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Transmettre son immobilier aux enfants de façon avisée et optimale

L’allégement des droits de donation sur les biens immobiliers facilite et stimule la transmission du patrimoine familial de base. Quelles sont les techniques? Les points d’attention? Et les coûts?
©Shutterstock

En faisant donation de biens à vos héritiers de votre vivant, vous réduisez la valeur du patrimoine que vous leur transmettrez par héritage à votre décès, et donc les droits de succession qu’ils devront payer. Mais pas seulement.

Comme nous vivons de plus en plus vieux, si l’on n’anticipe rien, l’héritage revient en général aux enfants (voire aux petits-enfants) quand ils sont installés et ont déjà fondé une famille depuis longtemps. Or, c’est lorsqu’ils se lancent dans la vie qu’ils ont besoin d’un coup de pouce. En d’autres termes, l’héritage arrive souvent trop tard.

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Faire des donations semble donc a priori plus utile et plus pertinent. Il faut dire que la simplification et la baisse des droits de donation sur les immeubles, intervenue le 1er janvier 2016 en Région bruxelloise et en Région wallonne et six mois plus tôt en Flandre, ont eu pour effet immédiat de faciliter et d’encourager la planification successorale via les donations.

Auparavant, les tarifs exorbitants des droits de donation, même en ligne directe, laissaient peu d’échappatoires, poussant plutôt les gens à vendre leur bien pour éventuellement donner (une partie de) l’argent ensuite, les droits de donation sur les biens mobiliers étant bien plus légers.

"À Bruxelles où le délai de 3 ans a été supprimé, il est possible de faire donation d’un bien immobilier in extremis pour éviter qu’il tombe dans la succession."

Martin Vanden Eynde
Expert patrimonial et licencié en notariat

Aujourd’hui, les droits de donation en ligne directe (donc notamment entre parents et enfants) qui s’appliquent aux biens immobiliers varient de 3 à 27% en fonction des tranches et sont identiques dans les trois Régions du pays, alors que les droits de succession sont sensiblement plus élevés et varient d’une Région à l’autre.

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"Depuis la réduction des tarifs, la donation immobilière est devenue extrêmement intéressante, confirme Martin Vanden Eynde, expert patrimonial et licencié en notariat. Il est en effet désormais possible de transmettre 150.000 euros par parent et par enfant au tarif de 3%, hors frais et honoraires de notaire." Concrètement, cela signifie que la quasi-totalité des immeubles ordinaires peuvent être transmis à très bon compte. "Au point qu’en Région wallonne, la donation d’une maison ou d’un appartement est même devenue plus intéressante, dans certains cas, qu’une transmission d’avoirs bancaires qui, elle, est taxée à 3,3%", observe l’expert.

"En Région bruxelloise, le fameux délai de 3 ans ayant été supprimé (NDLR, la valeur d’une donation immobilière ne doit plus être prise en compte dans le calcul du montant des droits de succession si le donateur décède dans les 3 ans), il est même possible de faire donation d’un bien immobilier in extremis pour éviter qu’il tombe dans la succession", souligne opportunément Martin Vanden Eynde.

Le calcul et le raisonnement sont donc assez vite faits. Les considérations fiscales ne doivent toutefois pas prendre le pas sur le reste. Une transmission réussie doit intégrer d’autres aspects et tenir compte des spécificités propres à chaque famille.

Le logement familial, cas à part

Commençons par établir une distinction, au sein même du patrimoine immobilier, entre l’habitation familiale d’une part et les éventuels autres biens tels la résidence secondaire à la Côte ou dans les Ardennes, ou encore l’immeuble de rapport. Dans la grande majorité des cas, le logement familial est en effet la principale voire l’unique composante du patrimoine du ménage. S’en dépouiller prématurément est donc une option risquée à ne pas prendre à la légère, notamment dans la perspective de la pension, si vous n’avez pas d’autre bien ou pas de réserves financières suffisantes pour servir de poire pour la soif.

Comment les droits de succession sont-ils calculés?

En ligne directe

· À Bruxelles et en Wallonie: par héritier, sur la somme des biens meubles et des biens immeubles.

· En Flandre: sur les biens meubles d’une part et sur les biens immeubles d’autre part.

Rappelons que c’est le domicile fiscal du défunt qui détermine la Région compétente pour le prélèvement des droits de succession.

La donation de l’habitation familiale est logiquement assez rare et n’intervient en général qu’en fin de vie. "Il est préférable de donner en dernier lieu (ou pas du tout) l’immeuble servant de logement familial car la taxation est réduite ou nulle", recommande le site www.notaires.be. 

Donation assortie de mécanisme de protection

Rappelons que donné c’est donné… Une donation est irrévocable et son effet est immédiat. Il est cependant possible d’assortir la donation de mécanismes de sécurité, et en pratique, c’est très courant.

La donation avec réserve d’usufruit est à cet égard la formule la plus prisée. Les enfants deviennent ainsi nus-propriétaires de l’immeuble et au décès des parents, une fois leur usufruit éteint, les enfants deviennent automatiquement pleins propriétaires sans plus rien devoir payer au fisc. "Cela ne change rien aux droits de donation qui restent dus sur la totalité du bien", souligne Martin Vanden Eynde.

