Semaines après semaines, les syndicats tempêtent contre la réforme des pensions qui va obliger les Belges à travailler plus longtemps. Tous les Belges. Qu’ils soient salariés, fonctionnaires ou même indépendants. Et pourtant, ces derniers n’élèvent pas la voix pour protester contre les mesures prises par le gouvernement fédéral.
Pourquoi ce silence? La réponse est simple. La réforme des pensions ne comporte que des avantages pour les indépendants. Ou presque. On vous explique.
- Le recul à 67 ans de l’âge légal de départ à la retraite
C’est la mesure à la fois la plus limpide, et qui a provoqué les plus grosses levées de bouclier chez les fonctionnaires et les salariés. L’âge légal de prise de la pension passera de 65 à 67 ans d’ici 2030.
Les indépendants ont déjà l’habitude de travailler plus longtemps.
Des possibilités de pensions anticipées existent encore, mais à des conditions plus strictes (on vous passe les détails techniques). Les indépendants n’échappent pas à la règle. Mais cela ne leur pose pas de gros souci, car l’âge de départ moyen effectif d’un indépendant à la retraite et plus élevé que celui du salarié. Comprenez, dans les faits, les indépendants ont déjà l’habitude de travailler plus longtemps.
Le recul de l’âge de la pension ne les inquiète donc pas outre mesure. Petit rappel chiffré: l’âge effectif de départ du marché du travail est de 59,7 ans en moyenne chez les Belges, mais de 63 ans pour les indépendants. Fin 2016, 99.075 indépendants étaient encore actifs après 65 ans (sur un total de 714.000 indépendants).
- La pension minimum relevée
La pension minimum des indépendants a été relevée jusqu’au niveau de celle des salariés (pension isolé et pension de survie). Depuis 2014, la pension minimum d’un indépendant isolé a ainsi augmenté de 151 euros par mois (14%, contre une hausse de 8% au taux ménage). Une nouvelle hausse est encore prévue en janvier prochain. La pension minimum est donc aujourd’hui de 1.212,43 euros par mois pour un isolé (avec une carrière complète).
- Le rachat des années d’étude pour leur prise en compte dans le calcul de la pension
Ce volet de la réforme (qui entre d’ailleurs en vigueur ce vendredi 1er décembre) a eu pour objectif d’harmoniser le principe de la bonification pour diplôme dans les trois régimes. Alors que cette prise en compte des années d’étude était automatique (et gratuite) chez les fonctionnaires, ce n’était pas le cas pour les indépendants et les salariés.
Tout le monde est mis à la même enseigne. Une année d’étude rachetée nécessitera un investissement de 1.500 euros (contre une fourchette variant entre 700 et 9.300 euros selon les cas auparavant). Pour l’indépendant, la réforme assouplit le système. En effet, auparavant, il était obliger de racheter la totalité de ses années d’études (un investissement lourd et pas nécessairement intéressant pour un médecin qui a fait 9 ans d’études).
Dorénavant, il pourra "saucissonner", et ne faire valoir que le nombre d’années qui lui semble nécessaire. De plus, le paiement pourra se faire en deux fois (au lieu d’un one shot auparavant).
- La suppression de l’unité de carrière
C’est la toute dernière mesure à être entrée en vigueur. La suppression de l’unité de carrière permet de valoriser toutes les années effectivement travaillées, y compris au-delà de 45 ans de carrière (ce qui n’était pas le cas avant). Un indépendant qui compte 47 ans de carrière (de 18 à 65 ans de manière continue), ne perdra plus les deux années cotisées après ces 45 ans.
A cette mesure s’ajoute aussi celle entrée en vigueur en 2015, qui a fait sauter les plafonds de revenus du travail autorisé après la pension (à condition d’avoir 65 ans et 45 ans de carrière). Ces cas de figure restent rares, signale l’UCM. "En 2016, sur les 27.410 indépendants ayant pris leur pension, 5.264 ont malgré tout dépassé les 45 ans de carrière, soit 19,2%…," précise le cabinet du ministre des classes moyennes Denis Ducarme.
- La pension à points
Le projet en discussion donne un coefficient de pondération du point pour les indépendants inférieur à celui des salariés.
Ce projet-là n’est, par contre, pas encore abouti. Pour rappel, il permettra de calculer le montant de pension en valorisant les années de carrière comptabilisées sous forme de points. La valeur du point dépendant notamment du revenu professionnel et de la durée de référence (carrière pour une pension à temps plein). Actuellement, le projet en discussion donne un coefficient de pondération du point pour les indépendants inférieur à celui des salariés.
Tout simplement car il reflète la situation actuelle (les indépendants cotisent moins dans leur système que les salariés, et donc les prestations sociales y sont plus basses). Mais les classes moyennes avancent un argument pour revaloriser la valeur du point. Selon eux, il ne reflète plus le niveau de cotisation actuel.
- Un complément à la pension libre complémentaire (PLC)
En 2015, 338.836 indépendants ont cotisé dans "leur" 2 pilier de pension, la PLC (pension libre complémentaire), 229.528 indépendants y ont souscrit, mais n’ont pas cotisé cette année-là. Le souci de ce "2e pilier", c'est que les montants que les montants que les indépendants peuvent y verser sont plafonnés. Il existe donc une formule complémentaire, l'EIPT (acronyme d'engagement individuel de pension pour travailleurs indépendants). Jusqu'à présent, seuls les indépendants en société peuvent y souscrire. A partir de 2018, les indépendants en personne physique (comme les boulangers, les bouchers, etc..) pourront aussi y cotiser. Le cabinet Bacquelaine estime à 432.500 le nombre d’indépendants sans société qui pourraient se lancer.