L’investisseur dont le budget n’est pas trop serré aura davantage tendance à se diriger vers un immeuble de rapport composé de plusieurs appartements que vers un bien résidentiel unique. "Les immeubles de rapport sont moins risqués en termes de perte financière. Celle-ci est dissoute en raison du nombre de locataires", explique le conseiller juridique en immobilier, Gilles Tijtgat. Sur ce marché, une nouvelle tendance se dessine clairement: la colocation, ou coliving, où les locataires partagent certains espaces communs.
Le marché est-il intéressant?
→ Offre limitée
Si la demande d’immeubles de rapport est de plus en plus forte, ce type de bien ne court pas les rues. Et l’offre ne fait que se restreindre. "Il y a trop de demande par rapport à l’offre", lance Adrian Devos, cofondateur de Buyerside, une société de conseil en investissement immobilier. "Les personnes physiques propriétaires de biens de rapport ne veulent pas s’en défaire, c’est un marché très comprimé, appuie Nicolas Jacquet, conseiller en investissement immobilier chez OWN. Il est très rare par ailleurs de voir des promotions immobilières de 3 à 4 appartements aujourd’hui", souligne-t-il. Les investisseurs doivent donc trouver leur bonheur parmi les biens existants… une ressource limitée.
"Les immeubles de rapport sont moins risqués en termes de perte financière. Celle-ci est dissoute en raison du nombre de locataires."
→ Prix d’achat élevé
L’investissement de base d’un immeuble de rapport est souvent bien plus élevé que celui d’un appartement. Normal, puisqu’un immeuble de rapport peut abriter deux ou trois appartements, voire un commerce. Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’effort de gestion que devra fournir l’investisseur.
→ La colocation "clé en main"
L’acquéreur qui n’a pas beaucoup de temps à consacrer à la gestion de son immeuble se tournera volontiers vers les biens de "coliving", qui fleurissent un peu partout dans les grandes villes belges. Concrètement, des promoteurs comme IKOAB, COHABS, COLIVE et bien d’autres développent des maisons de cohabitation "clé en main": les locataires partagent les espaces communs et disposent chacun de leur espace privé. L’immeuble est totalement meublé et certains services, comme le nettoyage, sont inclus dans le loyer.
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Comment fonctionne un tel achat? Les investisseurs manifestent leur intérêt auprès de la société de coliving – attention, toutes ne travaillent pas avec des investisseurs – qui trouve pour eux un bien dans lequel investir. "On propose une maison à l’investisseur, puis les plans immobiliers et les plans de rénovation. On s’occupe également de l’aménagement du bien et de la gestion locative. L’investisseur n’a donc rien à faire. On essaie en outre de lui promettre un chômage locatif nul", explique Amaury Michiels, head of business developement chez IKOAB, qui détaille: "Contractuellement, nous garantissons 75% de loyers estimés sur une période de 3 ans." Selon lui, ce type de cohabitation répond à une demande forte dans la capitale, surtout chez les jeunes travailleurs: "Je ne connais pas une seule entreprise de coliving qui ait une chambre libre à Bruxelles. L’habitat partagé est promis à un bel avenir." En contrepartie, l’investisseur se contente de verser une commission à la société de coliving, qui s’élève en général à 10% du montant du loyer par chambre.
"Ces sociétés vous garantissent en moyenne 6% de rendement, voire plus. Mais jusqu’à quand?, s’interroge de son côté le conseiller en investissement immobilier Nicolas Jacquet. Si les réglementations se durcissent, cadrent l’activité et plombent le rendement, il vaut mieux, en tant qu’investisseur, avoir une solution de repli, c’est-à-dire de la location plus standard dans le résidentiel. Un business qui repose sur une incertitude juridique ne peut pas fonctionner, on l’a vu avec Airbnb."
→ Immeuble autonome
Le conseiller immobilier Nicolas Jacquet préfère diriger ses clients vers l’investissement dans un "immeuble autonome", c’est-à-dire un immeuble qui s’autogère avec le cash-flow généré par les revenus locatifs. "Concrètement, les revenus locatifs permettent de payer l’emprunt et les intérêts, mais aussi de créer du cash-flow. Celui-ci sert alors de coussin en cas de travaux à effectuer, ce qui évite de devoir sortir l’argent de sa poche. Il s’agit donc dans un premier temps d’un placement. Une fois l’immeuble payé, les revenus locatifs tombent directement dans l’escarcelle du propriétaire", explique Nicolas Jacquet.