Lequel rappelle qu’en présence de deux époux qui donnent conjointement à leurs enfants la moitié indivise d’un bien en s’en réservant tous deux l’usufruit, il peut être utile de prévoir une clause d’accroissement de l’usufruit. Au décès du premier parent, l’usufruit du survivant va ainsi porter sur la totalité des biens donnés (concrètement s’étendre à la partie des biens donnés par le prémourant). "Outre la déclaration de succession, l’époux survivant devra faire une déclaration spécifique à l’enregistrement, afin que l’accroissement de l’usufruit soit effectivement constaté au niveau du cadastre. Il lui en coûtera 50 euros", explique le spécialiste.

"La plupart des biens peuvent aujourd’hui être donnés au taux de 3%."

Martin Vanden Eynde
Expert patrimonial et licencié en notariat

Une clause de retour conventionnel peut également être envisagée. "Cela peut être intéressant en cas de prédécès de l’enfant. Mais il est prudent de prévoir que cette clause soit optionnelle. Le donateur peut ainsi l’activer ou non, en fonction des circonstances. Il n’est pas forcément utile qu’il récupère le bien, si c’est pour ensuite devoir le retransmettre à ses petits-enfants, par exemple…" Attention, en Région flamande, Vlabel taxe le retour optionnel au tarif du droit de vente (10%).

D’autres mécanismes de sécurité peuvent être envisagés, comme la donation avec charge de rente qui assure au donateur un apport financier régulier jusqu’à son décès, l’interdiction de revente, etc.

Ne perdons pas de vue "la possibilité qu’ont les grands-parents de faire donation directement à leurs petits-enfants en se réservant l’usufruit et en prévoyant une réversion de celui-ci au profit de leurs enfants, suggère encore l’expert patrimonial. Le bien immobilier se retrouve ainsi directement à l’étage inférieur, et l’usufruit passe entre-temps des grands-parents aux enfants. En Flandre, cette construction sera soumise à des droits de donation, tandis qu’à Bruxelles et en Wallonie où elle est assimilée à un legs, elle sera taxée à ce titre aux droits de succession."

La donation par tranches

Pour limiter l’impact fiscal d’une donation immobilière, vous pouvez envisager de faire une donation par tranches, tous les trois ans. Vous atténuerez ainsi la progressivité de l’impôt.

Mais pourquoi ce délai de 3 ans? Pour les donations immobilières, les "compteurs" sont remis à zéro tous les trois ans. Si vous faites une deuxième donation moins de trois ans après en avoir fait une première, les montants des deux donations seront additionnés. Les droits de donation seront dès lors calculés sur une base plus élevée.

Grâce au "saucissonnage" d’une donation, on augmente encore son intérêt par rapport à un legs.

Exemple (source: "infofiche – succession & donation", www.notaire.be)

Laurence, domiciliée à Bruxelles et mère de Loïc, est propriétaire d’un studio d’une valeur de 150.000 euros situé à Ixelles (Région bruxelloise) et d’une maison d’une valeur de 200.000 euros en bord de Meuse (Région wallonne).

Si ces biens (350.000 euros au total) tombent dans sa succession, Loïc devra payer 38.250 euros de droits de succession (12% de la valeur totale de son héritage).

Si Laurence fait donation de ces deux immeubles, pour limiter au maximum l’impact fiscal, elle a intérêt à faire des donations par tranches.

Elle commence par faire donation du studio bruxellois et paiera 4.500 euros de droits de donation.

Trois ans plus tard, elle fait donation de sa maison en bord de Meuse et paiera 9.000 euros de droits de donation.

Au total, Laurence aura payé 13.500 euros de droits de donation. Sinon, Loïc devra payer 38.250 euros de droits de succession.

L’achat scindé

Dans l’optique d’une planification successorale, certaines familles vont plus loin: les parents acquièrent un bien avec leurs enfants. L’achat scindé est à cet égard très prisé. Concrètement, les parents achètent l’usufruit de l’immeuble (ce qui leur permet d’en conserver la jouissance ou d’en percevoir les revenus) et les enfants la nue-propriété de celui-ci, à l’aide de fonds préalablement reçus de leurs parents. Au décès des parents, l’usufruit s’éteint et les enfants deviennent alors propriétaires sans plus payer aucune taxe.

Cette technique qui consiste à sortir l’immeuble de la succession a fait couler beaucoup d’encre. Elle était en effet dans le viseur du fisc qui la considérait comme un "abus fiscal". Longtemps indécis, le sort de l’achat scindé a finalement été scellé. Durant une quinzaine d’années, le fisc a imposé des conditions strictes à respecter dans un achat scindé, obligeant à enregistrer la donation préalable de liquidités ou à pouvoir prouver qu’elle était sans lien avec l’achat immobilier. La plupart des parents optaient alors pour l’enregistrement afin d’éviter tout risque. Aujourd’hui, le seul critère pris en compte est la date de la donation (qui doit forcément précéder celle de l’acquisition).

"La marche à suivre étant désormais très claire, c’est une solution extrêmement intéressante, insiste le spécialiste en planification. Les donateurs sont protégés jusqu’à leur décès tandis que le bien est sorti de la succession".

Selon lui, "le choix entre un achat scindé et un achat classique en pleine propriété est cependant devenu moins évident. La possibilité pour les parents de faire (dans la plupart des cas) une donation au taux de 3% au moment où ils le souhaitent relativise un peu l’intérêt de l’achat scindé. S’ils sont seuls propriétaires de l’immeuble, en cas de problème financier, ils ont toujours la possibilité de le vendre et de récupérer la totalité la somme…", conclut-il.

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