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Le viager en famille, tout sauf un bon plan!

Si rien n’interdit de vendre en viager à un de ses enfants, cette opération à première vue très tentante, risque surtout d’attirer de sérieux ennuis et de coûter cher. Existe-t-il des "alternatives"?
Dans le cadre d’un deal familial, la tentation est grande de jouer sur la valeur de l’immeuble, le montant et/ou la durée de la rente pour favoriser l’acheteur...
Dans le cadre d’un deal familial, la tentation est grande de jouer sur la valeur de l’immeuble, le montant et/ou la durée de la rente pour favoriser l’acheteur... ©belga

Vous êtes propriétaire de votre logement familial et à l’heure de planifier votre succession, vous vous dites que le vendre en viager à l’un de vos enfants serait une solution à la fois simple et avantageuse — a fortiori si vous avez dans l’idée de favoriser cet enfant-là, au détriment de ses frères et sœurs. Vous vous assurez des vieux jours à l’abri du besoin, la maison à laquelle vous êtes sentimentalement attaché reste dans le giron familial, vous pouvez continuer à l’occuper, et vous transmettez le gros morceau de votre patrimoine à votre petit préféré sans devoir payer de droits de donation ou de succession.

Sauf que ce scénario est totalement tronqué. Voici pourquoi.

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Opération suspecte: présomption de fraude

Ce n’est évidemment pas un hasard si quasiment personne ne concrétise ce type de projet. Le viager en famille n’est certes pas interdit, mais il faut être conscient que, quelles que soient vos motivations, le fisc mettra en doute votre deal familial et présumera d’office qu’il s’agit d’une donation déguisée.

"Nous déconseillons formellement le viager en famille compte tenu du risque de requalification par l’administration fiscale."

Alexandre GELFGED gérant de viagerbel

"Nous déconseillons formellement le viager en famille compte tenu du risque de requalification par l’administration fiscale. Au jour du décès, il y aura d’office présomption de fraude", déclare sans ambages Alexandre Gelfged, expert immobilier et gérant de Viagerbel, rappelant que "le viager n’a pas pour vocation d’éluder la fiscalité mais bien d’offrir une formule de vente alternative."

Pourquoi tant de suspicion? C’est très simple.

Lors d’une vente en viager, l’acheteur est censé payer un bouquet (fraction du prix total) puis payer des rentes mensuelles jusqu’au décès du vendeur ou pendant une durée préalablement limitée (10 ou 15 ans par exemple).

Dans le cadre d’un bon deal familial entre parents et enfant, la tentation est évidemment grande de jouer sur le prix de l’immeuble, le montant et/ou la durée de la rente pour favoriser l’acheteur.

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Qu’est-ce qui garantit, en outre, que les rentes seront effectivement versées… ou que les parents ne les rétrocéderont pas discrètement aux enfants de la main à la main, etc.? Bref, si l’administration a des doutes — et ce sera d’office le cas —, il sera difficile voire impossible de prouver sa bonne foi, et à l’ouverture de la succession, les failles du système exploseront à la figure de l’héritier tel un diable sorti de sa boîte. Il devra alors passer à la caisse (droits de succession) et écopera en plus d’une amende pour fraude.

In fine, la famille aura complètement loupé sa transmission patrimoniale.

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Alors certes, "depuis l’entrée en vigueur de la réforme du droit successoral, le 1er septembre dernier, il n’y a plus de présomption irréfragable, nuance le notaire Renaud Grégoire, mais la plus grande prudence s’impose si l’on s’engage malgré tout sur cette voie". En particulier si on a dans l’idée d’avantager un enfant. "Imaginons le cas d’un homme qui est seul à savoir qu’il souffre d’un cancer foudroyant. Il vend sa maison en viager à son fils, sachant qu’il ne la paiera dès lors que durant un ou deux ans maximum. Ce type de plan ne résiste pas à un procès et n’est donc pas recommandable", conclut-il.

Alexandre Gelfged ajoute que la vente en viager à un membre plus éloigné de la famille, comme un neveu par exemple, est encore plus déconseillée, "car dans ce cas, il est tout à fait clair que l’objectif ne peut être qu’éluder les droits (qui sont nettement plus élevés qu’en ligne directe NDLR)".

Une façon de déshériter?

"Pendant longtemps, le viager a surtout été considéré comme un bon moyen pour déshériter ses enfants en vidant sa succession de sa substance", rappelle Renaud Grégoire. On vend l’habitation familiale – qui dans la plupart des cas représente de loin la majeure partie du patrimoine – et on dépense les rentes pour laisser le minimum. "Ce faisant, certes on déshérite ses enfants, mais sans en faire profiter quelqu’un d’autre, observe-t-il. Et il existe plein d’autres moyens très simples pour dépenser rapidement son argent, vider sa succession, et ne rien laisser à ses héritiers."

Alternatives familiales?

À ceux qui souhaitent transmettre leur patrimoine immobilier sans souci, on peut suggérer la donation (avec réserve d’usufruit), qui ne posera plus de problème autre qu’un éventuel rapport à la succession.

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Pour Alexandre Gelfged, "la meilleure alternative consiste à vendre la nue-propriété, et avec le capital, faire une donation dans les règles (enregistrée ou non)".

Prenant le cas de parents qui auraient besoin d’argent mais qui souhaiteraient rester dans leur maison, le notaire Grégoire suggère pour sa part "cette autre solution toute simple: vendre leur immeuble à un tiers ou à un de leurs enfants, puis l’occuper en tant que locataire."

S’ils souhaitent aller plus loin et favoriser l’un de leurs enfants, c’est également une option intéressante. "Le couple vend sa maison à sa fille qui leur donne ensuite la maison en location, bail dûment signé à l’appui. La seule précaution indispensable à prendre dans ce cas, c’est de fixer un prix de vente (si possible sur la base d’une expertise) et un loyer conformes aux prix du marché pour éviter toute remise en question. Pour la fille, c’est le scénario idéal: les loyers payés par ses parents — que l’on peut considérer comme des locataires ‘en or’ —, lui permettront d’accéder facilement à un crédit. Et finalement, dans l’hypothèse où les parents vivent encore au moins 10 à 15 ans, son crédit aura été remboursé par les loyers. De leur côté, les parents auront donc repayé la maison et entre-temps, avec l’argent de la vente ils auront pu profiter de la vie, dépenser, investir, faire de donations, etc."


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