Entre fin 2021 et avril 2022, la Ville de Bruxelles a fait passer la taxe sur les immeubles de bureaux de 9,5 euros à 17 euros le mètre carré. Autrement dit, le propriétaire qui met en location 10.000 m2 voit passer sa facture fiscale locale annuelle de 95.000 à 170.000 euros d’une année à l’autre, sans avertissement ni gradation. En contrepartie, il peut espérer un rendement locatif brut compris entre 2 et 3 millions d’euros avant impôt si toute la surface est louée.
"Le prochain enrôlement va faire très mal à certains qui n’ont pas anticipé cette majoration brutale."
Pour Bernadette Bouckaert (Immo Tax Consulting), qui conseille les propriétaires en la matière depuis plus de 20 ans, il s’agit d’un raquet pur et simple. Celle-ci ajoute d’ailleurs que certains, peu au fait des règlements communaux, vont être mis devant le fait accompli et pris au piège, un peu comme pour leur facture de gaz et d’électricité. "Le prochain enrôlement va faire très mal à certains qui n’ont pas anticipé cette majoration brutale. Et il est prévisible que les plus affectés n’en resteront pas là: comment accepter une hausse de 78% sur un parc immobilier où le vide règne en maître depuis la pandémie? Même si son immeuble reste désespérément vide et s’il doit revoir à la baisse le montant de son loyer avec ses occupants, le propriétaire-investisseur qui, très souvent, rembourse encore un emprunt hypothécaire, est sommé de payer plein pot les taxes communales, régionales et le précompte immobilier".
"Il s'agit de redistribuer équitablement une part des revenus générés par ce type de biens immobiliers coûteux pour la commune en termes de services divers."
Pour les autorités communales, il s’agit là d’une décision équitable permettant à la ville de se procurer des recettes additionnelles pour financer ses dépenses d’utilité générale, les bureaux générant en outre des dépenses supplémentaires au niveau de la sécurité, de la gestion des déchets, de la voirie et de l’infrastructure. Selon le bourgmestre Philippe Close (PS), Bruxelles a juste comblé son retard en s’alignant sur la moyenne régionale en matière de fiscalité sur les bureaux. "Dans la commune, le marché du bureau se porte bien pour l’instant. Les rendements engrangés par le privé permettaient donc à la Ville de Bruxelles de prendre les mesures jugées indispensables pour redistribuer équitablement une part des revenus générés par ce type de biens immobiliers coûteux pour la commune en termes de services divers", motive-t-il à chaud.
Trois taxes différentes sur le même objet
Bernadette Bouckaert, de son côté, met le doigt sur une autre aberration: en Région bruxelloise, le bureau est taxé trois voire quatre fois – une fois sur les surfaces non affectées à résidence, une fois sur les surfaces de bureaux, une fois sur les immeubles de bureaux et une dernière fois sur les parkings. En outre, les montants peuvent varier du simple au double, certaines communes n’ayant pas hésité à augmenter solidement les décimes additionnels dans le calcul global du précompte, en sus de l’indexation annuelle automatique. Elle renchérit: "Que sera le précompte immobilier en 2023, quand l’index fera un premier bond inflatoire? Je suis dans le métier depuis 20 ans et je constate que l’étau ne cesse de se resserrer sur le cochon payeur privé qui ose encore entreprendre dans la capitale".
Forces centrifuges
Récupérer le précompte sur les surfaces vides (improductivité) n’est plus d’application à Bruxelles depuis 1995 pour le bureau et depuis 2017 pour le résidentiel. Contrairement à la Flandre.
Pour l’experte en fiscalité immobilière, le comble du ridicule, c’est qu’il suffit de faire quelques centaines de mètres pour ne pas avoir à payer de taxes ni régionales ni communales et pour pouvoir récupérer la partie de précompte sur les surfaces vides (improductivité), une mesure équitable qui n’est plus d’application à Bruxelles depuis 1995 pour le bureau et depuis 2017 pour le résidentiel. Elle s'explique: "Il y a peu, certaines ficelles permettaient encore de réduire le montant à payer sur les immeubles inoccupés même si on ne les démolissait pas. Mais il a suffi d’une petite ligne dans la loi pour mettre fin à cette mesure, même si certains ont encore une interprétation divergente des textes. Une autre injustice flagrante est que pendant la durée d’une reconversion de bureaux en logements, le propriétaire des murs paie plein pot comme si c’était toujours du bureau alors que le résidentiel est taxé quatre fois moins. Il doit avoir livré les dernières finitions pour qu’on revoie le précompte immobilier sur l’ensemble. Juste à côté par contre, en Flandre, l’exemption est effective dès la demande de permis. Difficile de ne pas en conclure que la Région bruxelloise fait tout pour que les investisseurs aillent voir ailleurs".
Ayming enfonce le clou
Nous avons pu consulter en primeur les chiffres de l’étude 2022 sur la fiscalité appliquée aux immeubles de bureaux en Région bruxelloise que vient de publier la société Ayming, présente dans 15 pays sur ce terrain. Détaillés dans un White Paper bien nourri, ils corroborent totalement les propos de Bernadette Bouckaert en les objectivant sous forme de tableaux détaillés par commune et en les comparant avec les deux autres régions. Les chiffres mis en exergue montrent à quel point les propriétaires privés ne sont pas égaux devant le fisc belge selon la commune et/ou la Région où se trouvent les murs de leur bien.
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