Aujourd’hui, il n’est pas facile de trouver des détracteurs de l’investissement en immobilier. De fait, tout le monde semble parler d’une seule voix et vous rebat les oreilles en vous faisant presque culpabiliser si à 40 ans vous n’êtes pas encore multipropriétaire (on exagère à peine). Le banquier (vous avez vu comme les taux sont bas?), l’agent immobilier (vous avez constaté comme le marché belge est solide?), le planificateur de pension (vous comptez vraiment sur votre pension légale pour maintenir votre train de vie à la retraite?). Bref, tout le monde vous (nous) met la pression.
En fait, ce n’est pas que vous ne voulez pas — même si pour vous, celui qui ne possède pas un immeuble de rapport à quarante ans n’a pas forcément raté sa vie -, mais c’est que vous ne pouvez pas. Eh non, vous n’avez pas 100.000 euros qui dépérissent sur votre compte d’épargne. Et vous faites déjà un maximum pour vous constituer un capital pension qui tienne un minimum la route: vous avez une épargne-pension, une assurance groupe (ou un plan de pension complémentaire si vous êtes indépendant) et vous épargnez dans le quatrième pilier (c’est-à-dire celui que vous vous constituez tout seul, sans aide fiscale) via des fonds d’investissement. Et puis vous remboursez déjà un crédit hypothécaire pour votre habitation propre. Bref, vous êtes plutôt "bon élève".
En Région bruxelloise, l’abattement sur la première tranche de 175.000 euros du prix d’achat représente une économie fiscale de plus de 20.000 euros pour celui qui a l’occasion de se domicilier dans le bien qu’il a acheté.
Ceci dit, il est vrai que vous pourriez sécuriser davantage votre destin financier si vous parveniez à acheter quelques briques supplémentaires. Bonne nouvelle: dans les faits, il n’est pas nécessaire d’avoir des dizaines de milliers d’euros sur votre compte pour devenir propriétaire.
Parce que nous devons bien partir d’une hypothèse, imaginons que vous ayez réussi à épargner 25.000 euros, ou que votre oncle d’Amérique vous envoie un énorme chèque ou encore que vos parents ont décidé de vous faire un cadeau de Noël vraiment… généreux. Bref, imaginons que vous avez 25.000 euros en poche. Comment pouvez-vous investir dans un bien immobilier en utilisant ce capital?
1. En visant un petit bien
Si vous ne disposez que de 25.000 euros, ce montant servira à payer les frais de notaire et une partie (20%) du prix d’acquisition de votre bien. On ne va pas se mentir, votre choix sera assez limité. Étant donné que la banque se bornera, en général, à vous prêter 80% de quotité, ce qui est l’usage lorsque vous empruntez pour investir, votre budget sera plafonné à 70.000 euros hors frais.
À ce prix-là, vous devrez presque inévitablement sortir de la capitale. Si vous vous baladez sur Immoweb, vous serez cependant surpris du nombre d’offres de studios, d’appartements une chambre, et même deux chambres, qui sont à vendre dans les environs de Charleroi, de Liège ou encore de Mons. À Bruxelles, vous pourrez trouver des petits studios dans des quartiers "en devenir". Notez que si vous avez du flair, c’est typiquement sur ce genre de biens que votre rendement peut se révéler le plus élevé.
2. En vous domiciliant dans votre bien
Modifions un peu notre hypothèse de départ. Vous avez 27 ans et vous avez épargné 25.000 euros pendant que vous jouiez au Tanguy chez vos parents au début de votre carrière professionnelle (ces années-là, vous avez mené une vie d’ascète). Vous êtes donc à la tête d’un petit magot que vous comptez bien tout de suite mettre au travail en investissant dans la brique. Dans ce cas, vous avez tout intérêt à vous domicilier dans un premier temps dans votre bien d’investissement, en tout cas en Région de Bruxelles-Capitale!
Comme l’expliquent Adrian Devos et Nicolas Vincent, cofondateurs du bureau de recherche immobilière BuyerSide, "si l’investisseur n’est pas encore propriétaire et qu’il a l’occasion de se domicilier dans les deux ans à dater de l’achat dans son appartement et qu’il peut y rester pendant cinq ans, il ne paie pas de droits d’enregistrement en Région bruxelloise sur la première tranche de 175.000 euros. Cela représente une économie fiscale de plus de 20.000 euros". En clair, vous pourrez injecter vos 25.000 euros en apport cash dans votre projet immobilier, ce qui augmente votre budget à 150.000 euros, étant donné que vous ne devez pas réserver votre apport pour payer les droits d’enregistrement, dans ce cas-ci inexistants. Attention toutefois: si vous quittez les lieux avant le délai légal, vous devrez rembourser l’avantage fiscal, sauf si vous avez déménagé pour cause de force majeure. Une fois passé le délai de cinq ans, vous pouvez déménager, acheter plus grand et mettre en location votre premier appartement que vous aurez donc finalement acheté à un tarif particulièrement attrayant.
