La reprise de Delhaize par Ahold pose une nouvelle fois la question de la double imposition des dividendes. Nombreuses sont les sociétés belges à avoir été reprises, au moins en partie par échange de titres, par des groupes étrangers. Leurs actionnaires se retrouvent donc destinataires de dividendes imposés une première fois dans le pays où se trouve le siège du repreneur, puis une seconde fois en Belgique.
Malgré de nombreuses conventions bilatérales censées remédier à cette double imposition, la procédure est souvent fastidieuse et/ou coûteuse pour le petit actionnaire, qui a, la plupart du temps, intérêt à ne pas revendiquer son droit.
"Le remboursement n’intervient pas avant un ou deux ans. Alors pour récupérer 20 euros…"
Avec certains pays, aucune démarche ne doit être effectuée parce que la retenue à la source a directement été limitée pour les investisseurs étrangers. Mais si ce n’est pas le cas, c’est à l’actionnaire belge d’informer le fisc étranger qu’il est résident belge. Il peut toujours demander un remboursement via sa banque, mais cela impliquera donc des frais administratifs importants… et beaucoup de patience.
Les "actions Delhaize" imposées aux Pays-Bas
Dans le cas de Delhaize, l’association d’investisseurs Vlaamse Federatie van Beleggers (VFB) a calculé que ses actionnaires, sur la base des trois derniers dividendes distribués par le groupe au lion, auraient perdu 0,52 euro par action sous pavillon néerlandais puisqu’un précompte de 15% se serait ajouté (et s’ajoutera) au précompte belge de 25%.
Ces dividendes bruts de 1,60, 1,56 et 1,40 euro auraient en effet donné respectivement 1,02, 0,99 et 0,89 euro en net au lieu de 1,20, 1,17 et 1,05 euro, relève l’association, qui appelle le ministre des Finances à "prendre les décisions qui s’imposent pour régler ce problème".
Du temps de la splendeur de Fortis, on avait une solution, rappelle Olivier Hermand, consultant (PwC) et maître de conférence (UCL), à savoir une double structure avec un holding néerlandais et un holding belge. Une participation croisée "avec un tracking du dividende pour éviter la double imposition".
Patience et longueur de temps…
"Le plus simple serait quand même de maintenir une structure Delhaize en Belgique et que ce soit elle qui paie en une fois l’impôt néerlandais pour les actionnaires belges", avance de son côté Gorik Nelissen, chez Keytrade Bank.
Car pour l’instant, récupérer son dû sur des actions ING par exemple (dont le siège est aux Pays-Bas), c’est tout sauf simple et glamour… "Pour être franc, c’est assez rare que les clients nous le demandent. Il faut remplir des formulaires à la main, mettre des cachets – on a déjà essayé d’automatiser tout ça mais ça s’est avéré infaisable – et fournir un justificatif du paiement du précompte par le client, ce qui n’est pas au goût de tout le monde puisque le fisc sait alors exactement le nombre de titres en sa possession. Ensuite, le remboursement n’intervient pas avant un ou deux ans. Alors vous savez, passer par là pour récupérer 20 euros…"
Un service payant qui plus est: chez Keytrade par exemple, il vous en coûtera 4,2% du montant en jeu, avec un minimum de 60 euros. Dans les faits, il n’est donc intéressant que pour un investissement relativement important.
Pour la France, c’est gratuit
Pour la France, c’est toutefois un peu plus simple: "Là c’est gratuit parce qu’on ouvre un dossier par pays, pour toutes les actions de ce pays que le client possède." Le jeu en vaut la chandelle puisqu’un dividende brut de 10 euros est d’abord précompté à 25% en France, puis à 25% en Belgique, ce qui ne laisserait que 5,625 euros net dans la poche de l’actionnaire belge. Grâce à ce système, il obtient bien 7,50 euros à la place mais il n’échappe pas au long délai avant d’être remboursé, ni aux justificatifs.
Plusieurs arrêts de la Cour de justice européenne ont étonnamment conclu que la double imposition des dividendes n’était pas contraire au droit européen, rappelle Olivier Hermand (alors qu’elle crée une discrimination entre investisseurs).
L’énergéticien Engie précise qu’"en cas d’inscription des actions au nominatif, les actionnaires d’Engie peuvent bénéficier gratuitement de la procédure simplifiée qui permet de réduire la taxation en France avant même le paiement du dividende (une simple attestation de résidence suffit, et il ne faut pas mentionner le nombre de titres détenus)". En outre, "un complément de dividende de 10% est versé aux actionnaires s’ils gardent leurs actions deux ans".