Pas loin de 150.000 ménages wallons ont installé des panneaux photovoltaïques sur leur toit. La Cwape, le régulateur wallon du secteur énergétique, a prévu de leur faire payer, à partir du 1er janvier 2020, des frais de réseau sur tous les kilowattheures qu’ils prélèvent réellement – c’est le fameux tarif prosumer, ces consommateurs qui sont aussi producteurs d’électricité. Actuellement, avec le principe du compteur qui tourne à l’envers, les prosumers ne paient que si au bout de l’année, ils ont consommé davantage d’électricité qu’ils n’en ont produit.
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"En décidant de cette exonération, Jean-Luc Crucke tente donc la pacification dans un dossier empoisonné, une pacification sans doute nécessaire pour continuer à développer les renouvelables."
Mais coup de théâtre: le ministre wallon de l’Energie, Jean-Luc Crucke (MR), a décidé d’exonérer les installations existantes. Le dossier est passé lundi en intercabinet, et il sera soumis jeudi au gouvernement wallon, apprend L’Echo à bonnes sources. "Nous proposons effectivement d’exonérer toutes les installations existantes jusqu’à la fin de leur durée de vie. Seules les nouvelles installations, entrées en service à partir du 1er juillet 2019, seront soumises à ce tarif prosumer", confirme le ministre face à cette fuite.
À noter que si on parle essentiellement des propriétaires de panneaux photovoltaïques, d’autres petites installations éoliennes, hydrauliques ou de cogénération peuvent être concernées.
Eviter les effets rétroactifs
Mais pourquoi cette exonération, alors que la Cwape considère précisément que faire contribuer tous les consommateurs aux frais de réseau est une question d’équité? "Je n’ai jamais aimé les effets rétroactifs, répond Jean-Luc Crucke. Je veux éviter de prendre en défaut ceux qui ont installé leurs panneaux en calculant un taux de rentabilité qui serait mis à mal par un tarif qui n’était pas prévu. Il faut être de bon compte vis-à-vis des prosumers, qui ont investi dans des systèmes qui permettent de lutter contre les changements climatiques. Je ne veux pas qu’ils soient tentés de se déconnecter du réseau ou de débrancher leur installation. Pour les nouvelles installations, c’est différent: il n’y aura pas d’effet de surprise."
"Je prends mes responsabilités, et l’ensemble du gouvernement prend ses responsabilités. Le cdH comme le MR sont sur la même longueur d’ondes. C’est clairement une position politique."
C’est le précédent gouvernement wallon qui avait ouvert la porte à ce tarif prosumer dans le décret sur la méthodologie tarifaire. Une possibilité que la Cwape avait décidé d’utiliser, à partir du 1er janvier 2020. Et la cour d’appel a récemment avalisé le système, à condition que les prosumers puissent réellement choisir entre un tarif forfaitaire et l’installation d’un compteur double flux qui mesure les kilowattheures prélevés sur le réseau.
Selon les estimations du régulateur, on parle d’une contribution de 334 à 447 euros par an pour une installation de 5 kWe, selon le gestionnaire de réseau. Exonérer près de 150.000 prosumers signifierait donc, à la louche, 50 à 60 millions d’euros de recettes tarifaires en moins à partir de 2020. Des recettes qui devaient permettre de réduire les coûts de distribution des autres utilisateurs de 6 à 12%, selon l’endroit où ils habitent.
Une logique que le ministre réfute. "On parle de recettes qui n’existent pas aujourd’hui. Et si on veut discuter de coûts, de charges et d’économies dans les réseaux, ma porte est toujours ouverte: j’avais proposé une fusion des deux principaux gestionnaires de réseau, qui aurait pu permettre 100 millions d’euros d’économies, et qui n’a pas été retenue."
Le régulateur refuse de réagir à l’information tant qu’elle n’est pas officielle. Mais il est vraisemblable qu’il va défendre son tarif prosumer. Et il n’est pas exclu qu’il introduise un recours pour atteinte à ses compétences tarifaires. "Je prends mes responsabilités, et l’ensemble du gouvernement prend ses responsabilités. Le cdH comme le MR sont sur la même longueur d’ondes. C’est clairement une position politique", répond Jean-Luc Crucke quand on l’interroge sur ce potentiel conflit de compétences.