Les dernières mesures d’application de la taxe sur les comptes-titres sont en vigueur. Ce vendredi, le Moniteur belge a publié un arrêté royal, applicable le jour-même, qui précise quelques mesures techniques d’application de la taxe, notamment en ce qui concerne les démarches que les redevables de la taxe (dans la plupart des cas, les institutions financières) doivent accomplir en vue de la perception de cet impôt de 0,15% sur les comptes-titres d’une valeur d’au moins 500.000 euros.
Les banques belges devront déposer les déclarations relatives aux comptes-titres de leurs clients d’ici la fin de l’année 2018.
"Les banques devraient uniformiser leurs pratiques en matière de comptes démembrés."
Si c’est l’investisseur belge lui-même qui est le redevable de la taxe (ce qui peut survenir en cas de compte-titres détenu à l’étranger ou encore en cas de détention de plusieurs comptes-titres de moins de 500.000 euros mais qui, ensemble, atteignent ce seuil, pour autant que l’investisseur n’ait pas demandé à ses banques de prélever tout de même la taxe), la déclaration devra être déposée par ce contribuable dans le courant de l’année 2019 et au plus tard pour la fin juin, en principe.
Dans la déclaration IPP?
En effet, la déclaration, qui pourra se faire de manière électronique ou en version papier, devra être effectuée dans le même délai que la déclaration fiscale classique relative à l’impôt des personnes physiques (IPP).
"Un point qui n’est pas explicitement tranché est celui de savoir si la déclaration relative aux comptes-titres sera intégrée ou non dans cette déclaration de revenus annuelle", relève François Parisis, responsable de la fiscalité à la Banque transatlantique Belgium. "On peut cependant le supposer puisque les délais pour le dépôt des deux déclarations sont les mêmes. En pratique, il pourrait s’agir d’une annexe à la déclaration de revenus ou d’un cadre supplémentaire spécifiquement dédié à la taxe sur les comptes-titres dans la déclaration de revenus annuelle."
Par ailleurs, le mois dernier, les banques belges ont envoyé à tous leurs clients détenant un compte-titres le relevé reprenant la valeur moyenne des titres qui tombent dans le champ d’application de la taxe sur les comptes-titres.
Dans ce document figurent en principe la valeur du compte-titres à chaque date de référence, à savoir, pour cette année, le 31 mars, le 30 juin et le 30 septembre (à partir de 2019, il faudra y ajouter le 31 décembre), ainsi que la valeur moyenne du compte. Si cette dernière atteint au moins 500.000 euros, la taxe de 0,15% s’applique et son montant est également mentionné dans ce rapport de la banque.
Le document mentionne généralement aussi le nombre de titulaires du compte-titres et, à tout le moins, la part du titulaire dans le compte ou la valeur du compte qui lui est attribuée. Cet élément prend toute son importance lorsqu’un compte comporte plusieurs titulaires.
La loi prévoit en effet que "la personne physique qui est titulaire d’un compte-titres est, pour sa part dans la valeur moyenne des instruments financiers imposables sur ce compte, soumise à la taxe". Ce n’est donc que si cette part du titulaire atteint 500.000 euros que la taxe s’applique.
Quid dans le cas où un compte-titres est détenu par plusieurs titulaires? La loi prévoit que "la fraction des instruments financiers imposables détenue par le titulaire est présumée proportionnelle au nombre de titulaires enregistrés". En présence de deux titulaires d’un compte-titres, chacun est présumé en détenir 50%; s’ils sont trois, chaque part vaut un tiers de la valeur du compte; s’ils sont quatre, c’est 25% chacun; etc.
Comptes démembrés
Et si la propriété des comptes-titres est démembrée entre des usufruitiers et des nus-propriétaires? La loi dispose que, par "titulaire" d’un compte-titres, il faut entendre "la personne physique, qu’elle soit plein propriétaire, nue-propriétaire ou usufruitière, qui est la détentrice du compte-titres". Mais en pratique, certaines banques n’enregistrent que les nus-propriétaires comme titulaires des comptes-titres. "S’agissant des comptes démembrés, la pratique peut varier d’une banque à l’autre", explique François Parisis.
Cela peut avoir des conséquences importantes. Imaginons que deux parents possédant un compte-titres décident de faire don de la nue-propriété du compte à leurs deux enfants. Ils demeurent donc usufruitiers du compte. Dans certaines banques, seuls les deux enfants nus-propriétaires seront enregistrés comme titulaires du compte, dont la valeur sera répartie entre eux proportionnellement, soit 50% chacun.
Mais dans la majorité des institutions financières, les parents usufruitiers seront également considérés comme titulaires du compte. Dès lors, la valeur de celui-ci sera présumée se répartir de manière proportionnelle entre quatre personnes: les deux nus-propriétaires et les deux usufruitiers, ce qui implique une part de 25% à chacun.
Cette pratique bancaire est plus intéressante pour les détenteurs de comptes-titres puisque la valeur totale du compte démembré est répartie entre un plus grand nombre de titulaires, le seuil de 500.000 euros étant ainsi moins vite atteint.
Cette pratique est également plus respectueuse du droit patrimonial, estime François Parisis: "Je ne peux qu’appuyer les banques qui mentionnent l’usufruitier comme titulaire à part entière du compte démembré. En effet, le droit d’un usufruitier ne se limite pas aux revenus du capital: la loi lui donne les mêmes droits qu’un nu-propriétaire pour la gestion des titres. Par exemple, les nus-propriétaires ne peuvent pas, sans l’accord des usufruitiers, arbitrer des parts de sicav de distribution contre des parts de sicav de capitalisation."
Conclusion de François Parisis: "Les banques feraient bien de profiter de l’instauration de la taxe sur les comptes-titres pour uniformiser leurs pratiques en matière de comptes démembrés." Voilà qui est dit.