sportifs ou des conversations aux librairies-tabac. C’est un sujet qui fascine ou qui dégoûte mais qui laisse rarement indifférent.
La série de reportages candidement intitulée "Dans la peau d’un millionnaire" n’a d’autre ambition que de s’amuser à comparer nos trains de vie, par le petit bout de la lorgnette. Non dans l’intimité des "riches" mais en choisissant délibérément de plonger dans ces clichés qui sont censés nous en éloigner.
Cliquez ici pour consulter notre dossier.
[Suivez Isabelle Dykmans sur Twitter en cliquant ici]