Tout comme les fonds de placement du côté bancaire, les produits de branche 23 ont le vent en poupe en ce moment chez les assureurs. Et pour cause: avec un rendement garanti qui ne dépasse pas celui des carnets d’épargne, les produits de branche 21 font pâle figure face aux bonds engrangés par les actifs risqués. Et ils font naturellement les frais de la situation.
Chez Axa , les ventes de produits de branche 23 (Oxylife Invest) "ont bondi de 60% au cours des quatre premiers mois de 2015 par rapport à la même période de 2014", explique Vincent Joye, porte-parole, alors que "ceux de branche 21 (Oxylife Secure) ont baissé d’autant sur la même période, au sein de ce que nous appelons officieusement la branche 44 (21 +23)"
"On voit clairement un déplacement de la branche 21 vers la branche 23."
Pour faire face à un environnement de taux inédit, l’assureur a en effet revu sa stratégie et son offre. Résultat: il vend de plus en plus ses produits sous la forme mixte branche 21/23 (pour protéger en partie le capital et quand même bénéficier de taux plus élevés), le client pouvant ajuster les proportions en fonction de son aversion au risque.
Ces quatre derniers mois, la branche 23 s’est accaparée 80% des volumes contre 20% à la branche 21, détaille le porte-parole, rappelant à titre indicatif que, pour 2014, un contrat "21 + 23" réparti à 50/50 a rapporté 3,72% (après 2,95% en 2013).
Chez Belfius aussi, "on voit clairement un déplacement de la branche 21 vers la branche 23 ou 44", constate la porte-parole Ulrike Pommée. En 2014 déjà, les encours de la branche 23 signaient une hausse de 20% tandis que la branche 21 baissait parallèlement de 2,7%.
Le bancassureur ne donne pas de chiffres pour les premiers mois de 2015 mais admet qu’il "ne vend quasi plus de branche 21, sauf éventuellement par virements périodiques ou dans le cadre d’une épargne-pension". Le phénomène "se prolonge cette année" et "devrait même probablement s’accélérer puisque les taux sont encore plus bas". Le groupe, qui avait été le premier à lancer le concept de "branche 44" en 2013, ne donne pas non plus de distinction entre branche 23 et "branche 44" mais cette dernière "marche bien", assure simplement sa porte-parole.
Assurance-vie: tant la branche 21 que la branche 23 sont des produits d’assurance-vie, c’est-à-dire qu’ils associent un placement à une assurance contre un risque (la vie de son souscripteur et/ou son décès, au bénéfice des ayants droit qu’il désigne)
Branche 21 (ou assurance-épargne): elle implique un capital garanti (concrètement, les assureurs placent les primes récoltés dans des produits très sûrs, comme des obligations d’État bien cotés) et un rendement fixe. Ce rendement a été abaissé à plusieurs reprises ces dernières années pour tenir compte de la baisse structurelle des taux. Le rendement (le plus souvent capitalisé) d’un tel placement est actuellement de 1% garanti plus une éventuelle participation bénéficiaire. En cas de faillite de l’assureur, le placement est garanti par un fonds à hauteur de 100.000 euros par personne et par banque.
Branche 23: Plus risquée que la branche 21 car investie dans des actions, la branche 23 ne garantit pas le capital investi en principe, mais elle produit généralement des taux supérieurs, en fonction de l’évolution des marchés financiers. Il existe toutefois des assurances de branche 23 avec garantie de capital: ce sont les produits structurés. Contrairement à la branche 21, la branche 23 n’est pas garantie par le fonds spécial de garantie des dépôts et des assurances sur la vie (à hauteur de 100.000 euros).
Fiscalité: Alors que la constitution d’une assurance-vie de branche 21 utilisée en vue d’assurer sa pension est déductible fiscalement, (940 euros pour une épargne-pension et 2.260 euros pour une épargne à long terme – montants versés en 2015), un contrat de branche 23 est lourdement taxé d’entrée de jeu. Les primes versées sont en effet taxées à hauteur de 2% (en plus des frais d’entrée et de gestion réclamés par l’assureur donc). Le rendement n’est en revanche pas frappé du précompte mobilier, sauf si le capital ou le rendement sont garantis.
Cet engouement pour les actifs plus risqués n’est toutefois pas généralisé. Ainsi chez AG Insurance, le leader du marché, l’encaissement en branche 23 "a tendance à se stabiliser à un volume relativement bas", relève Gerrit Feyaerts, même si "les derniers chiffres montrent une tendance à la hausse".
Au premier trimestre de 2015, ces encaissements ont baissé à 136 millions d’euros contre 138,2 millions au premier trimestre de 2014. Mais les produits garantis ont également baissé sur la même période, à 821,5 millions d’euros contre 940,4 millions un an plus tôt.
"Ce qu’on constate toutefois, c’est un glissement de produits branche 23 avec protection du capital (des produits structurés, NDLR) vers des produits plus à risque. Ces clients se disent que, tant qu’à faire, si on est prêt à prendre du risque, autant y aller carrément". Mais globalement, "on ne croit pas tellement à un phénomène d’appétit croissant pour le risque. Mais plutôt au fait que les clients ne voient pas d’alternatives pour obtenir un rendement jugé suffisant".
Le rendement garanti en branche 21 est toujours de 1% et peut donc être complété par une possibilité de participation bénéficiaire. Un niveau manifestement encore suffisant pour ne pas inciter une bonne partie des clients d’AG Insurance au grand saut dans les actions.
Et puis "il y a une différence entre les canaux de distribution: on voit que la branche 23 progresse dans le réseau bancaire mais parmi les courtiers, pas tellement. Cela dépend un peu de la stimulation qui vient de la direction aussi… Mais le résultat est que les deux mouvements s’annulent".
L’encaissement des produits garantis avait encore légèrement progressé chez AG Insurance en 2014, à 3,55 milliards d’euros. Mais les ventes de produits en unités de compte (branche 23) avaient déjà baissé de 27%, à 410 millions d’euros, "en raison d’un intérêt moins marqué pour ce type de produits".
Enfin KBC note qu’au premier trimestre 2015, "la vente en branche 23 reste plus ou moins sur le même niveau qu’au quatrième trimestre" mais "est en légère hausse par rapport au premier trimestre 2014". D’un trimestre à l’autre, la branche 23 a gagné 4% et la branche 21 a perdu 9% mais il s’agit d’un effet saisonnier habituel. Sur 397 millions d’euros de ventes d’assurance-vie chez KBC, 62% étaient des produits à taux garantis et 38% en branche 23.