Donner une assurance-vie pour éviter les droits de succession, c'est désormais du passé. La Région de Bruxelles-Capitale va aligner son régime fiscal relatif aux transmissions d'assurances-vie sur les règles applicables en Flandre, que la Wallonie avait déjà copiées. Toutes les législations régionales décourageront dès lors la donation de police d'assurance.
Celle-ci permettait de contourner les droits de succession en principe dus sur une assurance-vie: quand le souscripteur du contrat assure sa propre tête au profit d'un tiers, l'impôt successoral s'applique lors du décès; mais si le souscripteur procédait à une donation de l'ensemble de ses droits sur la police au profit du tiers, le transfert de patrimoine n'était plus considéré comme ayant lieu lors du décès, mais bien lors de la donation. Les droits de succession ne s'appliquaient donc pas.
La Région bruxelloise met fin à cette pratique. Elle assimile la transmission de la police d'assurance à un legs (transmission à titre gratuit prenant effet au décès) soumis aux droits de succession, comme en Flandre et en Wallonie.
Enregistrement
Quid si on a fait enregistrer la donation de l'assurance-vie et qu'on a donc déjà payé des droits de donation? Dans ce cas, "la Région de Bruxelles-Capitale admet que la base de calcul des droits de succession soit diminuée du montant ayant servi de base au calcul des droits d'enregistrement liés à la donation", souligne Grégory Homans, associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés. "Supposons qu’il soit fait don d’une assurance dont la valeur de rachat est de 500 et qu’au dénouement de la police, le bénéficiaire recueille 600. Ce dernier supportera, si le don initial a été enregistré, un impôt successoral sur la plus-value de 100 uniquement. Si le don n’a pas été enregistré, le bénéficiaire sera redevable de droits de succession sur 600."
"Il est prudent de s'interroger sur la manière dont cette nouveauté impactera les dons d'assurance déjà réalisés et d'envisager d'éventuels aménagements."
Ces droits de succession seront dus même en cas de décès plus de trois ans après la donation, alors que les donations non enregistrées échappent en principe aux droits de succession en cas de décès plus de trois ans après la donation, et même cinq ans en Wallonie. Précisons que Bruxelles ne s'aligne pas sur ce délai wallon allongé.
Quid des dons d'assurances-vie déjà réalisés? "Il est prudent de s'interroger sur la manière dont cette nouveauté impactera éventuellement les dons d'assurance déjà réalisés et d'envisager d'éventuels aménagements pour bénéficier d'une fiscalité favorable pour ceux-ci; une approche comparative avec la pratique des autres Régions permet d'apporter certaines solutions", répond Me Homans. "Il est aussi prudent de s'interroger sur les manières de restructurer, à l'avenir, des polices 'AAB' (assurance-vie prise par un souscripteur sur sa propre tête au profit d'un tiers, NDLR) pour éviter à leurs bénéficiaires d'être redevables des droits de succession sur les capitaux attribués. Il existe encore plusieurs possibilités en ce sens", précise l'avocat fiscaliste.
Contrat "au dernier vivant"
La Région bruxelloise a aussi légiféré sur un autre cas: les assurances-vie dites "au dernier vivant", c'est-à-dire prises par plusieurs souscripteurs et structurées pour qu'au décès du premier souscripteur, le survivant recueille l'ensemble des droits sur l'assurance.
Ces nouvelles règles s'appliqueront à partir du dixième jour suivant la publication de l'ordonnance bruxelloise.
"En la matière, la Région de Bruxelles-Capitale adopte le principe du 'wait and see' (attendons de voir, NDLR) déjà connu en Flandre depuis 2017 et en Wallonie depuis cette année", explique Me Homans. "Sur la base de ce principe, au décès du premier des preneurs, un impôt successoral sera uniquement dû lors de la sortie effective des fonds de la police, et ce, sous réserve de certaines exceptions", souligne l'expert.
Ces nouveautés s'appliqueront aux polices ouvertes à partir du dixième jour suivant la publication de l'ordonnance bruxelloise au Moniteur belge, laquelle n'a pas encore eu lieu.
Le résumé
- La Région de Bruxelles-Capitale s'aligne sur le traitement fiscal des donations d'assurances-vie pratiqué dans les deux autres Régions.
- Désormais, ces donations seront assimilées à des legs soumis aux droits de succession.
- Si des droits d'enregistrement ont déjà été payés, les droits de succession en tiendront compte.
- De nouvelles règles s'appliquent aussi aux polices "au dernier vivant".