Vous avez acheté, éventuellement retapé, puis revendu un appartement, avec une belle plus-value. Satisfait de l’opération, vous l’avez répétée plusieurs fois et êtes toujours à l’affût d’opportunités. Ou alors, vous donnez un appartement en location, vous vous en sortez bien, votre emprunt est remboursé grâce au loyer et vous dégagez même de la marge. Votre investissement est rentable, vous décidez donc d’investir à nouveau dans d’autres appartements, dans une maison de rapport, dans des garages… Bref, l’immobilier est devenu un peu plus qu’un dada et le fisc a décidé de requalifier vos revenus immobiliers en revenus professionnels. Qu'est-ce que cela signifie exactement pour vous? Que risquez-vous?
Lorsque des revenus immobiliers résultant de l’exploitation (ou de la vente) d’immeubles sont requalifiés par l’administration fiscale en revenus professionnels, vous êtes par conséquent imposé sur la base de bénéfices ou de profits. Il en résulte que vous acquerrez alors la qualité d’indépendant, au moins à titre complémentaire. Vous devenez soumis aux systèmes des versements anticipés et aux cotisations de sécurité sociale applicables aux indépendants. La TVA peut également trouver à s’appliquer selon l’activité immobilière considérée (par ex. location de parkings non accessoires à un bail principal).
Quels impôts devrez-vous payer ?
Taux d'imposition. Ces revenus seront, le cas échéant, ajoutés aux autres types de revenus et soumis aux taux progressifs à l’impôt des personnes physiques (soit de 30% à 50%, majorés de la taxe communale ou d’agglomération).
La Belgique ne peut pas requalifier vos revenus immobiliers français s'ils sont qualifiés de revenus fonciers par la France. De fait, "selon le traité fiscal entre la France et la Belgique, il semble que la Belgique doive s’aligner sur la qualification donné par l’état de situation du bien immobilier (soit, la France), en l'occurrence des revenus immobiliers", explique Grégory Homans, avocat au cabinet Dekeyser & Associés.
Rétroactivité. Comme l'explique Antoine Béchaimont, avocat au cabinet Loyens & Loeff, "le fisc peut remonter jusqu'à trois ans en matière d'impôts sur le revenu". Concrètement, si vous vous faites contrôler en 2019 et que le fisc décide de requalifier vos revenus immobiliers en revenus professionnels, il peut donc remonter jusqu'à l'exercice d'imposition 2017 (qui porte sur les revenus 2016). "Si l'administration notifie préalablement le contribuable d'indices de fraude suffisamment précis en ce qui le concerne, elle peut remonter jusqu'à sept ans en arrière", poursuit-il. Cependant, l'intention frauduleuse semble difficile à prouver dans le cas de la requalification de revenus immobiliers. De fait, le fisc ne précisant pas ce qui constitue dans les faits la gestion normale du patrimoine privé (lire plus loin), le contribuable pourrait plus facilement invoquer sa bonne foi. Il existe également un délai d’investigation de 5 années si le fisc reçoit des informations communiquées par une administration fiscale étrangère.
Amende. Théoriquement, le fisc peut appliquer un accroissement d'impôts sur la portion d'impôts non déclarés compris entre 10 et 200%. Cependant, selon Grégory Homans, avocat fiscaliste chez Dekeyser & Associés, l'accroissement se limiterait à 10%, voire 50% dans les cas les plus graves. Par ailleurs, il estime peu probable que le fisc applique dans cette matière l'amende pour "déclaration incorrecte" qui peut monter jusqu'à 1.250 euros.
Business or not business?
Toute la question est bien sûr de savoir si vous risquez, ou non, une requalification en revenus professionnels. Les opérations immobilières que vous effectuez doivent être considérées comme des opérations de gestion normale d’un patrimoine privé pour ne pas être assimilées à une activité professionnelle.
Mais la définition est assez floue. Comme l’explique Florence Angelici, porte-parole du SPF Finances, "il s’agit d’une question de fait qui doit être appréciée en fonction des circonstances propres à chaque cas. Seule une analyse de l’ensemble des faits, démarches, opérations, etc. permettra de déterminer si le contribuable a — ou non — agi dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé".Concrètement, si vos opérations attirent l’attention du fisc, le fonctionnaire taxateur va s’appuyer sur plusieurs éléments pour déterminer si vos opérations rentrent dans la gestion normale de votre patrimoine ou si elles s’apparentent à un vrai business qui doit donc être taxé. Voici quelques exemples:
• la manière "anormale" dont un bien immobilier s’est retrouvé dans le patrimoine privé du contribuable (en d’autres termes, s’il s’agit d’un bien immobilier qui n’a pas été acquis par héritage, donation, épargne personnelle, etc.). C’est le critère principal;
• les intentions "spéculatives" du contribuable;
• le fait que le contribuable ait eu recours — dans une large mesure — à des emprunts ou à des ouvertures de crédit pour financer les acquisitions;
• la publicité faite pour stimuler les ventes ou les mises en location;
• le fait que des travaux d’amélioration aient été exécutés (si oui, on peut plus difficilement vous considérer comme professionnel);
• le nombre d’opérations;
• l’appel à des professionnels du secteur immobilier;
• l’utilisation des connaissances personnelles du contribuable appartenant au secteur immobilier;
• le fait que des acquisitions aient été effectuées en indivision;
Le fisc s’appuiera sur une combinaison de deux ou plusieurs de ces critères pour décider que les opérations immobilières ne peuvent pas être considérées comme faisant partie de la gestion normale du patrimoine immobilier.