En Wallonie, le jeu en vaut moins la chandelle, l’abattement fiscal étant limité aux premiers 20.000 euros, ce qui représente une économie de seulement 2.500 euros.
3. En mettant votre habitation propre en garantie
Autre hypothèse. Vous n’avez pas 27 ans mais 46 ans et vous avez déjà remboursé une bonne partie du crédit hypothécaire de votre habitation. Même si vous n’avez pas un compte d’épargne suralimenté, vous êtes en réalité nettement plus "riche" que vous ne le pensez. "La banque dans laquelle vous sollicitez un emprunt pour votre bien d’investissement peut en effet reprendre une hypothèque (en premier ou en second rang) sur votre habitation propre, à hauteur du différentiel qui existe entre la valeur d’expertise de votre habitation et le solde que vous avez encore à rembourser", explique Quentin Vandenhaute, associé chez Maxel.
Comme indiqué plus haut, il est très difficile d’obtenir aujourd’hui un emprunt pour financer 100% du prix d’une habitation lorsqu’il s’agit d’un investissement. "Depuis un an, on constate que les banques ont resserré leurs conditions et ne prêtent plus au-dessus d’une quotité de 80% s’il ne s’agit pas d’un bien destiné à l’habitation propre", poursuit-il. Ceci dit, si vous utilisez une partie de votre habitation propre à titre de garantie, vous abaissez fictivement la quotité empruntée sur votre bien d’investissement. Étant donné que l’on estime les frais à 15% (droits d’enregistrement et frais de notaire), vous pourriez donc théoriquement viser un studio ou un appartement de 150.000 euros, dont le prix sera majoré des frais de 22.500 euros que vous financerez avec votre cash.
Comme l’explique Nicolas Cellières, planificateur financier chez Optivy, "beaucoup de gens ne se rendent pas compte de la valeur de leur actif net, qui s’obtient simplement en mettant dans une colonne l’ensemble de leurs actifs et dans une autre, l’ensemble de leur passif. Ils n’exploitent donc pas leur potentiel".
Exemple: Vous avez une maison qui a été expertisée 300.000 euros sur laquelle votre solde restant dû est de 200.000 euros.
Vous visez un bien d’investissement de 150.000 euros pour lequel vous devez emprunter 150.000 euros.
Valeur totale de l’immobilier = 300.000 euros + 150.000 euros = 450.000 euros.
Valeur totale du solde restant dû = 200.000 euros + 150.000 euros = 350.000 euros.
Quotité d’emprunt globale = 78% = > la banque serait susceptible d’accepter votre demande de crédit à 100% de quotité pour votre bien d’investissement.
4. En utilisant votre plan de pension complémentaire
C’est également de potentiel d’investissement "caché" dont il s’agit ici. Imaginons que vous avez un contrat d’assurance groupe auprès de votre employeur ou un plan de pension si vous êtes indépendant. Vous disposez déjà d’un certain montant de réserves et vous connaissez le montant du capital que vous recevrez à votre pension. Si vous êtes un peu "short" en termes de fonds propres pour investir dans l’immobilier, vous pouvez demander à la compagnie d’assurance dans laquelle est logé votre contrat, une avance sur vos réserves. Vous pouvez également solliciter auprès d’elle un crédit à terme fixe. "Ces techniques marchent très bien, même pour les salariés", observe Quentin Vandenhaute, associé chez Maxel. Vous pouvez ainsi voir plus grand pour votre investissement immobilier, étant donné que vous obtenez de l’argent frais qui viendra compléter votre apport de 25.000 euros.
