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L'Europe menace à nouveau le compte d'épargne belge

La Commission européenne estime que les règles du livret enfreignent toujours le droit européen. Plusieurs contribuables ont déposé plainte. La Cour européenne de justice a, quant à elle, été saisie par un tribunal belge.
©Photo News

Moins de trois ans après sa condamnation par la Cour européenne de justice (CEJ), la réglementation des comptes d’épargne belges se retrouve à nouveau sur le banc des accusés. D’après nos informations, plusieurs contribuables belges titulaires de comptes d’épargne dans des banques étrangères ont introduit des plaintes auprès de la Commission européenne.

L’exécutif européen a diligenté une procédure informelle qui s’est soldée, en octobre dernier, par un avis négatif cinglant à l’encontre de l’État belge. À ce jour, la Commission n’a pas encore démarré de procédure formelle contre la Belgique. Mais entre-temps, la Cour européenne de justice a été saisie du dossier.

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1. État déjà condamné en 2013

Le tribunal de première instance de Bruges a adressé une question préjudicielle à la haute juridiction européenne pour savoir si la réglementation belge, telle que modifiée en 2014, ne restait pas en infraction au regard des principes européens de libre prestation des services et de libre circulation des capitaux.

L’État belge avait déjà été condamné pour cette raison en 2013. À l’époque, la législation belge prévoyait que seuls les dépôts d’épargne auprès de banques belges donnaient droit à une exonération de précompte mobilier (sur les intérêts allant jusqu’à 1.880 euros par contribuable), ainsi qu’à un précompte mobilier réduit (à 15%) sur les intérêts dépassant ce seuil.

La CEJ avait considéré que ce régime fiscal de faveur constituait une entrave à la libre prestation de services parce que les banques basées dans d’autres pays européens que la Belgique ne pouvaient pas proposer des livrets d’épargne offrant les mêmes avantages fiscaux aux Belges.

En réponse à cette condamnation, l’État belge avait adopté, en 2014, une loi modificative. Depuis lors, les dépôts d’épargne auprès de banques étrangères basées dans l’Union européenne donnent eux aussi droit à une exonération de précompte mobilier, pour autant qu’ils respectent des conditions analogues à celles applicables aux livrets belges.

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Le problème, c’est que les conditions auxquelles les comptes d’épargne doivent répondre sont nombreuses et strictes, ce qui fait qu’en pratique, aucune banque étrangère n’est en mesure de proposer aux Belges des livrets donnant droit à l’exonération et au précompte réduit. La Commission s’en est émue.

2. La Commission mécontente

Dès l’automne 2014, l’exécutif européen a démarré une procédure informelle à l’encontre de la Belgique, avons-nous appris auprès du service public fédéral des Finances.

Cette procédure a abouti, en octobre dernier, à cet avis négatif de la Commission européenne: "Les services de la Commission ne peuvent pas accepter la réponse des autorités belges. Les critères auxquels doivent répondre les dépôts d’épargne reçus par les établissements de crédit établis dans d’autres États membres de l’Union européenne afin de bénéficier de l’exonération sont tels qu’aucun dépôt d’épargne étranger ne peut les satisfaire. Ainsi, seuls les revenus provenant des dépôts d’épargne réglementés belges bénéficient de l’exonération précitée. Cette restriction n’est pas justifiée par une raison d’intérêt général."

À ce stade, la Commission n’a pas poursuivi ses investigations à l’encontre de la Belgique. "Il n’y a pas, jusqu’à présent, de procédure formelle qui ait été démarrée par la Commission", dit la porte-parole du SPF Finances.

"Les critères auxquels doivent répondre les dépôts d’épargne afin de bénéficier de l’exonéra-tion sont tels qu’aucun compte d’épargne étranger ne peut les satisfaire."

Commission européenne
Avis négatif du 9 octobre 2015

3. La justice européenne saisie

Mais de toute façon, l’exécutif européen n’aura peut-être pas à agir lui-même. Car à la lecture d’une édition récente du Journal officiel de l’Union européenne, qui est l’équivalent du Moniteur belge mais à l’échelon européen, on apprend que le tribunal de première instance de Bruges a adressé une question préjudicielle à ce sujet à la Cour européenne de justice (CEJ).

"Le Code des impôts sur les revenus, tel que modifié par la loi de 2014, enfreint-il" encore les règles de libre prestation des services et de libre circulation des capitaux, demande le tribunal brugeois, "en ce que cette disposition critiquée requiert de remplir des conditions analogues à celles qui sont de facto propres au marché belge, en sorte que les fournisseurs de services de l’étranger sont sérieusement entravés dans l’offre de leurs services en Belgique?"

Autrement dit, la CEJ doit examiner si la modification légale belge de 2014 ne laisse pas subsister la discrimination à l’égard des banques étrangères, situation qui enfreindrait de fait le droit européen.

4. Vers la fin de l’exonération?

Voilà donc le livret à nouveau devant les juges européens. D’après les juristes que nous avons consultés, il y a peu de chances que l’État belge échappe à une nouvelle condamnation car la CEJ tient compte non seulement de la législation mais aussi de la situation de fait qui s’impose aux acteurs économiques. Or, la discrimination à l’égard des banques étrangères semble toujours bien présente…

Si l’Europe recale à nouveau la réglementation des comptes d’épargne belges, quelle sera la réponse du gouvernement? Toujours d’après les juristes, la suppression de l’exonération de précompte mobilier serait la solution la plus évidente. Mais le gouvernement fédéral s’y risquera-t-il? En attendant, l’avenir des comptes d’épargne se retrouve à nouveau dans la plus grande incertitude.

©VINCE

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