→ Maison unifamiliale transformée
Celui qui a le temps et l’argent peut aussi transformer une maison unifamiliale en immeuble de rapport. Mais il faudra être patient avant d’obtenir un quelconque rendement. "C’est d’autant plus compliqué depuis l’entrée en vigueur du Cobat (Code bruxellois de l’aménagement du territoire, NDLR), prévient Nicolas Jacquet. Cela reste faisable, il y a encore de belles affaires à réaliser, mais il faut avoir du temps devant soi."
Et si l’investisseur n’obtient pas les permis urbanistiques requis, il pourra toujours convertir la maison unifamiliale en colocation et en assurer la gestion lui-même, sans être obligé de passer par une société de coliving.
Adrian Devos constate le succès de ce type d’habitat: "On sent les mentalités évoluer, les gens vont de plus en plus vivre ensemble." Buyerside reconnaît d’ailleurs que beaucoup d’investisseurs achètent des maisons unifamiliales en vue de les louer sous forme de colocations. "Mais il faut faire attention, prévient le conseiller en investissement immobilier, à ce que d’ici 5 ans, il n’y ait pas de bulle ou de suroffre par rapport à la demande. En immobilier, il faut toujours veiller à ce que votre bien puisse avoir plusieurs destinations. La maison unifamiliale peut être utilisée à la fois en coloc’ et par une seule famille. Ce qu’il faut absolument éviter de faire, c’est d’acheter une maison unifamiliale sur la base du rendement en coloc, sinon vous avez un problème le jour où la coloc’ n’est plus populaire. Car avec le loyer que paie une famille, vous n’obtiendrez jamais le même rendement qu’en cas de colocation."
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Quelle fiscalité?
- TVA et droits d’enregistrement - Les ventes de constructions neuves sont majoritairement soumises à la TVA, au taux de 21%. Mais un bien de rapport est très rarement neuf, à l’instar des maisons unifamiliales en ville. En achetant un bien ancien, l’investisseur est donc soumis aux droits d’enregistrement et non pas à la TVA. Leur taux varie selon la Région dans laquelle se situe l’immeuble: 12,5% en Régions wallonne et bruxelloise, 10% en Région flamande. S’agissant d’un investissement et non pas de l’achat de sa première résidence principale, l’acquéreur n’obtiendra pas de taux réduit ou d’abattement fiscal.
- Avantages fiscaux - Dans le cadre d'une seconde résidence, le contribuable peut bénéficier de deux types d'avantages fiscaux:
- Les intérêts payés procurent un avantage fiscal. La déduction ordinaire d’intérêts fédérale permet de déduire intégralement les intérêts payés du revenu immobilier imposable (en l'occurrence, le revenu cadastral multiplié par 1,4 pour les résidences secondaires situées en Belgique). Cette déduction ne se limite pas aux seuls intérêts payés pour l’emprunt qui finance cette seconde résidence, mais aussi aux intérêts liés à d'autres crédits liés à l'habitation (emprunt pour une nouvelle chaudière, par exemple). Cet avantage peut être cumulé avec les avantages accordés par les Régions pour une résidence principale, puisqu'il ne fait pas partie du même panier fiscal que le chèque-habitat wallon et le bientôt disparu bonus logement en Flandre.
- L'avantage fiscal que l'on peut obtenir sur les amortissements de capital dépend de si l'on a encore ou non un emprunt en cours pour sa résidence propre et du moment où cet emprunt a été conclu, puisqu’il ne peut pas être cumulé avec d’autres réductions d’impôts (chèque-habitant, woonbonus) accordées par les Région (sauf dans un nombre de cas limité) car elle fait partie du même panier fiscal. Concrètement, si vous bénéficiez du chèque-habitat wallon pour l'emprunt qui sert à financer votre résidence propre, seul cet avantage subsiste lors de l'achat d'une seconde résidence, la priorité étant toujours donnée aux avantages régionaux. Pour pouvoir prétendre à cet avantage fiscal, il faut également que votre crédit réponde à une série de conditions: l’emprunt court au moins sur 10 ans, il doit être garanti par une inscription hypothécaire, il doit être conclu pour une habitation située dans l’Espace économique européen (EEE) et auprès d’une banque située elle aussi dans cet espace. Les amortissements de capital et la prime éventuelle d’une assurance solde restant dû donnent droit à la réduction d’impôt fédérale pour l’épargne à long terme, soit 30%. Le montant qui procure un avantage fiscal est toutefois limité selon l’année de l’emprunt et vos revenus professionnels.
