La Fédération des notaires (Fednot) indique qu’un millier de pactes successoraux ont déjà été conclus depuis l’entrée en vigueur de la réforme du droit successoral, le 1er septembre 2018.
"Cela va doucement rentrer dans les mœurs, prédit le notaire Sylvain Bavier. Pour l’heure, beaucoup s’informent et réfléchissent. "Certains décident de ne rien faire, par crainte de la réaction de leurs enfants et préfèrent qu’ils se débrouillent à leur décès. C’est regrettable car l’objectif du législateur est précisément d’inciter à déminer des situations potentiellement conflictuelles."
Inventaire des donations et avantages
Les familles ont donc désormais la possibilité de conclure des pactes sur succession future. Concrètement, les parents réunissent leurs enfants, petits-enfants (et éventuellement leurs beaux-enfants) pour régler certains aspects de leur succession et éviter ainsi des discussions ou disputes à leur décès.
"On retrace tout ce qui a fait l’objet de donations ou d’avantages divers, et moyennant l’accord de tous, on décide qu’au décès, plus rien ne sera contesté ou remis en cause", explique le notaire bruxellois Jean Martroye de Joly. Il ne s’agit pas d’atteindre une égalité parfaite, mais d’arriver à un équilibre nécessairement subjectif mais où aucun ne se sentira lésé et sera satisfait de ce qu’il a reçu.
Dans le cadre de ce grand "déballage", seront mis dans la balance non seulement les donations que les parents ont faites, mais également les dépenses et avantages qu’ils ont consentis à l’un ou à l’autre. Une année d’études à l’étranger, la mise à disposition d’un appartement familial durant des années, le financement d’un voyage ou la garde des petits-enfants, etc. Autant de "gestes" financiers plus ou moins aisément chiffrables mais objectifs et qu’il faut prendre en considération à l’heure de faire les comptes.
Compteurs à zéro
Conclure un pacte successoral c’est donc faire le bilan de ce que chacun a reçu (ou pourrait recevoir à ce moment, pour compenser) et une fois l’accord de toutes les parties obtenu, remettre ainsi les compteurs à zéro. À cette date, s’entend. Toute donation ou avantage consenti par la suite ne sera donc pas concerné par un pacte déjà conclu. "Mais rien n'interdit évidemment de conclure un autre plus tard", nuance Jean Martroye de Joly.
De tels arrangements ne peuvent évidemment être conclus sur un coin de table. Chacun doit savoir à quoi il s’engage! "C’est la raison pour laquelle il y a une longue procédure (sous la houlette d’un notaire, un formalisme et un calendrier à respecter", rappelle Jean Martroye. Les parties doivent avoir le temps de la réflexion et la possibilité d’être informées individuellement. Histoire de s’assurer que personne ne signe sous la contrainte ou sous influence…"
Irrévocable!
Le pacte est en effet irrévocable. Autrement dit, si les affinités familiales ou les circonstances qui ont amené les uns et les autres à accepter certaines choses évoluent, il ne sera plus possible de revenir en arrière. "Un enfant qui est très à l’aise financièrement alors que son frère est handicapé ou dans le besoin pourrait accepter que les parents avantagent son frère, et renoncer à une partie de son héritage. Mais imaginons que plus tard il fasse faillite ou qu’il soit ruiné lors d’un crash boursier…".
Ajoutons que le pacte n’est opposable qu’aux parties prenantes. "Si un enfant surprise ou un héritier inconnu se manifeste plus tard, il faudra en tenir compte", avertit le notaire Martroye.
Il est également possible de conclure un pacte ponctuel impliquant les seules parties intéressées par un aspect bien précis de la succession. La procédure est alors plus simple et plus rapide. "Cas typique: on donne un bien à son fils, un autre à sa fille, et on se met d’accord ensemble sur la valeur de ces biens, que l’on fixe dans un pacte. Une façon d’éviter toute contestation ultérieure", ajoute Sylvain Bavier.