Les professionnels du secteur immobilier bruxellois la sentaient venir et la voici: la grille des loyers. Le projet est actuellement sur la table du gouvernement bruxellois. Celui-ci s’était déjà mis d’accord sur le principe l’année dernière. La grille des loyers sera mise à disposition des locataires, à titre purement informatif et sans que cela constitue une contrainte supplémentaire pour le propriétaire.
Toute annonce de bien immobilier devra faire référence à la grille des loyers.
En pratique, la grille sera consultable sur un site internet. Et toute annonce de mise en location devra y faire référence. La ministre en charge du Logement, Céline Fremault (cdH), a lancé un marché public pour établir cette grille. Ce marché a été attribué à Marie-Laurence de Keersmaecker, géographe à l’UCL et qui coordonne l’Observatoire des loyers bruxellois. "L’Echo" a pu consulter son rapport. Pour établir la grille des loyers, la géographe propose de se baser sur la méthode utilisée à Paris, même si le contexte est largement différent puisque, dans la capitale française, la grille est réglementaire et plafonne donc les loyers, alors qu’à Bruxelles la grille sera simplement indicative.
Pour établir cette grille de référence, elle propose de retenir quatre critères. Premièrement, la situation géographique du bien loué. Elle définit 7 quartiers selon les loyers médians. Deuxièmement, le type de logement et le nombre de chambres (studio, appartement ou maison). Troisièmement, la superficie totale habitable. Et enfin, l’état du logement, qui est établi selon l’année de construction.
20% de marge
Comme à Paris, une marge de négociation de 20% est aussi proposée dans la grille. En appliquant cette marge, il apparaît que 84% des loyers actuellement en vigueur respectent les tarifs de la grille de référence.
Précisons enfin que le gouvernement bruxellois, s’il s’est mis d’accord sur le principe d’une grille indicative des loyers, n’a pas encore validé le modèle présenté. Il devrait prendre cette décision lors de sa réunion hebdomadaire qui a lieu aujourd’hui. La Région wallonne se penche aussi sur la question. Une expérience pilote est en cours et il est prévu que la grille de référence des loyers wallons soit rendue publique en fin d’année.
Des experts immobiliers donnent leurs avis
→ Julien Dessauny, Property Hunter
Informer sur les prix des loyers, pourquoi pas. C’est vrai qu’il peut y avoir des excès de temps à autre. Mais ne serait-il pas plus simple de communiquer sur le prix au m² en vigueur à Bruxelles, soit 10 à 12 euros le m² (30% de plus si le logement est meublé). Le locataire peut ensuite se faire sa propre opinion sur base des caractéristiques du bien. Il peut ainsi trouver correct de payer 15 euros le m² si le bien est situé dans le quartier Louise et à l’inverse, 9 euros du m² s’il est situé dans un quartier plus populaire.
→ Denis Latour, Latour & Petit
"Cette grille indicative n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais les fourchettes de prix de l’immobilier à Bruxelles peuvent être grandes. Pour un appartement deux chambres, le loyer peut varier de 800 à 1.800 euros. D’une rue à l’autre, cela peut changer. Cela dépend de l’orientation du bien, du fait qu’il dispose d’une terrasse, d’une cuisine équipée… Il y abeaucoup de critères complémentaires qui peuvent jouer. Est-ce que la grille de référence les reprend tous?
→ Olivier de Clippele, Notaire
"Je crains que cette grille finisse par avoir une mauvaise répercussion sur les prix des loyers. J’ai peur qu’elle ait un effet inflatoire plutôt que déflatoire, que l’ajustement se fasse à la hausse et non pas à la baisse, contrairement à l’objectif poursuivi. C’est par exemple ce qu’on a pu observer lorsque les rémunérations des chefs d’entreprise cotée en Bourse ont été rendues publiques. Celui qui était dans la moyenne basse a demandé à être augmenté. Le précédent ministre du Logement, Christos Doulkeridis (Ecolo, NDLR) avait pris conscience de ce risque et avait fait marche arrière. Il n’a pas voulu publier de grille des loyers. Ce gouvernement semble vouloir être moins prudent. Ne vous détrompez pas, je ne suis pas contre le fait d’avoir plus de transparence mais les loyers ne sont pas des cotes de Bourse qu’il faut publier tous les jours. C’est trop dangereux.