Cas relativement classique. Un couple fait donation d’une maison à ses deux enfants, en indivision, et s’en réserve l’usufruit. L’immeuble est alors donné en location. Le temps passe et après quelques années, l’un des fils envisage de racheter la part de son frère pour habiter dans la maison. Les parents sont prêts à abandonner leur usufruit et à prendre en charge tous les frais liés à l’opération.
Quelles sont les démarches à faire et les précautions à prendre? Quel sera l’impact fiscal de l’opération?
Étape 1: renoncer à l’usufruit
En théorie, un usufruit s’éteint au décès de l’usufruitier. Le nu-propriétaire devient alors plein-propriétaire sans rien devoir payer au fisc. L’usufruit peut également prendre fin par la renonciation unilatérale de l’usufruitier à ses droits. S’agissant d’un immeuble, la renonciation doit nécessairement se faire devant notaire.
C’est une première étape. Dans notre exemple, "il est important que les parents renoncent à l’usufruit s’ils ne perçoivent plus de revenus du bien. En effet, en cas de décès, l’administration fiscale est en droit de solliciter la preuve de la perception des revenus générés par un usufruit pendant les trois années qui précèdent le décès, sans quoi ces montants seront ajoutés à l’actif de la succession", insiste le notaire Renaud Grégoire.
En cas de partage entre enfants et si l’un d’eux reprend le bien, pour éviter toute contestation ultérieure, il est également plus sain de régler définitivement le sort de l’usufruit, quitte à le valoriser dans l’acte de donation et à faire les comptes, conseille le notaire. "Cela évite les frustrations liées à la valorisation de l’usufruit, qui peut paraître surévalué ou sous-évalué selon les cas et sera dès lors une source de conflits familiaux", précise-t-il.
Concernant le volet fiscal de l’opération, "il faut savoir qu’en Région wallonne, lorsque l’on fait donation d’un bien avec réserve d’usufruit, la taxation porte sur la totalité du bien en pleine propriété. On ne déduit donc pas l’usufruit. Cela signifie que l’abandon d’usufruit par la suite n’engendre pas de taxation en vertu du principe ‘non bis in idem’. Il n’y aura par conséquent pas de droit de donation à payer sur l’abandon d’usufruit", indique Renaud Grégoire.
Étape 2: sortir d’indivision
Une fois l’opération relative à l’usufruit réalisée — elle pourrait même être faite dans le préambule de l’acte de partage pour éviter les frais d’un acte inutile, suggère le notaire —, il s’agira de sortir d’indivision. Le fils qui reprend le bien peut racheter la part de son frère moyennant une valorisation sur laquelle s’accordent les parties ou en faisant appel à un expert.
L’avantage, c’est que le frère qui rachète la part de l’autre devra payer moins de frais que dans le cadre d’une acquisition pure et simple. Le droit d’enregistrement est limité à 1% en Région wallonne et à Bruxelles, contre 2,5% en Région flamande. Il faudra encore compter les frais de l’acte de partage (2 à 3% en fonction de la valeur de l’immeuble) pour la reprise du bien.
Wallonie: gare à l’abus fiscal dans le cadre d’une succession
La renonciation à un usufruit dont on a hérité est soumise à un traitement fiscal différent. Voici ce que prévoit un décret wallon qui vise la renonciation à l’usufruit d’un immeuble.
Prenons le cas d’un couple avec deux enfants. Au décès du père, la mère détient la pleine-propriété sur sa moitié et recueille l’usufruit sur la part de son défunt mari tandis que les enfants en deviennent nus-propriétaires.
La mère fait ensuite donation à ses enfants de la part dont elle est propriétaire, mais s’en réserve l’usufruit. Des droits de donation sont dus sur la valeur de la nue-propriété.
Dans un second temps, la mère renonce à son usufruit au profit de ses enfants. La pleine propriété est dès lors reconstituée dans le chef des enfants, alors que les droits de donation n’ont été payés que sur la nue-propriété.
C’est pour lutter contre ce type d’abus que le législateur wallon a adopté un nouveau régime lorsque les conditions suivantes sont réunies:
- Un démembrement de la pleine propriété d’un bien immeuble résultant d’une succession.
- L’usufruitier renonce à son usufruit en faveur du/des nu(s)-propriétaire(s).
- L’usufruitier donne au (x) nu(s)-propriétaire(s), dans un délai maximum de 3 ans avant ou après cette renonciation, le droit de (nue)-propriété qu’il détenait sur le bien immeuble.
Dans ce cas, la base imposable de cette donation sera augmentée de la valeur vénale de l’usufruit recueilli par la succession. La révision ne se fera pas si l’usufruitier prouve que l’ensemble des actes juridiques se justifie par d’autres motifs que la volonté d’éluder les droits dus.