En matière de droit successoral, les Belges veulent le beurre et l’argent du beurre. Ils veulent pouvoir choisir librement à qui ira leur patrimoine lors de leur décès mais ils souhaitent aussi recevoir à coup sûr l’héritage de leurs proches si ceux-ci viennent à mourir. C’est l’un des enseignements d’une vaste enquête menée par la Fondation Roi Baudouin sur la perception et les attentes des Belges en matière de successions.
Rappelons que cette matière ne traite pas des droits de succession, c’est-à-dire les impôts qui s’appliquent à la transmission du patrimoine lors du décès. Non: il s’agit ici de se pencher sur les règles qui déterminent à qui est dévolu le patrimoine du défunt. Or, "ce cadre légal a 200 ans", a rappelé Dominique Allard, directeur à la Fondation Roi Baudouin, mardi, lors de la présentation des résultats de l’enquête. "Les Belges vivent différemment aujourd’hui. Il y a de la place pour une adaptation du droit successoral."
C’est pourquoi la Fondation a voulu déterminer les attentes des Belges en la matière. Les conclusions de cette enquête ont été remises lundi au ministre de la Justice, Koen Geens, qui prépare un projet de loi réformant le droit successoral et matrimonial. "C’est un matériau qui peut aider le législateur à prendre ses responsabilités", avance M. Allard.
D’après cette étude, la faculté de disposer librement du patrimoine reçoit une large adhésion dans la population belge. 86% des personnes sondées veulent pouvoir choisir comment leurs biens seront transmis lors de leur décès. Parmi elles, sept personnes sur dix sont favorables à la possibilité de conclure un arrangement en famille, par contrat, sur la répartition des biens.
Réserve légale plébiscitée
"Mais le Belge veut à la fois cette liberté et une protection, une certitude de pouvoir hériter", explique Isa Van Dorsselaer, experte indépendante qui a mené l’enquête pour la Fondation. Ce souhait se marque dans les réponses des sondés sur la question de la réserve légale. Il s’agit de la part du patrimoine du défunt qui revient automatiquement aux héritiers réservataires – le plus souvent les enfants – et dont on ne peut donc pas disposer librement. 67% des personnes interrogées sont favorables à ce régime, qui est déjà prévu par la loi actuellement.
30% des personnes favorables à la réserve légale estiment qu’elle devrait porter sur la moitié des biens du défunt.
Mais un aménagement de la taille de la réserve serait envisageable. 30% des personnes favorables à la réserve légale estiment qu’elle devrait porter sur la moitié des biens du défunt. Or, actuellement, la réserve peut atteindre trois quarts du patrimoine, si le défunt avait trois enfants ou davantage. Les Belges semblent plus partagés sur la faculté de déshériter un enfant dans certaines circonstances. 54% y sont favorables, 23% estiment même qu’on devrait pouvoir déshériter un enfant sans justification mais 24% s’y opposent, quel que soit le cas de figure. Les causes les plus citées qui autoriseraient à déshériter sont l’absence de tout contact (37%) et l’addiction de l’enfant à une drogue ou au jeu (35%).
Les Belges veulent pouvoir choisir qui recevra leur patrimoine lors de leur décès, selon une enquête de la Fondation Roi Baudouin.
Ils veulent pourtant aussi que la loi leur garantisse d’hériter.
Les enfants et le partenaire devraient être protégés, selon eux.
Les choses se compliquent quand on évoque les familles recomposées. Mettre les enfants d’une précédente union sur le même pied que les enfants du couple emporte l’adhésion de 38% des sondés mais est une idée rejetée par 40% d’entre eux. 25% estiment que les enfants d’une union antérieure sont assez protégés par la loi mais 22% trouvent qu’ils ne le sont pas assez. Par ailleurs, les Belges sont assez largement favorables à une solidarité patrimoniale entre le défunt et son partenaire. 82% d’entre eux estiment que le logement familial doit lui revenir automatiquement. 63% des sondés estiment qu’il ne faut pas faire de différence entre les partenaires mariés et les autres.
Enfin, l’enquête de la Fondation Roi Baudouin démontre que les Belges connaissent mal les règles actuelles du droit successoral. En particulier, "il existe une grande méconnaissance parmi les cohabitants de fait", explique Virginie De Potter, chargée de recherche à la Fondation, qui a mené l’enquête en menant des discussions avec des personnes sondées. À côté de l’aspect législatif, un besoin d’information se fait donc sentir.