Mais bien sûr, cette avance n’est pas gratuite. Votre assureur se rémunère en gérant les primes versées. Dès lors, s’il doit vous en libérer une partie, vous devrez combler son manque à gagner soit sous forme de frais (pour les indépendants uniquement), soit sous forme d’intérêts (qui ont l’avantage d’être déductibles de la base imposable de vos revenus locatifs, c’est-à-dire le revenu cadastral indexé de l’immeuble, majoré de 40%). Si vous sollicitez un crédit bullet (paiement d’intérêts pendant toute la durée de l’emprunt et remboursement du capital à l’échéance), l’assureur vous prête un montant équivalent à vos réserves projetées et le capital est reconstitué par les primes. Mais l’assureur prendra une hypothèque sur l’un de vos biens immobiliers étant donné qu’il n’est pas certain que vous aurez effectivement reconstitué le capital à l’échéance.
5. En prenant plus de risques
Si vous voulez ajouter une dimension spéculative à votre investissement immobilier, vous pouvez le lier à la performance des marchés financiers en partant d’une mise de départ réduite. Attention, l’explication du montage mérite tout de même quelques précautions oratoires. Son succès repose en effet sur la performance des marchés financiers à long terme. Une chute des marchés couplée à une baisse des prix de l’immobilier sur la durée de votre emprunt vous ferait entrer en zone dangereuse. Il est donc important de savoir dans quelle pièce vous jouez avant de vous lancer. Cependant, si les marchés performent bien, vous réalisez une belle opération financière.
L’idée est d’investir dans un bien de 100.000 euros (frais compris) et d’emprunter ce montant en crédit bullet (vous ne payez que des intérêts pendant la durée de l’emprunt – soit 225 euros pendant 30 ans aux taux actuels — et vous remboursez le capital à l’échéance). "Le mécanisme proposé se base sur le fait que le montant de 25.000 euros est placé à travers un fonds d’investissement en assurance-vie branche 23 composé d’actions, d’obligations et de fonds mixtes, simulé sur base d’un rendement de 5% par an, dans le but de reconstituer le capital emprunté sur une durée de 30 ans", explique Désiré Godfroid, administrateur de Patrimonia. À l’échéance, vos 25.000 euros devraient s’être transformés en 108.000 euros grâce à la "magie" des intérêts composés et à la performance des marchés financiers. Mais comme on dit dans ces cas-là, les rendements du passé ne garantissent pas les rendements du futur. Et c’est bien là que réside le risque: si le capital n’a pas atteint le niveau escompté, vous devrez trouver une autre manière de rembourser la banque. Par exemple, en utilisant votre plan de pension si vous en avez un, en vendant le bien immobilier ou en contractant un nouveau crédit.
Cependant, si tout se passe comme prévu, le concept offre trois avantages, outre le différentiel dégagé chaque mois entre les intérêts payés et le loyer perçu. Selon Désiré Godfroid, "le premier est de profiter des taux d’emprunts extrêmement bas et de placer son capital à un taux plus intéressant. Le second consiste à déduire les intérêts de son crédit au prorata de l’ensemble des revenus cadastraux indexés, majorés de 40%, exception faite du bien qui concerne la résidence principale. Le dernier avantage, est de maintenir la dette au maximum afin d’éviter, en cas de décès, les droits de successions trop élevés pour les ayants droit". Il est également possible de souscrire un crédit classique en complément pour emprunter une somme plus élevée.
Bien choisir son bien
Acheter un bien d’investissement avec une mise de départ de 25.000 euros, ce n’est clairement pas évident, mais ce n’est pas impossible. Voici les conseils que le bureau de recherche immobilière BuyerSide donnerait à ceux qui veulent se lancer dans un tel projet.
1. Acheter bon marché (faire une bonne affaire).
2. Acheter un bien déjà loué. À cet égard, Nicolas Cellières, le fondateur d’Optivy, conseille également de viser un bien déjà loué dans l’optique de son financement. En effet, lorsque vous demanderez un crédit hypothécaire, la banque fera le ratio de vos charges sur vos revenus pour vérifier que vous n’explosez pas votre budget mensuel. Or, dans le cas d’un investissement, elle pondérera les revenus locatifs à 80% si le bien est déjà loué, et à 50% s’il n’a pas de locataire au moment de l’acquisition…
3. Idéalement, profiter de l’abattement fiscal en Région de Bruxelles-Capitale en se domiciliant dans un premier temps dans le bien qui sera ensuite mis en location (après cinq ans).
4. Augmenter la durée du crédit pour diminuer le remboursement mensuel.
5. Sortir de Bruxelles ou s’intéresser aux quartiers au nord de la ville.
6. Ne pas acheter du neuf en raison de la TVA à 21%.
7. Envisager l’achat en couple ou entre amis pour augmenter la mise de fonds propres.