- Taxation des revenus locatifs - Si les locataires des appartements ou les occupants de la colocation sont des personnes physiques qui occupent l’immeuble à des fins privées, les revenus locatifs sont taxés sur la base du revenu cadastral (RC) indexé de l’immeuble, majoré de 40%. Si un locataire est une personne morale ou une personne physique qui déduit le loyer dans ses frais professionnels, il faut déclarer les loyers perçus, dont le fisc déduira un forfait de 40% au titre de charges.
Si le propriétaire loue ses biens meublés, il doit faire une distinction entre la location de l’immeuble et celle des meubles. Le montant imposable de l’immeuble est égal au RC indexé majoré de 40%. La location des meubles est imposée comme un revenu mobilier au taux de 30%. Le fisc déduira 50% de ce revenu mobilier au titre de frais, si bien que le bailleur ne sera in fine imposé qu’à 15% sur cette partie du revenu.
Dans le cas où l’immeuble de rapport dispose d’un rez commercial, il faut établir une distinction entre la location des appartements (lire ci-dessus) à des fins privées et la location du rez commercial, dont le propriétaire doit déclarer les loyers perçus. C’est le loyer brut qu’il doit inscrire dans sa déclaration fiscale, c’est-à-dire le loyer et les frais que le locataire supporte alors qu’ils devraient normalement être payés par le propriétaire (gros travaux, précompte mobilier). Le propriétaire est dans ce cas imposé sur le loyer brut diminué d’une déduction forfaitaire de 40%. Le montant de la déduction forfaitaire ne peut cependant pas être supérieur à 2/3 du RC non indexé, multipliés par un coefficient fixé en fonction de l’évolution des baux commerciaux.
Attention! Si vous mettez en location plusieurs biens, vous devez veiller à ce que vos revenus locatifs ne soient pas requalifiés par le fisc de revenus professionnels si votre activité immobilière prend un peu trop d'ampleur. Voss opérations immobilières doivent être considérées comme des opérations de gestion normale d’un patrimoine privé pour ne pas être assimilées à une activité professionnelle. Dans le cas contraire, vous serez imposé sur la base de bénéfices ou de profits, et acquerrez la qualité d’indépendant (au moins à titre complémentaire). Vous serez alors soumis aux cotisations de sécurité sociale et aux systèmes de versements anticipés. La base imposable est celle des revenus professionnels nets, après déduction de toutes les charges. Ces revenus seront ajouté aux autres types de revenus soumis au taux progressifs à l’impôt des personnes physiques.
Le résidentiel offre entre 3% et 3,75% de rendement dans le cas de l’immobilier neuf. Pour l’ancien, le rendement est moins comprimé, il varie entre 3,5% et 4,75%. Et dans le cas de biens meublés, le rendement attendu oscille même entre 4,25% et 5%. Si l’investisseur décide d’effectuer des travaux pour optimiser au maximum son immeuble, il pourra s’attendre à ce que son rendement grimpe encore un peu. Dans le cas des colocations, le rendement est plus élevé et varie entre 4,5% et 6%.
Quel type de bail?
Le bail – matière régionalisée depuis 2017 – qui s’applique aux immeubles de rapport est celui d’une résidence principale. Le paiement du précompte immobilier est alors à charge du propriétaire – contrairement aux baux commerciaux – tout comme les gros travaux.
Si l’investisseur est seul propriétaire d’un immeuble de rapport, c’est-à-dire qu’il n’a pas acheté certains des appartements à la découpe, il n’est pas obligé d’avoir un syndic – le syndic est obligatoire dans les copropriétés uniquement. Il peut toutefois, s’il le souhaite, faire appel à un régisseur ou un administrateur de bien qui fait de la gestion locative.
Dans le cas des colocations, le 1er septembre 2018 le bail de colocation est entré en vigueur en Wallonie et à Bruxelles. Il permet désormais à l’un des colocataires de quitter seul le bien, le bail continuant alors sans lui, moyennant certaines conditions. Tous les locataires doivent signer le contrat de bail et entre eux un pacte de colocation pour en régler certains aspects, comme la répartition du loyer, des charges, de la garantie locative, des dégâts, etc.
Avantages
+ On est "maître chez soi": pas de décisions à prendre à plusieurs propriétaires
+ Peu de risques
+ Rendement élevé
Inconvénients
- Prix d’achat élevé, nécessite un plus gros apport en fonds propres
- Difficile à dénicher
- Gestion fastidieuse car plusieurs appartements en portefeuille
- Les frais sont portés par un seul propriétaire