Lors des nombreuses visites enthousiastes que vous avez faites avant de jeter votre dévolu sur cette maison de vos rêves, vous aviez bien tiqué sur l’un ou l’autre petit détail, mais rien de grave. Il s’agissait en outre de défauts parfaitement repérables par un candidat acquéreur lambda effectuant un classique "tour du propriétaire". Ce que l’on a coutume d’appeler des vices apparents. Aucun problème de nature à vous faire renoncer à votre achat, en tout cas.
Pourtant, quelques mois plus tard, lorsque vous prenez possession des lieux, il ne vous faudra pas un jour ou une nuit pour déchanter.
"Dans ma pratique, je suis essentiellement confronté à des dossiers de troubles de voisinage qui, dans le cas d’une vente, sont considérés comme des vices: isolation déficiente, bruit, odeurs, mais aussi charges de copropriété sous-évaluées, irrégularités urbanistiques, etc." , témoigne Olivier Delogne, avocat spécialisé dans l’immobilier. Dans d’autres cas, ce sont évidemment des problèmes liés au bâtiment et à sa structure et des malfaçons dont il est question. Autant de défauts qui, s’ils avaient été connus de l’acheteur, l’auraient à coup sûr fait renoncer à cette acquisition.
Vos droits: ce que dit la loi
L’article 1641 du Code civil stipule que "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine". En cas de vice caché, l’acheteur a les options suivantes:
- Demander la résolution de la vente (action rédhibitoire): rendre le bien et récupérer le prix payé + les frais;
- Demander une diminution du prix (action estimatoire): conserver le bien mais en obtenant une réduction de prix compte tenu du/des vice(s);
- Si le vendeur était de mauvaise foi et s’est rendu coupable de dol, en d’autres termes qu’il a sciemment caché ou omis de donner certaines informations, la vente sera annulée.
Mais en pratique…
Ça, c’est ce que prévoit la loi. Sauf qu’aujourd’hui on déroge systématiquement à ce principe. Les compromis de vente comme les actes notariés prévoient ainsi une clause qui exonère expressément le vendeur de la garantie des vices cachés. Du genre: "le bien est vendu dans l’état où il se trouve", "le vendeur n’est pas responsable des vices cachés", etc. Cette protection du vendeur peut se comprendre car il risquerait sinon d’être confronté à un acheteur qui invoquerait n’importe quoi pour remettre en question le prix payé, a posteriori, résume en substance l’avocat.
Les compromis de vente actuels, comme les actes notariés, prévoient une clause qui exonère expressément le vendeur de la garantie des vices cachés.
"En définitive, l’acquéreur d’un bien avec un vice caché n’a qu’une porte de sortie: invoquer le fait que le vendeur connaissait l’existence du vice et l’a délibérément caché! Mais attention, c’est à l’acquéreur qu’il reviendra d’apporter la preuve que le vendeur savait, aurait dû savoir ou, au minimum, qu’il ne pouvait pas ignorer le problème."
Dans quels types de situations?
Cas concret. Vous avez jeté votre dévolu sur un appartement de ville avec jardin, idéalement situé, lumineux… Vous l’avez visité à plusieurs reprises en journée. Rien à signaler, que du bonheur (en perspective). Évidemment, à 10 heures du matin ou à 16 heures, vous n’avez pas remarqué l’essentiel. Il y a dans le voisinage un resto à la mode dont la cour donne pile en vis-à-vis sur votre jardin. Mais au premier jour de votre emménagement, en soirée, lorsque le service bat son plein, que les clients mangent et s’esclaffent en terrasse, et que la hotte des cuisines tourne à fond, vous comprenez tout de suite que ce sera invivable. Impossible de fermer l’œil.
Et ce vendeur qui ne vous a rien dit! Pouvait-il vraiment ignorer pareils problèmes? Dans un cas comme celui-ci, non, bien sûr. "Clairement, il savait et a bafoué son devoir d’information de l’acheteur", déclare Olivier Delogne.
Que va pouvoir entreprendre l’acheteur pour espérer récupérer ses billes?
La priorité, c’est de réagir immédiatement. "Une solution serait de demander l’intervention de l’IBGE (Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement) pour prendre des mesures et attester du dépassement des normes sonores. Il est en effet essentiel d’objectiver, insiste l’avocat. Au cas où les normes de bruit ne seraient pas dépassées, mais où la situation est néanmoins impossible à vivre, il faudra faire appel à un huissier et lui demander de venir – si possible plusieurs fois, à différents moments de la journée – pour prouver le caractère régulier et fréquent des nuisances."
S’agissant d’un vice caché qui concerne le bâtiment en lui-même (structure, malfaçons, systèmes défaillants, humidité, etc.), "il faut faire appel à un architecte ou, mieux, à un conseiller technique qui, en plus d’avoir une expertise en matière de construction, est spécialisé dans la ‘pathologie’ du bâtiment, explique Me Delogne. Il est donc en mesure de proposer des hypothèses causales et de chiffrer le coût moyen des réparations, ce qui est hyper précieux." On peut en effet imaginer que, dans certains cas, l’acheteur souhaite malgré tout conserver le bien à condition d’obtenir une réduction de prix. "Si le conseiller technique chiffre à environ 10.000 euros le coût des travaux nécessaires pour remédier aux problèmes, une proposition à l’amiable peut être faite sur cette base au vendeur, au besoin avec l’appui d’un avocat ou d’un notaire", poursuit le spécialiste de l’immobilier.
Pour éviter les déconvenues et les vraies tuiles, il y a quelques règles à respecter. À commencer par se faire accompagner par un professionnel (expert, architecte, entrepreneur) qui sera capable de mettre le doigt sur des défauts et problèmes, ainsi que leurs conséquences et risques potentiels. "Dès que les candidats acquéreurs ont établi une short-list de deux ou trois biens qui les intéressent vraiment, ils doivent faire une (dernière) visite avec un spécialiste. À l’instar de l’état des lieux que l’on dresse lorsqu’on signe un bail, je conseille également de lister tous les vices et dysfonctionnements apparents. Si le chauffage fonctionnait au moment de la visite et n’a donc pas été mentionné comme point d’attention, et que lorsqu’on prend possession de l’appartement il est en panne, on disposera d’une preuve (de la mauvaise foi du vendeur).
Tout ce qui permet de se prémunir contre les vices cachés est un atout.", insiste l’avocat Olivier Delogne.