La Commission européenne vient de saisir la Cour de justice européenne (CJUE) pour que cette dernière impose des sanctions financières à la Belgique car - nous commençons à le savoir parce que le problème "traîne" depuis plus de dix ans - notre pays entrave le principe de libre circulation des capitaux dans le cadre du traitement fiscal des revenus locatifs.
De fait, il existe une différence de traitement fiscal des loyers par le fisc belge selon que l'immeuble est situé - ou non - en Belgique. En avril 2018, la Cour de justice européenne avait en effet considéré, dans un énième arrêt, que les dispositions belges relatives au revenu locatif étaient contraires au droit de l'Union. Or, la Belgique n'a rien fait pour se mettre en conformité avec le droit européen.
Quel est le problème?
Concrètement, le fisc belge se base sur deux modes de calcul différents pour évaluer la base imposable des résidences secondaires mises en location.
En Belgique. Que l’habitation soit louée ou non, le contribuable devra déclarer le revenu cadastral du bien majoré de 40%. Cette base imposable sera ensuite indexée et ajoutée aux autres revenus imposables pour être taxée. Or, on sait que le revenu cadastral n’est absolument plus en phase avec la réalité du potentiel locatif de la plupart des biens situés sur notre territoire.
Les revenus locatifs belges sont en quelque sorte "sous-taxés" par rapport aux revenus locatifs étrangers.
Conséquence: les revenus locatifs belges sont en quelque sorte "sous-taxés" par rapport aux revenus locatifs étrangers. En langage "Commission", "cette situation peut se traduire par des différences de traitement fiscal et décourager les résidents belges d'acheter des biens immobiliers à l'étranger".
Pourquoi ce problème persiste ?
Parce que la situation est tellement délicate - et compliquée - que les gouvernements successifs ne se précipitent pas pour la régler. De fait, il n'y a pas des milliers d'options pour que la Belgique se mette en règle. Soit elle doit taxer les loyers réels des immeubles situés en Belgique, soit elle doit taxer différemment - donc moins - les revenus des immeubles situés à l'étranger.
Aucun gouvernement n'a jusqu'ici voulu s'attaquer si frontalement aux propriétaires immobiliers.
Taxation des loyers réels en Belgique? Aucun gouvernement n'a jusqu'ici voulu s'attaquer si frontalement aux propriétaires immobiliers. Très probablement pour l'impact électoral d'une telle mesure, mais sans doute également pour le risque qu'une telle disposition représenterait pour le marché immobilier et pour les banques. De fait, les investisseurs qui ont financé leur investissement immobilier par un emprunt hypothécaire et qui feraient face à une pression fiscale accrue auront deux options: soit répercuter les nouveaux impôts sur le prix du loyer (avec un impact sur le marché locatif, sur la vacance locative si les loyers deviennent trop chers et éventuellement sur la capacité de remboursement), soit ne pas le faire mais être du coup exposés à un risque de défaut de paiement plus élevé. Dans les deux cas, cela peut représenter un risque pour la santé financière des banques.
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Taxation des revenus immobiliers étrangers sur un modèle proche du revenu cadastral? "Une autre approche serait de ne retenir que le revenu immobilier fictif approuvé par l’autorité fiscale étrangère (en France, il s’agira de la base de calcul de la taxe foncière). Cette pratique ne concerne actuellement que les résidences secondaires à l’étranger non louées mais peut facilement être transposée aux biens mis en location à des fins résidentielles", estime Grégory Homans, avocat associé au cabinet Dekeyser & Associés. “Pour les Etats ne connaissant pas le concept de revenu immobilier fictif, le législateur belge pourrait s’inspirer d’une récente jurisprudence qui a décidé, sur la base de travaux réalisés par l’OCDE, que le revenu cadastral belge équivaut à environ 22,5% des loyers produits par un immeuble à l’étranger mis en location à des fins résidentielles. Dans cette approche, seuls 22,5% des loyers produits par l’immeuble étranger devraient être repris dans la déclaration fiscale belge”.
Sanctions
Dans la pratique, si la Cour constate que la Belgique ne s'est pas conformée à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte. La Commission réclame que la Cour impose les deux: une somme forfaitaire journalière de 4.900 euros (avec un minimum de 2 millions d'euros) et une astreinte de 22.000 euros par jour à partir de la date du premier arrêt, soit le 12 avril 2018. Si la Belgique ne se met pas en conformité avant la fin de l'année - et que la CJUE lui inflige effectivement de telles sanctions - la facture pourrait donc déjà grimper à 16 millions d'euros.