Environ 60% des Bruxellois sont locataires. Beaucoup sont isolés et les loyers sont chers. Si le phénomène de la colocation a d’abord touché les étudiants, il est devenu une solution sur-mesure pour les jeunes actifs qui n’ont pas encore pris leurs marques sur le plan affectif et dont les objectifs de vie restent flous. Une formule souple, sympa et qui ouvre surtout le champ des possibles pour les candidats au logement, mais aussi pour les propriétaires bailleurs.
En particulier dans les grandes villes où les loyers sont rébarbatifs, les avantages de la "coloc" sont évidents. Elle permet d’upgrader son budget logement, puisqu’un loyer partagé est synonyme d’accès à des biens plus qualitatifs: spacieux penthouse, villa dans un cadre verdoyant, belle maison de maître en ville. Ce qui était hors de prix avec un budget individuel devient abordable. Et, cerise sur le gâteau, on rompt son isolement social.
Pour les propriétaires aussi, la formule a ses avantages, pour autant qu’elle soit bien encadrée. Ce qui est le cas depuis peu. L’engouement est tel qu’en Région bruxelloise, les autorités régionales ont prévu un cadre législatif spécifiquement adapté. Jusqu’ici, de trop nombreux scénarios potentiellement compliqués faisaient obstacle à des relations harmonieuses entre le bailleur et ses locataires. Qui est responsable du paiement du loyer? Quid en cas de non-respect par l’un ou l’autre? En cas de dispute, de départ ou de remplacement d’un des colocataires? Ou en cas de dégâts?
Pacte de colocation
Le contrat conclu entre le bailleur et les colocataires prévoit la solidarité des colocataires vis-à-vis du bailleur ainsi que des modalités de départ souples.
Les colocataires doivent signer un pacte de colocation pour formaliser les modalités pratiques de leur vie commune avec leurs droits et obligations. Un gage de sécurité juridique pour toutes les parties.
Le pacte lie uniquement les colocataires qui le signent. Pas le bailleur. Les colocataires peuvent ainsi s’en prévaloir entre eux ou en justice en cas de non-respect par un ou plusieurs d’entre eux.
Le pacte doit contenir les informations suivantes:
- la clé de répartition du loyer entre les colocataires;
- la ventilation des dégâts locatifs et leur imputation sur la garantie locative dans l’hypothèse de dégâts occasionnés par un ou plusieurs colocataires distinguables de l’ensemble du groupe qu’ils forment;
- la prise en charge des frais d’entretien et de réparation;
- la division des charges (nettoyage, sortie des poubelles, relevé de la poste, horaires);
- un inventaire des meubles et de leur provenance;
- les questions relatives à la garantie locative et aux assurances, dont l’assurance incendie (prises au nom d’un ou plusieurs colocataires, la constitution d’une cagnotte contributive interne);
- les modalités d’arrivée, de départ et de remplacement d’un colocataire.
Les colocataires restent libres d’organiser d’autres aspects de leur vie: tâches quotidiennes, animaux domestiques, instruments de musique, etc.
Une fois signé, ce pacte est annexé au contrat de bail et enregistré en même temps.
Bientôt aussi en Wallonie
Le nouveau cadre pour les loyers, adopté mi-mars par le parlement wallon et qui entrera en vigueur le 1er septembre prochain, comprend quatre volets, dont un consacré au régime spécifique de la colocation. "Il s’agit de régler tous les aspects de la relation entre les colocataires avant que les problèmes ne surviennent", explique le cabinet de la ministre des Pouvoirs locaux, Valérie De Bue (MR).
Les principes de base sont les suivants:
- la solidarité entre colocataires à l’égard du bailleur, au niveau de la constitution de la garantie, du paiement des loyers ou des éventuels dégâts;
- l’obligation pour le colocataire qui s’en va de trouver un remplaçant;
- la possibilité pour le bailleur de résilier le bail si la moitié des colocataires signataires sont partis;
- la nécessité de signer un pacte de colocation (+ mentions qu’il doit obligatoirement contenir).
Colocataire mais pas pour autant cohabitant
Dès lors qu’ils sont domiciliés ensemble, des colocataires risquent-ils d’être considérés comme un "ménage", ce qui pourrait avoir des conséquences sur les allocations sociales dont ils bénéficient?
Le colocataire est considéré en principe par l’ONEM comme cohabitant. Il présume que vous en remplissez les critères: vie sous le même toit et partage des dépenses ménagères. Il faudra donc prouver (factures, photos, témoignages, extraits de comptes) que vous ne partagez pas les dépenses avec le(s) autre(s) colocataire(s).
Cependant, selon un arrêt de la Cour de Cassation (9 octobre 2017), le simple fait de partager le loyer et des espaces communs ne fait pas de vous un cohabitant. Le partage doit aller au-delà et suppose une longue liste de choses à faire ensemble: aménager et entretenir le logement, faire les courses, préparer les repas, partager du matériel, faire le ménage ensemble, les lessives et apporter chacun des moyens financiers.
C’est crucial quand les personnes perçoivent une allocation ou une indemnité. Pour rappel, les allocations de chômage pour les isolés (1ère période) sont de minimum 1.031,94€, contre 795€ pour les cohabitants. En 3e période, l’allocation est même deux fois plus élevée pour les isolés (1.031,94€ contre 539,76€).
"La décision de la Cour de Cassation n’est pas ‘obligatoire’ pour tous les bureaux de chômage ni pour tous les juges. Si vous recevez une décision qui vous accorde le taux cohabitant alors que vous estimez être isolé, vous avez intérêt à la contester. Le juge du tribunal du travail appliquera probablement les critères de la Cour de Cassation. S’il ne le fait pas, vous pouvez contester le jugement (faire appel), et la Cour du travail suivra probablement la Cour de Cassation" lit-on sur www.droitsquotidiens.be